Est-ce l’épisode de sécheresse qui frappe la France depuis le mois de juin ? La démission de Nicolas Hulot le 28 août dernier et son discours sans appel sur le rôle des lobbys dans la catastrophe écologique en cours ? La publication début octobre du 5e rapport du GIEC sur le climat terrestre, qui insiste une fois de plus sur la nécessité de contenir le réchauffement à +1,5° ? Toujours est-il que les mobilisations pour le climat prennent une ampleur inédite en France : après le succès de la marche organisée le 8 septembre dernier à l’initiative de Maxime Lelong, simple internaute, près de 120 000 personnes ont à nouveau défilé le 13 octobre dans 80 villes en France pour exhorter les hommes politiques à agir concrètement et massivement contre le dérèglement climatique et l’érosion de la biodiversité. Les manifestants ne comptent d’ailleurs pas en rester là : les marches pour le climat promettent de se succéder tous les mois.
Inédites, ces manifestations constituent la part visible d’un sursaut citoyen qui se déploie sur tous les fronts, et semble enfin venir à bout d’un clivage tenace : celui qui oppose le « ça commence par moi » de citoyens rétifs au militantisme « classique » et les modes d’action des organisations militantes. Plus question d’opposer la spontanéité et la stratégie, l’action individuelle et la lutte collective : c’est dans la fine articulation de ces deux registres que se dessinent les contours du « sursaut » à l’œuvre. Pointant cette singularité du mouvement en cours, Nicolas Haeringer de l’ONG 350.org affirmait ainsi à Libération tout récemment : « ce qu’ont les organisations par rapport aux individus, c’est la capacité à penser des stratégies et à s’inscrire dans le long terme. L’enjeu est de trouver des manières de prolonger cet élan, de le canaliser, le structurer, sans que les organisations ne récupèrent la dynamique, mais en étant en mesure de s’inscrire dans la durée. (…) Maintenant, il faut arriver à atterrir sur des revendications un peu plus précises, pour gagner quelques batailles. »
Pour articuler changement individuel et collectif, une approche de l’action par campagnes pourrait s’avérer ici particulièrement fructueuse. Or, c’est exactement ce qui se dessine actuellement. Ainsi, le site Internet Il est encore temps regroupe les campagnes de diverses ONG et oriente d'emblée les internautes vers des actions concrètes, en prenant soin de distinguer d’emblée ceux qui veulent agir « solo », et ceux qui envisagent de se mobiliser en groupe. La plateforme recense une typologie d’actions très variée : pétitions, boycott à la consommation, interpellations des banques, écogestes, mais aussi action directe non-violente – à l’instar du climate Friday organisé le 23 novembre prochain, et qui invite les citoyens à cibler les super et hypermachés - et désobéissance civile, comme en Allemagne où se succèdent les actions pour protéger la forêt de Hambach et stopper l'extraction du lignite. A partir de fin octobre, la plateforme proposera aussi aux internautes une nouvelle version de 90 jours : créée en 2015, cette application « coache » ses usagers pour « changer le monde » en 3 mois ou, à défaut, réduire significativement son empreinte écologique au gré de « défis » quotidiens (faire le ménage avec du vinaigre blanc, acheter des fruits et légumes de saison, etc.).Le climat n’est pas le seul à mobiliser de plus en plus massivement. Dans le sillage de la démission du Nicolas Hulot, le journaliste Fabrice Nicolino, auteur de Pesticides, révélations sur un scandale français, a ainsi lancé en septembre dernier l’appel des coquelicots, visant à l’interdiction de tous les pesticides. A ce jour, la campagne a reçu plus de 290 000 signatures.
A seulement quelques mètres de la Tour Eiffel, en plein cœur de Paris, le chef Andrew Wigger du restaurant franco-californien Frame me conduit sur le toit de l'hôtel Pullman sur lequel est niché un jardin potager de près de 600 mètres carrés où poussent courgettes, aubergines, tomates, melon, figues, pommes, poires et romarin. Près d'une centaine de variétés de fruits, légumes et herbes aromatiques sont cultivés en fonction des saisons. Quatre ruches ont été installées, d'où partent les abeilles butineuses qui ont produit près de 180 kilos de miel en 2015. Les quelques poules qui caquettent dans un coin, fournissent les œufs du brunch servi le week-end. Un véritable îlot de verdure qui contraste avec le bâti ultra dense environnant. « Ce matin, j'ai cueilli des courgettes et des aubergines dont j'avais besoin pour mon plat du jour », m'explique le chef Andrew. A 32 ans, cet américain originaire du Missouri a fait ses armes auprès d'un chef français en Californie. Dans son restaurant, Andrew sert une cuisine fusion aux influences asiatiques et mexicaines typique de la gastronomie californienne, associée à la cuisine française. « J'ai grandi dans une ferme alors ici je me sens comme à la maison quand je cuisine les légumes du jardin. Chaque matin, j'observe ce qui est mûr ou non et je cueille ce qui va me servir pour les plats. Avoir son propre potager permet de mieux ressentir la saisonnalité, de se reconnecter à la nature et bien sûr les légumes ont beaucoup plus de goût ! »
La carte de l'établissement évolue chaque mois en fonction des récoltes. En ce mois d’août, le chef propose au menu la salade du jardin, uniquement composée des légumes du potager. Ce dernier ne permet pourtant pas de satisfaire tous les besoins en fruits et légumes... En fonction du temps, de l'ensoleillement ou de la pluie, le jardin permet d'atteindre une autosuffisance sur quelques produits et pour une semaine environ. « Nous produisons beaucoup de salades, et une semaine sur deux, nous n'avons pas besoin d'en acheter, ce qui correspond à une économie d'environ 400€ /mois », explique Andrew Wigger. Pour les autres produits, le restaurant essaie de privilégier au maximum une approche locale, sans toutefois s'interdire d'acheter des produits espagnols pour la nécessité d'une recette.
« Nous produisons beaucoup de salades, et une semaine sur deux, nous n'avons pas besoin d'en acheter, ce qui correspond à une économie d'environ 400€ /mois. » Andrew Wigger, chef du restaurant Frame (Paris)
L’installation et l'entretien du potager ont été confiés à Topager, une entreprise spécialisée dans les jardins potagers sur les toits et les murs végétalisés. Trois fois par semaine, un membre de l'équipe veille à l'état du jardin et replante une variété de fruits ou légumes en fonction des envies du chef. Impossible toutefois de connaître le montant d'un tel projet, la direction se refusant à le communiquer. A Paris toujours, l'école de gastronomie Ferrandi cultive ses propres herbes aromatiques sur son toit pour produire des fleurs comestibles et des aromatiques rares. « Ces produits sont fragiles et coûteux, la production locale permet ainsi des économies significatives et apporte une valeur gustative supérieure », peut-on lire sur le site internet de Topager. Aussi, le chef Yannick Alléno a été l'un des premiers à installer un petit jardin au-dessus de son restaurant « Le Terroir parisien », à la Maison de la Mutualité à Paris.
Et la pollution dans tout ça ? Contrairement à certaines idées reçues, la pollution de l'air n'a quasiment pas de conséquences sur la qualité des produits cultivés. Comme nous l'explique Nicolas Bel, fondateur de Topager, « la pollution de l'air affecte surtout nos poumons mais ne rentre pas dans les légumes ! Seuls les métaux lourds peuvent être un danger lorsque les végétaux sont placés en bordure de route. Nous effectuons des tests régulièrement qui révèlent des chiffres en dessous des normes européennes. » Des relevés par ailleurs obligatoires dans les réglementations sanitaires et les fruits et légumes du potager suivent la même procédure que ceux achetés sur le marché ou en magasin.
« La pollution de l'air affecte surtout nos poumons mais ne rentre pas dans les légumes ! Seuls les métaux lourds peuvent être un danger lorsque les végétaux sont placés en bordure de route. Nous effectuons des tests régulièrement qui révèlent des chiffres en dessous des normes européennes. » Nicolas Bel, fondateur de Topager
« Il n'y a pas de réglementations spécifiques pour les potagers sur les toits. Il y a actuellement un flou juridique car cette pratique reste encore anecdotique », précise Nicolas Bel.Ailleurs, d'autres chefs veulent aller encore loin. A Copenhague, le Danois René Redzepi, à la tête du Noma, a annoncé la fermeture de son restaurant fin 2016 pour le transformer en « ferme urbaine ». Le nouveau lieu devrait ouvrir dans le quartier de Christiania, quartier « libertaire » créé par des communautés hippie dans les années 1970. Réputé pour mettre un point d'honneur à cuisiner des produits de saison et locaux, le chef danois souhaite pousser davantage ses ambitions locavores à travers son restaurant-ferme doté d'une serre pour proposer, au maximum, une carte « zéro kilomètre ».
La cité des Francs-Moisins à Saint-Denis n’est pas tout à fait le genre d’endroit où l’on imagine spontanément que puissent paître des moutons : zone "sensible" et dense, elle est caractéristique de l’urbanisation des trente glorieuses et concentre quelques-uns des maux dont souffrent aujourd’hui les « quartiers ». C’est pourtant là, dans les jardins d’une chaufferie à proximité des grands ensembles, que l’association Clinamen loge entre deux transhumances un sympathique troupeau de ruminants à laine blanche. Ils sont dix-neuf Thônes-et-Marthod, vieille race rustique savoyarde écartée des circuits industriels, et s’appellent Patrick, Speculoos ou encore la Guerrière. Depuis un an, ils sillonnent l’île de France sous la conduite affectueuse d’Olivier, Simone ou Julie, allant tantôt paître sur le campus de Villetaneuse, tantôt ruminer à l’Académie Fratellini ou au parc de la Courneuve.Les animaux sont « HD » – « haute domestication ». Pas farouches, ils viennent solliciter les caresses d’un coup de corne et vous laissent plonger la main dans l’épaisseur grasse de leur toison. Leurs bergers les ont aussi habitués à s’arrêter au passage piéton et à se garder de traverser la route sans s’être assurés de leur sécurité. Car les moutons vont à pattes d’un pâturage à l’autre, levant sur leur passage une volée de questions, dont la première est bête comme chou : mais que font-ils donc là ?
On penche à première vue pour un projet culturel. Au cours des dix dernières années, c’est surtout aux artistes qu’on doit le timide retour de l’animal en ville – les ruches d’Olivier Darné à quelques pas de la bergerie en sont un exemple parmi d’autres. D’ailleurs, la plupart des membres de Clinamen se sont rencontrés à la Ferme du bonheur, laboratoire nanterrien de création pluridisciplinaire où l’on élève moutons, poules et cochons. Olivier, grande bringue d’une vingtaine d’années, y était embauché en tant que jardinier. Il y a sympathisé avec Simone, Julie et les autres, jusqu’à former une petite bande pour moitié issue du monde associatif, pour l’autre de l’Ecole du paysage de Versailles. Après avoir acquis trois moutons et créé une première asso, « Téma la vache », en 2010, ils se sont fixés en février 2012 sur le territoire dionysien. Les moutons s’étaient reproduits, ils étaient huit et n’avaient aucun endroit où brouter. « On a écrit au maire adjoint de Saint-Denis comme on lance une bouteille à la mer, raconte Simone, jeune ostéopathe impliquée dès l’origine dans l’association. Ça lui a beaucoup plu et il nous a mis en relation avec la société de chaleur de la ville, qui avait un terrain où nous accueillir. » Composée de jardiniers, de paysagistes ou encore d’une chef de chantier, Clinamen se défend de toute ambition culturelle : « On ne fait pas de la culture, mais de l’agriculture, insiste Simone. En France, il y a 3% d’agriculteurs. Notre désir, c’est que nous devenions tous à 3% agriculteurs. »
"On ne fait pas de la culture, mais de l’agriculture, insiste Simone. En France, il y a 3% d’agriculteurs. Notre désir, c’est que nous devenions tous à 3% agriculteurs." Simone, membre de l'association Clinamen
Pour ce faire, l’association veut d’abord créer un réseau de bergeries. Au bâtiment construit à Saint-Denis par le collectif architectural Jolly Rodgers sous la houlette de Julie, chef de chantier, s'est ajouté une deuxième bergerie (éphémère) au 6b, puis une troisième sur le campus de Villetaneuse, érigée par Albert Hassan ( association PEPA) et Sébastien Dumas ( association Malicia). Un nouvel édifice est en cours de construction sur un terrain prêté par la ville de Saint-Denis et situé à proximité immédiate du canal et des Francs-Moisins. Cette parcelle de 400 m2 accueillera en outre une serre avec des comestibles et un poulailler. L’association projette enfin de développer une plateforme de récupération des déchets ménagers et planche sur un atlas paysan où seront cartographiés tous les espaces propices à l’agriculture urbaine de Plaine commune. Autant de projets dont la vocation est de « dynamiser les territoires urbains par la promotion de pratiques paysannes ».
Note champêtre incongrue au milieu des immeubles, les ruminants sont aussi de fabuleux liants entre les citadins. Les histoires de moutons sont universelles : tel habitant a un cheptel en Algérie, tel autre fut berger en Albanie ou ailleurs. Alors chacun pousse son anecdote, y va de son petit conseil aux membres de l’association : « En ville, les gens partagent leur savoir plus volontiers qu’à la campagne, constate Simone. On a pu agréger les connaissances de plein de cultures différentes. »
"On a tous des raisons très différentes d’être là, mais ce qui nous rassemble, c’est la volonté de faire ensemble, d’avoir un projet commun." Simone de l'association Clinamen
Quand Clinamen a installé sa bergerie aux Francs-Moisins, les habitants ont été d’emblée aimantés par le charme des animaux : « très vite, on s’est retrouvés avec cinquante gamins sur les bras dès qu’on faisait une sortie, s’amuse Simone. On a commencé à leur faire planter des aromatiques et toutes sortes de plantes. D’une manière générale, on attire les publics non encadrés. » Certains enfants viennent ainsi régulièrement prêter main forte aux membres de l’association, apprennent à s’occuper des bêtes et à veiller sur elles. Cette remarquable faculté des moutons à apaiser les tensions et à délier les langues n’est toutefois pas sans revers, et Clinamen doit rappeler à chaque instant qu’elle n’est ni une ferme pédagogique, ni un groupe de travailleurs sociaux bénévoles. Chapeautée par un comité directeur où les décisions se prennent en commun, l’association se rêve plutôt en laboratoire du collectif : « On a tous des raisons très différentes d’être là, explique Simone, mais ce qui nous rassemble, c’est la volonté de faire ensemble, d’avoir un projet commun. »
C’est sans doute cette ambition partagée qui permet à Clinamen de fonctionner avec des moyens plus que limités – quelques milliers d’euros accordés par la mairie de Saint-Denis ou glanés à l’occasion d’événements divers : lancement de l’agenda 21 à Epinay-sur-Seine, fête des fleurs à Saint-Denis, etc. Elle explique aussi dans une certaine mesure la liberté de ses membres et l’audace nécessaire à leur activité. Elever du bétail en ville est en effet une gageure : « nous avons développé une activité rurale à la ville, explique Julie, dans un total flou juridique. Dans notre cas la pratique précède la législation, d’où l’embarras des services vétérinaires et de certains élus. »
"Nous avons développé une activité rurale à la ville, dans un total flou juridique. Dans notre cas la pratique précède la législation, d’où l’embarras des services vétérinaires et de certains élus." Julie, de l'association Clinamen
En travaillant à démontrer que l’agriculture urbaine n’est pas toujours un oxymore, l’association contribue en effet à remodeler en profondeur les représentations. A commencer par celles que tout citadin se fait de son alimentation carnée. Dans un contexte où l'élevage industriel tient secrètes les conditions d'élevage et d'abattage du bétail, Clinamen revendique un lien affectif très fort avec les animaux - d'où la responsabilité qui incombe à ses membres quand d'aventure ils viennent à abattre une de leurs bêtes. De la même manière, les moutons amènent à reconsidérer du tout au tout le territoire francilien. Mus par un besoin d'espace et de verdure que les citadins ont souvent renoncé à satisfaire, ces herbivores invitent à voir la ville au-delà de sa minéralité, tantôt comme un gisement de ressources et d’opportunités, tantôt comme un parcours d’obstacles à négocier. C’est ce que Simone, Olivier et Julie appellent « le regard mouton ». Avec lui, les pelouses stériles des grands ensembles deviennent des zones de pâturages, et le moindre végétal s’appréhende en fonction d’un unique critère : sa comestibilité. « On nous demande souvent où est notre ferme, résume Simone, mais notre ferme, c’est Saint-Denis ! ».
« Ce projet n’est pas un éco-quartier mais plutôt un éco-pâté de maison », s’amuse à dire Jean-Marc Gancille, directeur du développement durable de l’entreprise Evolution, à propos de Darwin Ecosystème. Une façon pour ce maître d’ouvrage atypique de souligner l’originalité d’une opération très attendue. En décembre dernier, les premiers locataires des « Magasins Généraux de la Caserne Niel » situés sur les berges de la Garonne à Bordeaux ont pris leurs quartiers dans les espaces tout juste réhabilités. Sur 4 000m2 de bureaux, pas moins de 34 entreprises représentant près de 200 emplois, tous venus de « l’économie verte et créative » (acteurs du web, de la communication, de l’architecture et du design…) ont ainsi inauguré les lieux avant l’arrivée des prochains arrivants.
Sur 4 000m2 de bureaux, pas moins de 34 entreprises représentant près de 200 emplois, tous venus de « l’économie verte et créative ».
Au printemps, les premiers commerces devraient ouvrir ainsi que d’autres mètres carrés dédiés au tertiaire, dont 900m2 à une pépinière d’entreprises estampillées « Développement Durable ». Suivront, fin 2013 et en 2014, un espace bien-être, une crèche et un hôtel écolo. Derrière cette multitude d’acteurs, une agence de communication, Evolution, qui a souhaité montrer que les entreprises avaient un rôle à jouer pour faire « bouger les choses ». Pour Jean-Marc Gancille « Darwin évoque la notion d’adaptation. Cela fait écho à la situation actuelle face à l’urgence écologique et au devoir et à l’exigence de s’adapter au changement actuel ».
Ainsi, le projet Darwin se pense comme un « écosystème » même si selon Jean-Marc Gancille, « le mot est un peu galvaudé. Il implique toutefois une volonté d’interdépendance entre les différents acteurs économiques ». Justement, la coopération et la mutualisation entre les différents acteurs est l’un des éléments névralgiques du projet : « le projet Darwin porte en lui trois fondamentaux, explique le directeur du DD chez Evolution, dont la coopération économique et la mutualisation de espaces qui suggèrent de nouvelles façons de travailler et de stimuler la créativité et l’innovation. » Quant à la dimension écologique du bâtiment, elle est abordée à travers plusieurs points : la sobriété énergétique avec une consommation de 69 kWhep/m2/an, la réduction des déchets, la mobilité avec la mise en place d’un plan de déplacements interentreprises, la récupération des eaux fluviales, la qualité de l’air avec une attention particulière portée aux matériaux et la question alimentaire à travers une sélection pointue des futurs commerces et la réflexion autour d‘une ferme urbaine pour alimenter le site et le quartier en fruits et légumes produits sur place.
Darwin manifeste en effet l’ambition de jouer un rôle actif dans la vie du quartier grâce à des initiatives et événements orchestrés par une association autogérée, « Les darwiniens ».
Autre point fondamental : l’ancrage territorial. Darwin manifeste en effet l’ambition de jouer un rôle actif dans la vie du quartier grâce à des initiatives et événements orchestrés par une association autogérée, « Les darwiniens ». Cette structure devrait pallier l’une des principales difficultés auxquelles doivent faire face les porteurs du projet : réussir à créer des liens et mettre en place de réelles connections entre les différentes parties prenantes et s’ouvrir sur la vie de ce quartier en devenir. En effet, alors que les travaux du futur projet d’éco-quartier de la ZAC Bastide Niel n’ont pas encore commencé, Darwin fait figure de précurseur. Et Jean-Marc Gancille de conclure : « On est la partie visible et immergée du futur projet mais à terme, nous serons une petite goutte d’eau et nous occuperons seulement 1 ha sur la 34 ha du futur quartier ».
Troisième ville de Suède, Malmö est sortie de la crise industrielle grâce au développement durable. Dans les écoquartiers de Bo01 à Vasträ Hamnen et Augustenborg, la ville conjugue prouesse architecturale, participation locale et respect de l'environnement...
Le temps a beau s’être excessivement rafraîchi, il y a tout de même pas mal de monde sur le parvis de la Gaîté lyrique. Sous l’auvent dressé en prévision d’une averse qui n’arrivera finalement pas, un maraîcher, un apiculteur, un éleveur de canards, un boulanger bio et (cerise sur le gâteau) un producteur de champagne, font déguster magret, pains aux olives ou pains d’épices à une clientèle où dominent les trentenaires, femmes surtout. Un homme, trentenaire également, passe de l’une à l’autre, explique, montre la marche à suivre en bon pédagogue. Il faut dire qu’il ne s’agit pas d’un marché ordinaire. Rien ne s’y vend spontanément, et les produits avec lesquels repartent les clients été commandés et prépayés sur Internet. Pour autant, il ne s’agit pas non plus d’une AMAP (voir notre article sur le sujet) : le consommateur y a choisi librement les victuailles (bio ou pas) qu’il souhaitait acquérir, n’est lié avec le producteur par aucun contrat de 6 mois ou 1 an et n’est pas non plus tenu de participer bénévolement la distribution. Il s’agit en somme d’un modèle inédit, ce qui ne l’empêche pas d’être en plein essor depuis sa création fin 2010 : celui de la Ruche qui dit oui ! Soit un genre de « start-up » (même si ses fondateurs récusent ce terme) où s’amalgament commerce direct et logique de réseau.
Chaque ruche est une entité autonome, créée à l’initiative d’un particulier qui sélectionne un ou plusieurs producteurs et offre à raison d’une fois par semaine ou d’une fois tous les 15 jours un espace d’accueil où seront distribués leurs produits. Collaboratif, le bon fonctionnement d’une ruche nécessite qu’une masse critique de consommateurs s’associent pour acquérir au prix de gros un stock de fruits, légumes, viande, etc. qu’un agriculteur aura mis en vente sur le site de la Ruche et viendra leur livrer. Faute d’atteindre ce nombre critique, la transaction capote. Si elle a lieu, La ruche qui dit oui ! prélève 10% du chiffre d’affaires généré. 10% supplémentaires reviennent à l’organisateur de la ruche.
Chaque ruche est une entité autonome, créée à l’initiative d’un particulier qui sélectionne un ou plusieurs producteurs et offre à raison d’une fois par semaine ou d’une fois tous les 15 jours un espace d’accueil où seront distribués leurs produits.
Souple et éthiquement satisfaisante pour les consommateurs, avantageuse pour les petits producteurs qui voient ainsi gonfler leurs marges, la formule rencontre un certain succès : depuis la mise en ligne du site en décembre 210, 523 ruches se sont créées ou se construisent en France.Soit environ 60 000 personnes.
Pour Guilhem Chéron, son fondateur, ce système de vente directe « cristallise plein de choses ». « Sa nouveauté, explique-t-il, tient à un modèle organisationnel qui articule innovation sociale et technologie de l’Internet. On marie le web avec l’agriculture, et ça, personne ne l’avait jamais fait. »
De fait, comme dans de nombreuses initiatives dites de consommation collaborative, Internet est au cœur du dispositif : c’est l’outil qui permet aux producteurs et consommateurs de raccourcir le circuit de distribution. C’est pourquoi sur les 12 salariés de la Ruche, 6 sont des développeurs. Mais le réseau des réseaux n’est pas seulement un moyen, un simple média. Il fournit aussi à la Ruche son cadre philosophique et organisationnel. Davantage façonné par l’ « idéologie du libre » que par l’écologie ou les utopies communautaires, Guilhem Chéron prône ainsi un système distribué, collaboratif et autonome : « On ne peut pas faire du local avec une intelligence nationale, explique-t-il. Le local s’invente lui-même et trouve ses propres solutions. C’est pourquoi nous intervenons le moins possible dans le fonctionnement des ruches. Chacune d’entre elles a une mélodie différente, et nous contentons de faire en sorte qu’il n’y ait pas de problèmes d’hygiène ni d’abus. C’est pour ça que ça marche ! »
"On marie le web avec l’agriculture, et ça, personne ne l’avait jamais fait." Guilhem Chéron, fondateur de La Ruche qui dit oui !
Chez les militants des circuits courts rompus à la formule des AMAP et des food coop, ce nouveau modèle de distribution fait pourtant grincer quelques dents. Ce qu’on reproche à la Ruche qui dit oui ? D’être une société commerciale (elle a la forme juridique d’une SAS), de ne pas imposer l’agriculture bio ni même l’agriculture locale (mais la forme du circuit court attire de fait les exploitations locales et de petite taille), de tourner le dos au bénévolat. Sur ce dernier point, Guilhem Chéron se défend : « les organisateurs de ruches travaillent, c’est donc normal qu’ils soient payés. Il faut donner aux gens les moyens de développer des projets, de gagner leur vie. »
Comme toutes les initiatives visant à rapprocher le producteur du consommateur et à favoriser les échanges locaux, la Ruche se voit aussi taxer de truc-de-bobos-qui-ont-les-moyens. Guilhem Chéron concède que les produits proposés ne sont pas spécialement bon marché et que les motivations des « abeilles » sont surtout d’ordre éthique. Mais « entre la PAC et la vente à perte, la perception qu'ont les consommateurs du prix des aliments est totalement distordue, rappelle-t-il. Notre marge est minimale, et les agriculteurs avec lesquels nous travaillons se contentent d’un SMIC. Dans ces conditions, les tarifs pratiqués dans les ruches sont les prix justes. »
Depuis maintenant le début de l'année, Sylvie Bétard et Jeanne Granger ont investi un local du 20ème arrondissement de Paris pour entreposer les « déchets » inexploitables qu'elles récupèrent auprès d'entreprises dans le but de les mettre à disposition des professionnels du secteur culturel. Par déchets, entendez : ce dont on veut se séparer. En effet, les matériaux récupérés par ces deux jeunes femmes sont très variés et peuvent être de grande qualité. « Papier japonais ou chutes de cuir, on collecte parfois des productions de très bonne facture d'artisans qui, pour diverses raisons cessent leurs activités. Certains stocks morts ont une très haute valeur ajoutée », expliquent les deux fondatrices du projet. Difficile dans ce cadre de donner une valeur à ces produits voués à être jetés mais à fort potentiel. « Notre premier engagement est de proposer des tarifs qui restent accessibles soit environ 50% moins cher que les prix du marché. Puis, on détermine la valeur en fonction de la rareté mais aussi du volume du stock. On vend au poids, au mètre ou à l'unité ».
Actuellement, ce sont près de 120 références qui sont présentes dans la boutique. On trouve de tout ou presque. Quelques exemples : cadres en bois, fils et bobines, rouleaux de tissus, luminaires de spectacles sont entreposés pour être ensuite revalorisés par des « créatifs ». Près de 150 membres font partie de l'association qui représente environ une trentaine de corps de métiers différents : graphisme, stylisme, photographie, design, architecture, etc...Pour adhérer à l'association et ainsi prendre connaissance de l'offre de matériaux, sans cesse renouvelée, une seule condition : être un professionnel du secteur. Étudiants, intermittents, associations ou entreprises culturelles peuvent venir s'approvisionner dans cette caverne d'Ali Baba pour artistes. Pour les responsables du projet, le secteur culturel est intéressant à plusieurs titres : « Il s'agit d'un milieu très contrasté avec peu de moyens financiers mais qui a pour dénominateur commun, un besoin de matériaux très large. L'idée, c'est de rendre l'écologie pragmatique, concrète et de soutenir un secteur qui a toujours su détourner et réemployer dans son processus créatif », soutient Jeanne.
En arrière-plan de ce concept, il y a bel et bien l'ambition d'optimiser le traitement des déchets et de valoriser des matériaux considérés comme bons à jeter aux ordures alors qu'ils peuvent devenir la matière première pour créatifs inspirés. Complétement dans l'esprit Upcycling très en vogue actuellement. « On est des adeptes du mouvement Cradle to Cradle » (ndlr : Anglicisme signifiant « du berceau au berceau ». Méthode de production dans laquelle les flux de matériaux circulent de manière continue), précisent les deux associées. Leur modèle, elles l'ont trouvé à New York. Le MFTA (Material for the arts) est une structure non-profit installé depuis 30 ans et distribuant du matériel au secteur artistique. « Il a fallu adapter ce modèle aux réalités du secteur parisien particulièrement contrasté », souligne Jeanne Granger.
Une autre partie de leur travail consiste, non sans difficultés, à sensibiliser les différents acteurs au rôle et à l'importance du recyclage. Une tâche pas toujours évidente à réussir lorsqu'il s'agit de parler d'écologie dans des structures sans vision environnementale globale...Trois secteurs font aujourd'hui régulièrement appel à la Réserve des Arts pour se désencombrer de matériaux inutilisables : le luxe avec notamment un prestigieux maroquinier, la communication comme Euro RSCG et une enseigne de la grande distribution de bricolage. De façon plus ponctuelle, elles collaborent avec des artisans de la signalétique, des encadreurs ou des peintres. Du côté des artistes et créatifs, la boutique est un moyen de faire partie d'une « communauté » et de trouver une offre de matières premières diversifiées et bon marché. Pour les fondatrices : « La question écolo ne se pose pas tant que ça car pour ce public, ces comportements ne sont pas nouveaux et relèvent plus du bon sens ». Leur objectif à court terme ? Passer de 100 à 1000m2 d'ici un an pour « avoir de tout » mais aussi de proposer un atelier entre artisans pour mutualiser les compétences en terme de valorisation de déchets. Affaire à suivre...
Depuis qu'Al Gore est passé de l'autre côté de la caméra pour alerter les foules sur les dangers du changement climatique, le documentaire écologique est devenu un genre en soi. A priori, rien ne distingue The age of stupid des nombreuses mises en garde en images tournées ces derniers temps, de Une vérité qui dérange à Home. Sauf que : ce docu de 90 minutes de Franny Armstrong tranche aussi bien par son angle d'attaque que par la façon dont il a été produit et tourné. Bref, les raisons de le voir sont nombreuses, et les Ecofaubourgs les ont énumérées pour vous.
A l'âge de 4 ans, Franny Armstrong voulait jouer de la batterie. Vingt ans plus tard, elle découvre dans une coupure de presse que Mc Do attaque en justice un jardinier pour diffamation. L'inégalité du rapport de force convainc la jeune anglaise de troquer sa grosse caisse contre une caméra. Il en sortira un film remarqué : McLibel (1997). Puis Franny Armstrong décide de partir en Inde pour filmer la résistance de certains habitants à l'édification d'un barrage sur le fleuve Narmada. Le résultat s'appelle « Drowned out » (noyés) et a été largement primé.
« The age of Stupid » n'est donc pas un coup d'essai. Fanny Armstrong y creuse sa veine activiste en accampagnant la sortie du film d'une campagne médiatique nommée 10 :10. L'enjeu : inciter le Royaume-Uni à réduire de 10% ses émissions de CO2 d'ici 2010.
Parmi l'offre pléthorique de docus écolos, The Age of stupid a des allures d'ONVI. Et pour cause : le film mêle reportage, animation et fiction. Ainsi, l'acteur Pete Postlethwaite (les Virtuoses, Usual suspects, etc.) y incarne un vieil homme rescapé du chaos, et vivant seul en 2055 au milieu des archives de notre temps. Faisant retour sur cet âge de la stupidité en regardant vivre et travailler 8 hommes et femmes de 2008, le protagoniste s'interroge : pourquoi n'ont-ils rien fait pour éviter le désastre tant qu'il en était encore temps ?
Produire un documentaire engagé avec l'argent de sociétés pas toujours respectueuses de l'environnement ? Pas question pour Franny Armstrong. S'étant toujours tenue à l'écart des circuits traditionnels de production et de diffusion, la réalisatrice a financé The age of stupid grâce à la générosité du public. Depuis 2004, elle a ainsi levé auprès de 600 donateurs individuels ou groupes l'équivalent de près d'un million d'euros. De quoi assurer une totale liberté de ton à son film.