
Une Biennale d’architecture placée sous le signe de l’intelligence ? Vu la trajectoire de son commissaire Carlo Ratti, il n’y a là rien qui doive surprendre. L’ingénieur et architecte italien est en effet à la tête du MIT Senseable City Lab, dont le crédo est de développer et mettre en œuvre divers outils et applications numériques permettant aux citadins de mieux interagir avec leur environnement.
Le thème de la 19e édition de la Biennale de Venise ne se réduit pas pour autant à mesurer l’apport de l’intelligence artificielle dans le pilotage et la gestion des villes. En accordant le terme au pluriel, il s’agit plus largement de voir comment trois approches différentes - la première fondée sur la nature, la deuxième sur les technologies, la troisième sur l’humain et le collectif - peuvent se conjuguer pour répondre à un défi majeur : le dérèglement climatique.
Dans la Corderie de l'Arsenal qui accueille pour cette édition l’exposition principale, l’enjeu est posé dès l’entrée. Plongés dans le noir, une série de climatiseurs y saturent l’air d’une chaleur étouffante. Il faut passer dans la salle suivante pour renouer avec la fraîcheur du bâtiment et découvrir un ensemble de “solutions” fondées sur la “nature” : végétaux, minéraux, mais aussi culture de micro-organismes…
La salle suivante tranche avec la douceur de cette première section, où les matériaux les plus vernaculaires (briques, pierre, chaume, corde…) composent une série d’abris spectaculaires (arches, tentes, etc.) : on y aborde l’apport des nouvelles technologies au pilotage des villes via un ensemble de projets comme celui de Sidewalk Labs, chantre de la smart city imaginé pour la ville de Toronto, et abandonné.
Il y est aussi possible d’y converser avec un robot humanoïde conçu par Takashi Ikegami et Luc Steels (Am I a strange loop ?), qui semble à l’opposé de l’idée développée dans la salle suivante, selon laquelle c’est la discussion, le débat, l’agir politique qui sauveront le monde. Dans cette section, domine l’impressionnante agora en bois (le speaker’s corner) conçue par Christopher Hawthorne, Johnson Marklee et Florencia Rodriguez. S’y dégage l’idée générale que l’architecture et l’aménagement sont une forme de ménagement, une culture du soin et de l’attention.
Fruit d’une consultation mondiale, “space for ideas”, qui a permis d’ouvrir la Biennale à environ 750 participants et de souligner la diversité des approches de l’architecture, cette 19e édition pose question pour plusieurs raisons. A parcourir les divers pavillons situés dans les Giardini, on comprend que le discours global en matière de dérèglement climatique a définitivement tourné une page : celle de l’atténuation. Malgré la gravité des constats opérés ici et là, dont le pavillon du Chili, qui souligne de manière spectaculaire l’impact des data centers, il s’agit désormais de s’adapter. C’est notamment le discours à l'œuvre dans l'espace d’exposition aménagé par l’agence Jacob & McFarlane devant le pavillon français, fermé pour rénovation : intitulée “vivre avec”, leur proposition tourne au catalogue de projets séduisants, mais dont on devine d’emblée l’insuffisance.
Carlo Ratti semble lui-même douter de la capacité de l’architecture à faire face à l'immense défi de l’adaptation. C’est en tous cas ce que suggère la dernière salle de l’exposition dont il signe le commissariat à l’Arsenal. Il n’y est plus question d’intelligence naturelle, artificielle ou collective, mais bien de survie en milieu hostile. Dans l’obscurité, diverses tentes, combinaisons, dispositifs émergent, et dévoilent autant d’outils et de moyens de s’implanter dans l’espace. Façon de suggérer que si, il y a bien une planète B ? Ou plutôt de pointer l’urgence d’agir pour éviter la fuite dans l’espace ? Quoi qu’il en soit, l’ensemble fait froid dans le dos, et tempère sérieusement l’optimisme et la séduction des projets présentés par ailleurs.
19e biennale d'architecture de Venise - du 10 mai au 23 novembre 2025
L’exposition se déroule dans deux lieux différents (à 10 minutes à pied l’un de l’autre). Les horaires d’ouverture sont valables pour les deux lieux de visite.
Giardini : Viale Trento 1260 und Sant’Elena (Viale IV Novembre)
Arsenal : Campo della Tana 2169/F et Ponte dei Pensieri (Salizada Streta)
Horaires : 11h-19h
« Ce projet n’est pas un éco-quartier mais plutôt un éco-pâté de maison », s’amuse à dire Jean-Marc Gancille, directeur du développement durable de l’entreprise Evolution, à propos de Darwin Ecosystème. Une façon pour ce maître d’ouvrage atypique de souligner l’originalité d’une opération très attendue. En décembre dernier, les premiers locataires des « Magasins Généraux de la Caserne Niel » situés sur les berges de la Garonne à Bordeaux ont pris leurs quartiers dans les espaces tout juste réhabilités. Sur 4 000m2 de bureaux, pas moins de 34 entreprises représentant près de 200 emplois, tous venus de « l’économie verte et créative » (acteurs du web, de la communication, de l’architecture et du design…) ont ainsi inauguré les lieux avant l’arrivée des prochains arrivants.
Sur 4 000m2 de bureaux, pas moins de 34 entreprises représentant près de 200 emplois, tous venus de « l’économie verte et créative ».
Au printemps, les premiers commerces devraient ouvrir ainsi que d’autres mètres carrés dédiés au tertiaire, dont 900m2 à une pépinière d’entreprises estampillées « Développement Durable ». Suivront, fin 2013 et en 2014, un espace bien-être, une crèche et un hôtel écolo. Derrière cette multitude d’acteurs, une agence de communication, Evolution, qui a souhaité montrer que les entreprises avaient un rôle à jouer pour faire « bouger les choses ». Pour Jean-Marc Gancille « Darwin évoque la notion d’adaptation. Cela fait écho à la situation actuelle face à l’urgence écologique et au devoir et à l’exigence de s’adapter au changement actuel ».
Ainsi, le projet Darwin se pense comme un « écosystème » même si selon Jean-Marc Gancille, « le mot est un peu galvaudé. Il implique toutefois une volonté d’interdépendance entre les différents acteurs économiques ». Justement, la coopération et la mutualisation entre les différents acteurs est l’un des éléments névralgiques du projet : « le projet Darwin porte en lui trois fondamentaux, explique le directeur du DD chez Evolution, dont la coopération économique et la mutualisation de espaces qui suggèrent de nouvelles façons de travailler et de stimuler la créativité et l’innovation. » Quant à la dimension écologique du bâtiment, elle est abordée à travers plusieurs points : la sobriété énergétique avec une consommation de 69 kWhep/m2/an, la réduction des déchets, la mobilité avec la mise en place d’un plan de déplacements interentreprises, la récupération des eaux fluviales, la qualité de l’air avec une attention particulière portée aux matériaux et la question alimentaire à travers une sélection pointue des futurs commerces et la réflexion autour d‘une ferme urbaine pour alimenter le site et le quartier en fruits et légumes produits sur place.
Darwin manifeste en effet l’ambition de jouer un rôle actif dans la vie du quartier grâce à des initiatives et événements orchestrés par une association autogérée, « Les darwiniens ».
Autre point fondamental : l’ancrage territorial. Darwin manifeste en effet l’ambition de jouer un rôle actif dans la vie du quartier grâce à des initiatives et événements orchestrés par une association autogérée, « Les darwiniens ». Cette structure devrait pallier l’une des principales difficultés auxquelles doivent faire face les porteurs du projet : réussir à créer des liens et mettre en place de réelles connections entre les différentes parties prenantes et s’ouvrir sur la vie de ce quartier en devenir. En effet, alors que les travaux du futur projet d’éco-quartier de la ZAC Bastide Niel n’ont pas encore commencé, Darwin fait figure de précurseur. Et Jean-Marc Gancille de conclure : « On est la partie visible et immergée du futur projet mais à terme, nous serons une petite goutte d’eau et nous occuperons seulement 1 ha sur la 34 ha du futur quartier ».
Il y a deux types de soutien : le soutien financier dans un premier temps avec une enveloppe de 700.000 € de subventions octroyées par l’Ademe, le Conseil Régional d’Aquitaine et les fonds FEDER. Cela représente moins de 6% de la totalité de l’investissement nécessaire d’un montant de 13 millions d’euros pour ce qui concerne les 5700 m2 de tertiaire et 1700m2 de commerces (les futurs espaces bien-être et l’hôtel ne rentrant pas dans ces montants). De plus, nous avons bénéficié d’un soutien politique venant notamment d’Alain Juppé et de Vincent Feltesse, Président de la Communauté urbaine de Bordeaux, qui nous ont permis d’acquérir le site pour 1, 3 millions au lieu de 1, 9 millions mais de l’avis de tous, ce prix était le prix juste au regard de l’état de vétusté des lieux et non un « cadeau » comme certains ont pu le dire. Cette décision a été votée en Conseil de communauté, il n’y a pas de polémique sur ce sujet.
Dans un premier temps, il a fallu prouver notre crédibilité et réussir à convaincre. Certains avaient du mal à croire des entrepreneurs venus du monde de la communication épris d’écologie…De plus, on est arrivé dans un contexte politique compliqué entre une Mairie UMP et une région PS, il fallait veiller que Darwin ne soit pas pris en otage et instrumentalisé. Enfin, comme tous les autres acteurs économiques, la crise économique nous fragilise du fait de l’incertitude et du manque de visibilité. Enfin, on aurait pu aller plus loin si les mentalités avaient été prêtes…
On est arrivé avec nos anciens meubles et on fait un peu au jour le jour. On se rend compte des premières difficultés et des ajustements sont nécessaires pour la mise en route : des problèmes d’acoustique, de circulation, des difficultés liées à cette coopération voulue. On a mis en place un outil pour communiquer en interne, l’association est créée, tout le monde se montre proactif, on est maintenant prêt à démarrer. Il était nécessaire de choisir les résidents de la Caserne Niel et de s’assurer de leur degré de maturité « RSE » (ndlr : Responsabilité Sociale des Entreprises) pour le bon déroulement de ce projet aux belles promesses !
A l’entrée, un cartel prévient : « cette exposition ne donnera pas de solution immédiate à votre problème de chauffage. Elle ne vous guidera pas dans votre choix d’un logement, neuf ou ancien. »
On pourrait ajouter qu’elle ne dresse pas davantage le catalogue des innovations contemporaines en matière de logement intelligent ultra connecté. « Habiter demain » à la Cité des sciences et de l’Industrie se distingue en effet résolument de la Maison du futur à Vilvorde (Belgique) et de son côté high tech : la part consacrée aux objets intelligents (compteurs électriques, meubles « cradle to cradle », etc.) y est résiduelle, et se borne à une seule salle où l’intégration des technologies dans nos espaces de vie se dessine comme simple hypothèse. De fait, l’enjeu est tout autre : « point[er] les paradoxes de nos modes de vie, livr[er] des pistes utiles, nous révèle[er] le lien intime qui unit l’habitat à la société. »
Au gré d’une scénographie en colimaçon (en écho à l’affiche, qui érigeait l’escargot en emblème de l’habitat), l’exposition déroule sur 600 m2 un ensemble de thématiques consubstantielles à la question du logement contemporain. Première d’entre elles : la santé. Au moyen de films, de panneaux, mais aussi via un bouquet d’odeurs (de cuisine, d’encens, de moisissures) propre à hystériser les enfants, sont ainsi évoqués le bruit et la piètre qualité de l’air intérieur de nos logements. L’accrochage aborde aussi le thème des matériaux, ou celui des standards et normes dans l’habitat, qui offre de mieux cerner la notion de logement décent et ses contours arbitraires (en France, il doit avoir une surface minimale de 9 m² pour 2,2m de hauteur sous plafond).
Mais c’est évidemment à la question énergétique que l’exposition fait la part belle. Production d’énergie renouvelable en circuit court, réduction des consommations et rénovation thermique des logements sont ainsi abordées de manière complète et ludique : un jeu interactif permet de réaliser un projet de construction participative, une simulation nous montre que toute rénovation est un compromis entre performances, durabilité et coûts, un dispositif nous permet de produire de l’énergie en pédalant, etc. Enfin, l’exposition se clôt sur une salle dédiée au vivre ensemble, où se dessine l’image d’une ville en réseau, où se posent aussi de manière accrue les questions de la solidarité et du partage…
Avouons-le : le professionnel de la construction et le lecteur assidu de Midi onze rompu aux thèmes de la construction et de l’habitat on n’apprendront pas grand-chose en visitant « Habiter demain ». Tout au plus y piochera-t-on quelques noms de produits et de matériaux. Mais à ceux qui ne savent pas grand-chose des problématiques contemporaines en matière de logement (notamment les enfants), l’exposition offre une introduction complète, ludique et pédagogique. A voir en famille, donc, ou avec la classe, pour réfléchir aux modalités d’un habitat plus sain, équitable et durable.
Habiter demain, ré-inventons nos lieux de vie. Du 4 décembre 2012 au 10 novembre 2013
Cité des sciences et de l'industrie
30 avenue Corentin Cariou, Paris 19e
Ouvert du mardi au samedi de 10h à 18h et le dimanche de 10h à 19h
Plein tarif : 8 €Tarif réduit : 6€
Nicolas Soulier, Reconquérir les rues. Exemples à travers le monde, éditions ULMER, 2012, 288 pages.
Troisième ville de Suède, Malmö est sortie de la crise industrielle grâce au développement durable. Dans les écoquartiers de Bo01 à Vasträ Hamnen et Augustenborg, la ville conjugue prouesse architecturale, participation locale et respect de l'environnement...