
L'habitat inclusif, un nouvel idéal pour les seniors ?Dans un contexte de post-crise sanitaire qui a révélé le besoin de prendre soin des populations les plus fragilisées et à la faveur de l’aspiration des Français à vieillir chez eux, on constate ces dernières années l’essor de l’habitat dit inclusif ou partagé. Les récents scandales concernant les Ehpad, notamment après la sortie du livre Les fossoyeurs (Fayard, 2022) du journaliste Victor Castanet révélant des situations de maltraitance de personnes âgées, ont par ailleurs conforté le désir de pouvoir vieillir chez soi, quand les conditions sont réunies.
Ce désir est d’autant plus grand que le sentiment de solitude et d'isolement chez les personnes âgées est un enjeu social fort. Le «Baromètre 2025 solitude et isolement, quand on a plus de 60 ans en France» de l’association Les Petits Frères des pauvres publié le 30 septembre dernier le confirme : 2 millions de personnes âgées sont isolées, 750 000 vivent en situation dite de « mort sociale » (désigne une situation d’isolement extrême : des personnes âgées qui ne rencontrent quasiment jamais, ou très rarement, d’autres personnes), soit 4% des plus de 60 ans et 4,2 millions de personnes âgées éprouvent un sentiment de solitude.
Selon l’association Les Petits Frères des pauvres, 2 millions de personnes âgées en France sont isolées, 750 000 vivent en situation dite de « mort sociale ».
Ces chiffres alarmants sont à mettre en regard d'une autre donnée : la courbe démographique française. Avec 15 millions de personnes âgées de 60 ans et plus aujourd’hui, un Français sur quatre aura 65 ans ou plus à l’horizon 2040 (chiffres INSEE). 44 % des + de 75 ans vivent aujourd’hui à domicile. Quelles sont les alternatives quand arrivent les questions d’accès aux soins et de dépendance ou d’isolement sans passer par la case Ephad ?
Entre la question de la perte d’autonomie, de l’accès aux soins, du sentiment d’isolement très fort chez ces populations et le coût des logements, les enjeux autour de l’habitat des seniors sont multiples. À cet égard, le développement de nouvelles formes d’habitat porte une promesse forte : offrir au 3e et 4e âge un véritable chez soi et une vie sociale faite de moments partagés.
L’aspiration des seniors au « vivre-ensemble » a connu différentes déclinaisons. Parmi elles, le projet de résidence pour femmes âgées située à Montreuil en Seine-Saint-Denis, la maison des Babayagas, inaugurée en 2013 et réservée aux femmes de plus de 60 ans décidées à vieillir ensemble de façon autonome et solidaire ou encore les colocations intergénérationnelles entre jeunes à la recherche d’un logement et seniors désireux de compagnie et/ou d’un complément de revenu.
Le principe du logement inclusif ? Être chez soi dans son propre logement tout en partageant des espaces communs et un projet de vie sociale.
Pour répondre à la demande grandissante de vivre dans un environnement qui favorise le lien social et l’accompagnement, différentes formes d’habitat inclusif dans le parc privé ou social ont aussi émergé depuis quelques années. Elles sont portées par une multitude d’acteurs : des associations du secteur social ou médico-social, des mutuelles, des collectivités locales, des foncières solidaires, des bailleurs sociaux ou les habitants eux-mêmes. Le principe ? Être chez soi dans son propre logement tout en partageant des espaces communs et un projet de vie sociale. Pas de critères requis pour y habiter et la possibilité de bénéficier d’un accompagnement social ou d’une offre de services sanitaire, sociale ou médico-sociale individualisée pour l’aide et la surveillance en fonction de leurs choix et besoins.
Signe de son succès : en 2018, l’habitat inclusif s’est doté d’un encadrement législatif et juridique avec la promulgation d’une loi qui lui a donné une définition et la mise en place d’une nouvelle aide individuelle, l’aide à la vie partagée (AVP).
Créer de nouvelles solutions pour accompagner les seniors tout au long de leur parcours de vie, c’est aussi l’ambition des lieux de vie partagés portés par l'association Groupe SOS Seniors. « L’objectif est de co-construire, avec les seniors accompagnés, une vie collective avec une programmation de 3 à 5 activités par semaine. Cela va de la pratique de sport adapté à des cours d’anglais en passant par des sorties culturelles en lien avec des partenaires », explique Julie Chicaud, directrice des lieux de vie partagés au sein de l’association. Sur ce modèle, l’association Groupe SOS Seniors a déjà ouvert 5 lieux de vie dans des logements sociaux à Paris, Louveciennes, Valence et Epinal, souvent en pied d'immeuble, dans des locaux mis à disposition par des bailleurs sociaux. Son ambition : doubler ce chiffre d’ici quelques années pour répondre aux besoins.

Ce service entièrement gratuit, financé principalement avec l’AVP octroyée pour une durée de 7 ans, offre également aux bénéficiaires un accompagnement individuel, principalement pour un appui aux démarches administratives et une aide à l'usage du numérique. En moyenne, entre quinze et trente personnes fréquentent régulièrement ces espaces. “Au 5/5 dans le 13e arrondissement de Paris, nous sommes une petite dizaine à venir régulièrement. C’est un lieu vivant et chaleureux où les activités sont stimulantes. On ne se retrouve pas pour jouer aux cartes ! La semaine prochaine on démarre la réalisation d’un film avec un vrai metteur en scène”, s’amuse Reine, 76 ans qui fréquente chaque jour le lieu “surtout pour le lien social. Avant de venir ici, je passais des journées entières sans entendre le son de ma voix, j’étais un peu déprimée. Cela permet vraiment de sortir de l'isolement.”
« L’enjeu est de pouvoir répondre aux différentes trajectoires de l’habitat des seniors à l’échelle d’un territoire face au virage démographique actuel et à venir tout en conservant la proximité humaine indispensable à la réussite des projets. On le voit sur le terrain, l’isolement des personnes âgées est criant, et pas seulement dans le grand âge. » Julie Chicaud, directrice des lieux de vie partagés au sein de l’association Groupe SOS seniors
Il s’agit également pour l’association d’articuler les différentes solutions d’habitat en proximité pour construire de véritables parcours résidentiels, en faisant notamment des lieux de vie partagés des solutions complémentaires aux résidences autonomie, notamment en Ile-de-France où l’association gère 67 établissements. « L’enjeu est de pouvoir répondre aux différentes trajectoires de l’habitat des seniors à l’échelle d’un territoire face au virage démographique actuel et à venir tout en conservant la proximité humaine indispensable à la réussite des projets, analyse Julie Chicaud. On le voit sur le terrain, l’isolement des personnes âgées est criant, et pas seulement dans le grand âge. »
L’habitat inclusif vient s’inscrire dans le champ dit de l’habitat intermédiaire qui rassemble une grande diversité de solutions. « Situé entre le domicile traditionnel et les établissements pour personnes âgées ou en situation de handicap, l’habitat intermédiaire recouvre des solutions diverses telles que les résidences autonomie, les résidences services seniors, les habitats inclusifs, les habitats intergénérationnels ou l’accueil familial. Ces formes d’habitat combinent espaces privés, vie sociale et services, parfois tout ou partie mutualisés (services à domicile, prévention, animation), adaptés aux besoins de maintien de l’autonomie et à la lutte contre l’isolement », selon la définition de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Avec une gamme de tarifs variable en fonction du type de structure et du positionnement commercial : à partir de 500 euros environ pour un T1 en Résidences autonomie et entre 1000 et 1700 € pour les Résilience seniors. Pour l’habitat inclusif, les montants moyens des loyers sont de 470€ par habitant et par mois en 2024, toujours selon la CNSA. À cela s’ajoute le montant de l’aide dont ils sont bénéficiaires pour la mise en œuvre de leur projet de vie sociale et partagée, qui représente près de 6 200€ par an et par habitant.

D'après le Conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie qui émet des orientations stratégiques, 280 000 personnes bénéficient aujourd’hui de ce type d’habitat. Mais, au regard du vieillissement de la population et des aspirations des personnes en situation de handicap, le besoin est estimé à 500 000 logements en habitat intermédiaire d’ici 2050. « Le succès de ce déploiement réside notamment dans l’articulation avec les services médico-sociaux et d’aide à la personne présents et à venir sur le territoire et dans le bon maillage entre les différentes solutions d’habitat en réponse à un diagnostic territorial », souligne Karine Rollot, cheffe de projet Habitat intermédiaire à la CNSA.
280 000 personnes vivent aujourd’hui dans un logement intermédiaire pour personnes âgées.
Cette question territoriale se pose notamment dans les territoires ruraux et les petites villes. Dès 2021, la démarche « Bien vieillir dans les Petites villes de demain » a été lancée par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) avec l’objectif de soutenir les stratégies de revitalisation des centres-villes et des centre-bourgs de façon adaptée aux besoins et aux aspirations actuels et futurs des personnes en situation de handicap et/ou âgées. Depuis le lancement de l’Appel à manifestation d’intérêt doté de 1,5 m€ en octobre 2022, 116 projets localisés dans 65 départements ont été sélectionnés pour bénéficier d’un accompagnement.
Selon l’économiste Frédéric Bizard, président de l’Institut Santé dans un rapport publié le 18 septembre 2025, la « réalisation du virage domiciliaire - qui suppose de passer d’un ratio volume domicile/établissement 60/40 en 2024 à un ratio 75/25 en 2050 - générerait 12 milliards € d’économies d’ici à 2050. » A ce titre, améliorer la visibilité des différentes structures semble aujourd’hui un enjeu de taille pour accompagner au mieux les personnes âgées.
L’avis rendu par le Conseil d’Etat sur l’habitat partagé : Avis relatif aux questions juridiques soulevées par les différentes catégories d’habitats « partagés » - Conseil d'État
Tout simplement parce que cela reste une bataille, non pas avec les individus mais avec les institutions quand celles-ci tentent de nous arrêter. Je ne suis pourtant pas un radical mais il arrive que nos actions soient considérées comme des détériorations criminelles. Ce ne sont pas nos terres et nous n'avons pas l'autorisation de les exploiter mais il s'agit de parcelles non utilisées donc finalement peu de gens se plaignent. Par contre, quand nous subissons des pressions et des interdictions, nous n'avons pas de poids, notamment financier, pour nous défendre car nous agissons en petits groupes.
Il s'agit d'espaces où les gens s'expriment librement, il n'y a pas de règles ni de contraintes, si ce n'est « botaniques ». La seule limite est finalement l'imagination. Quand les gens sont partie prenante de quelque chose, quand ils deviennent acteurs en s'impliquant de manière régulière dans la plantation et l'entretien d'un espace, ils revendiquent cet espace comme étant le leur. C'est l'aspect collectif mais aussi et surtout communautaire qui permet de parler de cohésion sociale.
Si le mouvement était légal, tout serait moins drôle, moins excitant. D'un autre côté, si les gens étaient certains de ne courir aucun risque de représailles de la part des autorités, peut-être que davantage de personnes rejoindraient le mouvement. La green guerilla n'est pas une action agressive, même si certains l'envisagent de façon plus radicale, comme le mouvement parisien. De plus, si tout ceci devait mener à une « commercialisation » avec par exemple des bombes de graines ou tout autre type d'objets dérivés, je n'aurais rien contre, même si c'est n'est pas mon ambition. Et peut-être que la commercialisation pourrait permettre de populariser notre action.
C'est une très bonne question ! Tout d'abord, nous aimerions que les autorités nous encouragent davantage. Lorsque nous organisons des réunions d'information, de conciliation et de négociation, les représentants des pouvoirs publics sont présents mais on reste toujours au stade de la parole. Parfois, nous arrivons à un accord tacite mais où finalement personne ne s'engage à prendre des responsabilités et à proposer quelque chose d'écrit et de définitif. De plus, nous aimerions rendre ce mouvement attractif au plus grand nombre. Il n'y a pas d'âge, de classe sociale ni d'appartenance à un groupe défini pour se sentir impliqué dans la revégétalisation de nos espaces urbains délaissés.
Pour vous donner un chiffre, mon site internet (guerillagardenning.org) reçoit environ 60.000 visiteurs/mois. Certaines personnes pratiquent la « guerilla gardenning » sans le revendiquer, d'autres la pratiquent sans même le savoir. En solitaire, en groupe, tel un divertissement ou dans une démarche revendicatrice ou politique, le mouvement est polymorphe. Toutefois, nous constations que dans de nombreux pays (Europe, Canada, États-Unis, …), les jardiniers sont d'une manière ou d'une autre liés à ce mouvement.
Ce n'est pas le but de notre démarche. Notre mouvance n'a pas vocation à être de l'art mais peut aussi le devenir et dans ce cas, je n'ai rien contre. Je connais des artistes qui pratiquent la guerilla gardenning, certains le font avec authenticité, d'autres avec prétention… Quoi qu'il en soit, ce n'est pas l'aspect que nous voulons mettre en avant mais je reconnais qu'il y a un aspect artistique dans ce que nous faisons.
Blog de Richard Reynolds : www.guerrillagardening.org
L'origine de cette forme d’action directe non-violente, sinon de cette éco-tactique, remonte aux années 1970. A New York, parallèlement à l’émergence des jardins communautaires dont elle est un des fers de lance, l’artiste Liz Christy inaugure alors la « Green Guerilla » à coup de « seed bombs » (bombes de graines) lancées dans les béances de la ville. Dès les prémices du mouvement, l'ambition est bel et bien de revégétaliser les délaissés urbains de façon à redonner de la vie à un quartier déshérité. Depuis, le mouvement s'est amplifié et des actions de Guerilla gardening ont été rapportées un peu partout dans le monde, surtout à partir des années 2000.
Les raisons de pratiquer cet activisme vert sont multiples, comme le souligne Richard Reynolds, l’un de ses chefs de file, dans l’ouvrage La guérilla jardinière : on plante pour reconquérir la ville, favoriser les échanges et les rencontres, se nourrir, sinon par idéalisme... Dès les premières pages du livre de Richard Reynolds, le ton est donné : « La guérilla jardinière est une lutte pour les ressources, une bataille contre la rareté de la terre, la destruction de l'environnement et le gaspillage des opportunités. C'est aussi un combat pour la liberté d'expression et la cohésion sociale » (p 15). Un discours qui rappelle la dimension engagée d'un mouvement aux multiples visages, et dont la relation avec les autorités est teintée d’ambivalence (voir interview).
« C'est une action douce de protestation, explique Reynolds. L'implication et la motivation doivent précéder les autorisations qui peuvent venir après, une fois que les pouvoirs publics peuvent constater les résultats obtenus ». De fait, lorsqu’il s’agit de refleurir la ville, c’est l’approche pragmatique qui prime, avec en arrière-plan ce mot d’ordre : Do-it-yourself ! Proche des valeurs autonomes revendiquées par le DIY, la Guerilla gardening récuse aussi toute forme d’organisation hiérarchique et se déploie plutôt comme un collectif informel et à géométrie variable. Pourtant, qu’ils soient indépendants, isolés ou particulièrement investis dans la communauté, ses différents groupes se structurent progressivement. Depuis 2007, un congrès international des guerilla gardeners est même organisé chaque 1er mai, journée durant laquelle sont plantés des tournesols.
Parallèlement à la structuration du mouvement, ses manières de faire et de penser la ville essaiment un peu partout comme de la mauvaise herbe. Prenez les « bombes de graines », ces boules fabriquées par les green guerilleros à partir d’argile, de compost et de graines de fleurs horticoles ou indigènes. Voici que de jeunes designers commencent à réfléchir à des objets qui en sont directement inspirés. Ainsi, à l'occasion du concours de l’innovation au salon Jardin jardins (27-29 mai) sur les nouveaux usages du végétal en ville, le lauréat du concours Gauthier Leleu (étudiant BTS design produit à ESAAT de Roubaix) a proposé un kit de trois objets destiné à s'initier à la guérilla jardinière. L’intérêt qu’a suscité son travail confirme le côté résolument « tendance » de la Guerilla gardening. Il suggère aussi que cette forme d’activisme vert est un bon point de départ pour qui veut repenser la place du végétal en milieu…
Richard Reynolds – « La guérilla jardinière », éditions Yves Michel, Paris, 2010
L’homme s’est fait une place de choix dans le milieu de l’architecture durable jusqu’à se faire appeler le « géant vert ». Une caricature dont Edouard François essaye de s’affranchir en se concentrant sur ce qu’il envisage comme le cœur de son métier : l’inscription dans le contexte architectural, l’humain et les usages. Rencontre.
Qu’il travaille sur une tour dans le quartier Massena, un lotissement de logements sociaux dans le 20e arrondissement de Paris ou sur la façade de l’hôtel Fouquet’s Barrière sur les Champs Elysées, le travail d’Edouard François part toujours du contexte et propose une architecture qui respecte les paysages, quels qu’ils soient. « Je travaille principalement sur des problématiques contextuelles, explique l’architecte. Par exemple, j’ai travaillé sur le projet Eden Bio en même temps que le Fouquet’s et on peut voir deux positions extrêmes. D’un côté, c’est une position sur une façade d’un quartier chic et d’un autre, il s’agit d’une position sur une intériorité, un cadre de vie. Faire du durable pour moi, c’est proposer un projet spécifique à un site donné. On ne peut pas coller la même tour ici et là. » Cette manière d’approcher l’architecture « durable » est un peu la marque de fabrique d’Edouard François, sa signature.
Mûrie peu à peu depuis 1998, année où il crée sa propre agence d’architecture après s’être associé à François Roche de 1990 à 1993 et à Duncan Lewis de 1994 à 1997, elle se pose en préalable à chaque projet, et constitue sa façon d’aborder l’environnement « sans le confondre avec des problématiques techniques qui n’ont pas grand intérêt, que tout le monde sait faire et que tout le monde est obligé de faire. »
Autre marotte de l’architecte : l’utilisation du végétal. En témoignent la façade végétale des Gîtes Ruraux, à Jupilles ; l’Immeuble qui pousse à Montpellier, Tower Flower ou l’immeuble aux bambous. Pourtant, à mesure que s’est généralisé l’engouement pour les murs végétaux et autres manières de « verdir » à bon compte un bâtiment, Edouard François est devenu sur ce point plus parcimonieux : « Le vert comme « nature » va devenir emblématique du développement durable et cet emblème commence à être utilisé à tort et à travers. J’ai commencé cette approche de façon contextuelle, je trouvais intéressant d’opposer à un parc une façade végétale car cela apporte du sens. Pour le Fouquet’s, on m’a demandé une façade végétale, j’ai dit non, car cela n’avait pas de raison d’être. Le végétal, c’est une réponse à des problématiques contextuelles mais aussi de densification, de saisonnalité ».
Ainsi, pour ne pas être prisonnier de son étiquette de « géant vert », l’homme qui affirme « avoir inventé le genre arbre dans l’architecture », essaie de ne pas prendre le végétal pour point de départ de son travail et de le convoquer seulement si nécessaire, comme avec le projet de tour dans le quartier Massena à Paris :
« Je reviens dans ce projet sur l’idée de végétal, positionné en hauteur, pour donner l’effet d’une touche verte comme un gros arbre ou le Mont Valérien. Cela ne déforme pas la ville ».
Construction de 18 logements sociaux HQE à Louviers en Normandie, 30 logements sociaux avec Eden Bio dans le 20e à Paris et actuellement un projet de 114 logements à Champigny sur Seine : l’architecte participe à de nombreux projets en logement social. Condition de sa participation à ce type de projet : « quand on pose une question un peu pointue sur cette question ». Et Edouard François de citer l’une de ses réalisations, en cours à Champigny : « ce projet se situe dans une zone qu’on appelle « déshéritée ». Mon ambition, c’est de réconcilier cette zone. J’aurai gagné si je réussis à en faire un centre ville». Pour ce défi, l’architecte a eu l’idée de rassembler dans un même bâtiment les trois « vocabulaires » architecturaux du site : maisons de ville, pavillons et barres.
Les projets de logements sociaux lui permettent ainsi une créativité architecturale intéressante. Pour le projet Skin Wall à Grenoble (Construction de 68 logements sociaux locatifs et en accession à la propriété financée par l’Union Européenne), il a préféré mettre l’accent sur les problématiques d’hyper isolation et environnementales pour tendre vers des bâtiments à énergie positive. Sa réponse : une enveloppe pensée comme une peau qui enrobe le bâtiment et permet d’éviter les ponts thermiques, doublée d’un travail sur la notion de « mou » et de « dur » en architecture. Pour synthétiser sa position, Edouard François explique :
« Entre deux solutions, je choisis la plus économique et celle qui a le plus d’usage, cela se fait finalement indépendamment de la beauté qui m’intéresse assez peu. ».
C'est notamment le cas des villas concept qui viennent de présenter à la presse leur vitrine, le bateau Ivre. Le point sur les forces et les faiblesses de ce projet.
Imaginée par l’architecte Jacques Patingre pour un couple avec trois enfants, le « Bateau Ivre » propose des performances énergétiques de 38 KW/h/m² an, soit moins que les exigences de la future RT 2012 (50 KW/h/m²). Construite dans le Vaucluse (84), c’est le premier bâtiment à bénéficier d’un cahier des charges “Villasconcept.com”, nouvelle marque de maison « contemporaine à hautes performances énergétiques » lancée par le constructeur Villas La Provençale. Une réalisation qui a reçu pas moins de six récompenses.
Ses principales caractéristiques ? Des panneaux solaires (en prévision) qui devraient assurer 80% de la consommation d'eau chaude sanitaire, une isolation thermique performante, un système de récupération des eaux de pluie et une volonté d'offrir de grands volumes, le tout dans une architecture contemporaine. « Il s'agit d'une alternative à la maison traditionnelle, dans les mêmes fourchettes de prix », explique Jacques Patingre, architecte du projet et directeur associé de Villasconcept.com. Le constructeur propose ainsi plusieurs gammes de maisons « allant de 150.000 à 250.000 euros pour un maximum de 2400euros du m² ». Le coût de la maison le Bateau Ivre se chiffre ainsi à environ 500.000 euros. Tout de même.
Outre son coût assez prohibitif, cette réalisation n'est pas transposable sur tout le territoire. « On construit environ 250 maisons par an dans le Sud-Est de la France et on souhaiterait que cette gamme représente de 20 à 30% de notre offre», précise Jacques Patingre. De sorte que la possibilité de dupliquer ce modèle de maisons est finalement assez faible : « Nous ne pourrions pas proposer exactement la même chose dans le Nord de la France, ajoute-t-il. C'est un modèle qui convient dans une zone climatique favorable où l'ensoleillement est important et les températures douces. »
De plus, il s'agit d'un projet de maison individuelle située dans un quartier pavillonnaire très peu équipé en transports en commun... ce qui implique forcément des déplacements en voiture et donc une mobilité à forte consommation de CO2. A l’heure où la préservation de l’environnement concourt à l’essor des maisons basse consommation, on est en droit de se demander dans quelle mesure la question de l'habitat durable ne se situe pas a minima à l'échelle du quartier ?
A l’heure où les projets d’écoquartiers et d’habitat durable se multiplient en Europe, le besoin d’architectes formés à ce type de constructions ne cesse de croître. Reste à déterminer si l’enseignement du développement durable en école d’architecture et à l’Université permet aux professionnels de s’engager dans cette voie…
En France, à partir des années 1980, de multiples programmes de recherche sont apparus avec les laboratoires spécialisés de Toulouse (Le Laboratoire d’architecture bioclimatique à Toulouse), Marseille ou encore Paris La Villette qui, dès sa création en 1969, avait donné le ton en proposant un module dédié à l’architecture bioclimatique. Malgré ces initiatives, il semblerait que le développement durable reste le parent pauvre des enseignements prodigués en école d’architecture et à l’université. Ainsi, selon l’architecte espagnol Jaime Lopez de Asiain, celles-ci « ont évolué de façon perverse au cours des dernières décennies, en donnant libre cours à des départements indépendants les uns des autres, dans le domaine des spécialisations, des départements mêmes, des matières ou encore dans les programmes de chaque professeur. »*. Autrement dit, si le développement durable est bel et bien abordé dans les écoles, il l’est de façon morcelée, sectorielle, à rebours de la transversalité que nécessite la conduite de tout projet vraiment durable.
Le pôle « Architecture Environnement et Développement Durable » (AEDD) créé en 1998 à La Villette donne un bon aperçu du problème. Comme l’expliquent le journaliste Pierre Lefèvre et l’architecte urbaniste Anne d’Orazio, « la position majoritaire des enseignants est schizophrénique : D’un côté il est jugé inutile de renforcer le pôle «Architecture Environnement Développement Durable ». Certains vont jusqu’à penser qu’il vaudrait mieux le supprimer puisque « tout le monde en fait » ; mais, par contre, la demande est unanime en faveur d’un enseignement théorique à créer dans les deux cycles de licence et de master. Paradoxalement le caractère transversal du développement durable contribue à sa marginalisation : puisque toutes les composantes de l’enseignement sont sensées devoir intégrer le développement durable, inutile de créer un département ou un pôle spécifique. »*
Jusqu’à présent, en France, on a privilégié l’approche technique de la construction durable. Ainsi, pour Jean Gautier, Directeur, Adjoint au Directeur Général des Patrimoines, chargé de l’Architecture, la double compétence en architecture et ingénierie est une bonne manière d’aborder la question : « je crois pouvoir dire que les architectes français sont bons ou excellents. Il convient, cependant, que leur formation leur donne les instruments pour exercer pleinement leur rôle de mandataires vis à vis des Bureaux d’Etudes Techniques (BET) dans les projets de construction. Pour cela j’ai souhaité renforcer l’enseignement de la construction et développer, sans perdre la spécificité de la formation d’architecte, les double cursus d’architecte- ingénieur. (École de Paris La Villette avec l’ESTPEIVP, Ecole Spéciale des Travaux Publics et École des Ingénieurs de la Ville de Paris, l’Ecole de Strasbourg avec l’INSA, etc.…). Dans certains cas, ces doubles cursus peuvent conduire à l'attribution de doubles diplômes.* »
Pour d’autres, l’enseignement du développement durable nécessite de réorganiser totalement les contenus. Dans la préface d’Enseignement de l'architecture en France : la place du développement durable dans le cursus (juin2010), rapport écrit dans le cadre du projet européen EDUCATE (voir interview), l’architecte et critique Dominique Gauzin-Müller estime que « la mise en place d'un nouveau cursus intégrant une approche éco-responsable commence par des questionnements sur certains enseignements tombés en désuétude, sur le fond comme sur la forme, et déconnectés des réalités actuelles. » Elle ajoute : « La suppression de ces cours désormais superflus dégagera du temps pour l'acquisition, entre autres, de compétences devenues indispensables sur les principes thermodynamiques, le génie climatique et énergétique, la mise en œuvre de matériaux locaux bio-sourcés (bois, terre crue, paille, etc.). Ces enseignements devront être le plus près possible de la pratique du terrain et régulièrement actualisés afin de suivre les rapides évolutions. »
Mais à trop privilégier les compétences d’ordre technique, ne perd-on pas de vue les volets social et économique du développement durable ? Pour André de Herde, qui dirige le département Architecture et Climat de l'Université catholique de Louvain au sein du projet européen EDUCATE, « il ne faut pas réduire la développement durable à la simple technique. Le volet social est primordial pour le réussite des projets ». Cette transversalité est justement au cœur du projet EDUCATE. Initié conjointement par la faculté de Nottingham, l’Architectural Association Inc. à Londres et l’université catholique de Louvain, ce programme expérimental a pour ambition de combler les lacunes dans l’enseignement du développement durable, et propose une démarche et des contenus plus adaptés à ces nouveaux enjeux. Au menu : analyse du contexte, prise en compte de problématiques encore peu explorées, telles que la gestion de l’eau ou la mobilité mais aussi la qualité de l'air, la qualité de vie, le confort... S’il se généralise après 2012, comme le prévoient certains, EDUCATE devrait donner le ton de l'enseignement de l'architecture de demain.
* Source : Le Carré Bleu, feuille internationale d'architecture, « La formation à l'architecture durable ». ( 3 / 4, 2010). www.lecarrebleu.eu
L’objectif principal de ce projet fondée par l’Agence de l'Énergie pour la compétitivité et l’innovation (EACI) de la Commission Européenne est de débloquer les barrières pédagogiques à l'intégration des principes du développement durable dans l'architecture. André de Herde du département Architecture et Climat de l'Université catholique de Louvain qui participe au programme répond à nos questions.
Ce projet est apparu à l'initiative de la faculté de Nottingham, de la Association Architectural School de Londres et de la Faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale, d’urbanisme de l'Université catholique de Louvain. D'autres ont ensuite rejoint le programme : Université de Munich, le département ITACA de l'Université de Rome La Sapienza, le Séminaire Architecture et Environnement de Séville et l'Université de Technologie et d'Économie de Budapest. Ce projet tente de répondre au constat posé : le manque flagrant de l'enseignement du développement durable dans les écoles d'architecture européennes. Après la phase d'analyse, des contenus ont été suggérés pour améliorer l'enseignement et sont actuellement testés dans les écoles citées précédemment. On a audité de nombreuses écoles dont près de 35 en France. Le programme s'échelonne jusqu'en 2012 où il devrait ensuite être généralisé.
Fournir de la matière pour développer le développement durable et proposer du contenu pour tout ce qui manque. Un exemple : la problématique de l'eau avec la question de la récupération de l'eau de pluie et l'infiltration de l'eau de pluie dans le terrain.
Le constat est globalement le même : le niveau est faible avec une sensibilisation plus grande de la part des pays scandinaves.
La première phase consiste à analyser le quartier et d'en comprendre les besoins. L'important quand on intervient sur un terrain, c'est d'apporter quelque chose en plus (crèche, bureau, école primaire). Ensuite, la localisation est importante, il faut se poser la question du lieu où l'on construit et de l'accessibilité aux transports en commun pour permettre un accès au centre ville, lieu de culture et de l'administration. Ces aspects doivent être préliminaires à la réflexion sur le bâtiment en soi.
Oui , le projet est meilleur quand autour de celui-ci existe un large consensus mais un problème réside dans le fait que certains acteurs n'aient pas de responsabilités contrairement aux collectivités locales par exemple. Il est important de bien identifier l'intérêt public et l'intérêt privé. C'est la difficulté de la démarche participative dans ce type de projets.
Mais une fois acquis sa ferme et son (coûteux) matériel agricole, Marcin Jakubowski a vite déchanté : saigné à blanc par l’achat d’un tracteur, il a découvert non seulement l’endettement, mais la piètre qualité des machines vendues sur le marché à un public captif. Alors, quand son tracteur est tombé en panne pour la énième fois, plutôt que d’emprunter toujours plus et de grever davantage encore la rentabilité de son exploitation, cet Américain trentenaire a misé sur le système-D : il a construit en 6 jours, et pour un budget plus que raisonnable, son propre tracteur.
Et parce qu’il était fier d’avoir accompli une telle prouesse, il a souhaité la partager, et mis en ligne des tutoriaux permettant à tout un chacun de faire aussi bien que lui. Puis, il y a deux ans, Marcin Jakubowski a fondé Open Source ecology, réseau de fermiers, d’ingénieurs et de bricoleurs, plus une plateforme dédiée à la fabrication de machines agricoles low-cost et open source : le Global village construction set. Depuis, le réseau planche sur 40 prototypes (trayeuses, bulldozers, fours à pain…), et a déjà publié les schémas de fabrication et devis estimatifs de 8 d’entre eux. Selon les membres du collectif, construire une machine agricole open source est à peu près aussi simple que d’assembler des legos, et coûte 8 fois moins cher que du matériel classique...
Marcin Jakubowski illustre bien les perspectives ouvertes à la société par le DIY (do-it-yourself). De fait, il se pourrait qu’une révolution industrielle soit en cours. Conduite par une poignée de bidouilleurs, elle est née dans le sillage d’Internet et du numérique. Sous le nom un peu compliqué d’open source hardware), elle mise sur l’innovation, l’intelligence collective, la collaboration et la diffusion libre via le web de chaque avancée technique. Dans leurs hacklabs, ou même leurs garages, ses zélateurs fabriquent à moindre coût des objets d’une complexité croissante : imprimantes 3D, systèmes d’arrosage « intelligents », et même voitures et avions. Leur modus operandi (ouvert, collaboratif) pourrait bien changer notre relation aux technologies, mais aussi nos usages des objets qui nous environnent. Jusqu’à présent, la technologie dressait dans l’esprit du tout venant l’image d’une firme industrielle déclinant en série sur des chaînes de montage des objets bardés de brevets. L’open source hardware propose de faire voler en éclat cette image : contre la spécialisation et l’obsolescence programmée des artefacts industriels, il imagine des objets aux coûts de fabrication allégés, à la diffusion la plus large possible, et que chacun peut fabriquer soi-même.
Cette « révolution DIY » (Do-it-yourself), au fond, n’est que le dernier volet d’une vieille bataille : celle qui n’en finit pas de se jouer entre industriels et tenants du « libre ». Dans les années 1980 et 1990, la ligne de front se situait autour du software (ie : le programme informatique). Pour schématiser, on avait d’un côté Microsoft, de l’autre les partisans du logiciel libre et de Linux. Quand les premiers fondaient leur empire sur la propriété intellectuelle et le copyright, les seconds n’ont cessé de défendre les 4 libertés de l’utilisateur de programmes (1. la liberté d'exécuter le programme 2. la liberté d'étudier le fonctionnement du programme et de l'adapter 3. la liberté de redistribuer des copies du programme 4. la liberté d'améliorer le programme et de distribuer ces améliorations au public, pour en faire profiter toute la communauté). On connaît l’issue de la bataille : Richard Stallman est peut-être le gourou des geeks, mais Bill Gates est milliardaire. Pour autant, dire que le logiciel propriétaire a gagné la guerre serait un peu simplificateur. La culture du libre a semé dans les esprits une graine qui n’en finit pas de germer : le développement des wikis et des Creative commons, le succès de Firefox, l’âpre bataille menée autour du téléchargement sont ses rejetons les plus fameux.Surtout, depuis une petite dizaine d’années, la ligne de front s’est déplacée du software vers le hardware – le matériel, l’objet technologique. L’enjeu est aussi simple que lourd de conséquences : il s’agit rien moins que de s’approprier les moyens de production. Encore faut-il que l’open source hardware déborde le cadre étroit des initiés. C’est tout l’enjeu de cette petite révolution...