Bimby, la densité urbaine s’organise dans les tissus existants

Écrit par
Déborah Antoinat
2013-06-19

Sélectionnée en 2009 par l’Agence Nationale de la Recherche dans le cadre de son appel à projets «Villes Durables», la démarche Bimby (Build In My Back Yard) propose une voie alternative et « douce » pour densifier les villes via les quartiers pavillonnaires.

Dépendance à la voiture, étalement urbain, éloignement des zones d’emploi, de commerce et de transport : le mode de vie pavillonnaire est très gourmand en émissions de gaz à effet de serre. C'est la raison pour laquelle les réflexions sur la ville durable prônent de plus en plus un urbanisme qui privilégie la densification de l’habitat. Cette solution permet de répondre à deux problèmes : l’obligation de réduction de CO2 et le besoin de nouveaux logements dans les premières couronnes des agglomérations. Contrairement aux opérations actuelles qui s’installent dans les anciennes friches industrielles, la démarche Bimby s’intéresse aux espaces périurbains où se concentrent les problèmes.« Le manque de terrain à bâtir est une réalité de beaucoup de villes en France. Vendre une partie de son terrain pour faire construire est une solution à la fois économique et écologique », expliquent Benoit Le Foll et David Miet, les deux architectes urbanistes à l’origine de la démarche Bimby en déplacement au CMAV de Toulouse pour présenter leur projet. Les mots de « lutte contre l’étalement urbain », « crise du foncier » sont rapidement évoqués. L’idée principale est simple : dans un contexte où la pression foncière est particulièrement forte dans les quartiers pavillonnaires, la démarche Bimby s’affiche comme un nouveau levier pour renouveler la ville. En effet, elle offre la possibilité à un habitant de céder une partie de son terrain pour créer de nouveaux logements.

1% des propriétaires visés

Si l’on considère qu'il y a 19 millions de maisons individuelles en France, il suffit qu’un propriétaire sur 100 accepte de vendre une partie de son terrain pour libérer 190.000 terrains à bâtir. Aujourd’hui, c’est une vingtaine de communes, un peu partout en France (Bretagne, Vendée, Aquitaine, Auvergne…) qui ont engagé une démarche pilote d’expérimentation.« On avait le pressentiment que l’on avait la place suffisante pour construire dans l’enveloppe urbaine et j’étais très agacé par la manière dont les agences immobilières découpaient les terrains selon des intérêts individuels, bien que dans le cadre légal du POS (Plan d’occupation des sols). Aussi, le diagnostic du PLU a confirmé le manque de petits logements, petites maisons et petits immeubles collectifs. Bimby s’est alors présentée comme une méthode appropriée pour nos problématiques », explique Jacques Cabot, le maire de Bouray-sur-Jouine. Cette commune (2000 habitants) située dans l’Essonne, à une quarantaine de kilomètres de Paris, connait une très forte pression immobilière et doit faire face à une importante demande de logements.Principale motivation mise en avant par les habitants : l’intérêt financier. « A 150.000 euros la valeur du terrain, de nombreuses personnes voient soudain l’intérêt d’en céder une partie. De plus cela permet de dégager de la trésorerie pour assurer de nouveaux besoins : une maison de plain-pied pour une personne âgée, un logement pour un enfant, le coût de l’entretien du jardin ou tout simplement pour financer des projets personnels », soulignent les porte-parole de Bimby. « Il est important que la commune propose des formes d’habitat qui permettent à nos jeunes et à nos anciens de rester vivre dans notre commune », estime le maire de Bouray-sur-Jouine.

"A 150.000 euros la valeur du terrain, de nombreuses personnes voient soudain l’intérêt d’en céder une partie. De plus cela permet de dégager de la trésorerie pour assurer de nouveaux besoins : une maison de plain-pied pour une personne âgée, un logement pour un enfant, le coût de l’entretien du jardin ou tout simplement pour financer des projets personnels." Benoit Le Foll et David Miet, architectes et urbanistes à l'origine de la démarche Bimby

Autres avantages pointés du doigt : la maîtrise de l’étalement urbain. Le fait de limiter la construction de logements implantés de plus en plus loin des zones d’emplois et de transport  influe sur les émissions de gaz à effet de serre et le « grignotage » des terres agricoles. Alors que l’étalement urbain semble inévitable pour construire de nouvelles maisons individuelles, forme d’habitat la plus prisée par les français, Bimby se positionne comme une alternative concrète. « Créer de nouveaux logements dans les tissus existants permet d’offrir la maison individuelle que les habitants sont venus chercher en arrivant dans les zones pavillonnaires. Et pour une municipalité, Bimby permet également de ne pas avoir à construire de nouvelles voiries et de réseaux. Il y a un intérêt convergent entre l’individuel et le collectif dans un contexte de pression foncière » souligne David Miet, qui a depuis crée une société de conseil en urbanisme auprès des collectivités.

Un avantage de la démarche BIMBY : la maîtrise de l’étalement urbain

Le PLU au cœur du dispositif

Principale difficulté pour cette démarche : les règles d’urbanisme. « Concrètement un habitant qui souhaite vendre une parcelle de son terrain a 4 chance sur 5 d’en être empêché par la réglementation », précise David Miet. Certaines règles du PLU (Plan Local d’Urbanisme) bloquent en effet la mise en place de ce type de projets immobiliers. Par exemple, Bouray-sur-Jouine va modifier son PLU (Plan Local d’Urbanisme) en juillet prochain afin de permettre la construction de nouveaux logements « façon Bimby » avec des premières applications prévues pour début 2014.

"Concrètement un habitant qui souhaite vendre une parcelle de son terrain a 4 chance sur 5 d’en être empêché par la réglementation". David Miet

Tremblay-sur-Mauldre, commune de 1000 habitants située dans les Yvelines, expérimente également la démarche. Le PLU devrait évoluer pour autoriser la construction de 70 logements en 10 ans. Elle a adopté un PADD (Projet d'aménagement et de développement durable) fin 2012 dont l’axe numéro 1 est de promouvoir la démarche de renouvellement initié par Bimby. Pas de clivage politique semble se dessiner parmi les premières municipalités qui ont décidé de tenter l’expérience. « On relève davantage une distinction entre pouvoir centralisé et pouvoir localisé. Cela se joue sur l’initiative laissée par le maire aux habitants », estime l’urbaniste, ajoutant : « Nous avons deux outils pour faire évoluer la situation. Le premier est le PLU qui peut être modifié de façon à autoriser la construction selon certaines règles dans les tissus existants. Le second est un outil de participation des habitants qui permet au propriétaire d’être reçu une heure gratuitement par un architecte pour conseiller et orienter les habitants ».

Urbanisme participatif

L’objectif affiché par Bimby est de faire converger intérêt privé et intérêt collectif pour construire un projet urbain. Un positionnement qui inverse le mode de représentation traditionnel de la fabrique de la ville. « Les élus partent habituellement du global au local, avec Bimby, c’est l’inverse, s’amuse Benoit Le Foll. Cela permet de changer la relation démocratique lors de la concertation. Faire une ville plus démocratique, c’est faire une ville plus durable ». Un des changements opérés par cette démarche repose en effet sur le transfert de compétences qui attribue la maitrise d’ouvrage à l’habitant.  « La simplification de la démarche constructive permise par Bimby est également plus économique, cela retire de fait la commercialisation, les normes supplémentaires, le coût du bureau d’études et la marge du promoteur. C’est la logique de filière courte dans le logement », continue David Miet.

"La simplification de la démarche constructive permise par Bimby est également plus économique, cela retire de fait la commercialisation, les normes supplémentaires, le coût du bureau d’études et la marge du promoteur. C’est la logique de filière courte dans le logement." David Miet

Une position qui ne suscite pas que des approbations. Certains professionnels du secteur, architectes et urbanistes en tête, s’inquiètent de la dérive possible de cette appropriation de la ville par les habitants eux-mêmes. Leur crainte : la possibilité laissée à de petits propriétaires de fabriquer le territoire.  « Il est clair qu’il faut s’assurer de certaines exigences, de se positionner sur les façades et les ouvertures pour que l’espace public soit respecté. Il faut faire du sur mesure, la modification du PLU doit dépendre de la morphologie des villes et du marché immobilier local pour ne pas donner les clés de la ville à de petits spéculateurs immobiliers », souligne David Miet. Il ajoute «  Bimby donne un peu plus de pouvoir à l’habitant en en retirant à l’urbaniste. Cela explique sans doute que la principale résistance provient des professionnels du secteur qui voient d’un mauvais œil la perte d’une partie de leurs prérogatives. »  Les deux initiateurs de la réflexion Bimby estiment qu’il faudra bien une dizaine d’années pour que la démarche se soit implantée de façon significative sur le territoire.

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Justinien Tribillon : "Le périphérique n’est pas une artère comme les autres, mais un seuil, une frontière sociale et symbolique."

Dans son essai La Zone, une histoire alternative de Paris (Éditions B42, 2025), le chercheur s’intéresse aux contours géographiques et symboliques de Paris et sa banlieue. Entretien.

Pourquoi vous êtes vous intéressé aux représentations de Paris et ses frontières ? Qu’est ce qui a motivé vos recherches sur ce sujet ?

J’ai grandi à Paris, dans le quartier de République, avant de vivre dix ans à Londres. Cette expérience m’a révélé deux modèles urbains opposés : à Londres, le centre, surtout composé de bureaux et d’écoles, est peu habité, la vie se concentre en banlieue, dans des pavillons avec jardins. À Paris, au contraire, la centralité est dense, désirée, et les espaces verts rares. En découvrant le goût britannique pour la vie suburbaine, j’ai commencé à questionner mon rapport à Paris et à sa géographie, notamment la frontière symbolique du boulevard périphérique entre la capitale et sa banlieue. En enquêtant pour un article pour le Guardian, j’ai pris conscience que cette séparation relevait moins d’une barrière physique que d’un imaginaire collectif, nourri de mythes et de préjugés. Le fait de m’être expatrié m’a offert la distance nécessaire pour déconstruire ces représentations, et constater qu’aucune étude approfondie n’avait encore analysé le périphérique comme objet urbain et social.

Qu’est ce que la Zone ? Pouvez-vous nous décrire géographiquement et symboliquement cet espace ?

La Zone est une bande de terre de 250 mètres de large et d'environ 33-34 kilomètres de long entourant les fortifications construites autour de Paris en 1840 sur ordre d’Adolphe Thiers, au moment même où les autres grandes villes européennes démantelaient leurs murs. Prévue comme une zone non ædificandi (interdite à la construction pour des raisons militaires), cette zone théoriquement non-constructible n'a jamais été respectée et un certain nombre d’habitations plus ou moins solides et pérennes se sont mises en place. Des baraques, ateliers, guinguettes et théâtres y sont également apparues, formant une ceinture populaire et animée entre Paris et sa banlieue. Cet espace hybride, « illégal » mais vivant, abritait ouvriers, immigrés, artisans et marginaux, des « zoniers", comme on dit d'abord, puis des « zonards », attirés par des loyers faibles et une certaine liberté. À la fois lieu de travail, de divertissement et de précarité, la Zone symbolisait l’envers du Paris haussmannien, ordonné et bourgeois. Elle a inspiré autant la peur que le fantasme : repaire de pauvreté et de crimes et de plaisirs pour les uns, refuge de liberté et de créativité populaire pour les autres, la Zone devint un mythe urbain.

Cinq chapitres segmentent votre ouvrage et illustrent les différentes séparations entre “Paris Intramuros” et ses banlieues. Le premier chapitre évoque la ceinture noire, celle de la construction des marges. Que nous dit l’histoire de la planification urbaine de Paris et sa banlieue pour comprendre l’identité de la Zone ?

La zone des fortifications, fruit d’une planification à la fois urbaine et militaire, a fait l’objet de débat pour comprendre s’il s’agissait moins d’un outil de défense que de contrôle social. Durant les travaux d’Haussmann, la rénovation de Paris expulse les classes populaires du centre : elles sont repoussées vers les banlieues et cette zone sans statut clair.

La zone des fortifications, fruit d’une planification à la fois urbaine et militaire, a fait l’objet de débat pour comprendre s’il s’agissait moins d’un outil de défense que de contrôle social.

Espace interlope, ni tout à fait rural ni urbain, celle-ci accueille ouvriers, immigrés et populations nomades cherchant un logement bon marché et un petit lopin de terre. Dépourvue d’infrastructures (routes, égouts, électricité), la zone reste précaire mais accessible. À la fin du XIXe siècle, l’essor de l’hygiénisme et du modernisme  nourrit chez les élites parisiennes une aversion envers cet espace qui entoure la capitale. Soit pour des raisons de progrès social, soit pour des raisons réactionnaires et anti-populaires, il y a un véritable désir de l'élite de l'époque de réformer la Zone en profondeur.

Vous parlez ensuite de la “ceinture verte”. Comment les espaces verts ont servi de dispositifs de ségrégation urbaine, séparant Paris de ses périphéries et excluant ses populations subalternes ?

Au début du XXe siècle, la zone des fortifications, soit environ 15 % de la surface de Paris, devient un terrain d’expérimentation urbaine et politique. L’architecte Eugène Hénard imagine un projet progressiste reliant Paris et sa banlieue par une alternance de logements, d’équipements publics et d’une douzaine de parcs, formant une continuité urbaine et sociale avec les villes de banlieue. Mais c’est le projet conservateur de Louis Dausset qui s’impose en 1919 : il conçoit une « ceinture verte » séparant Paris de sa banlieue, soutenue par la chambre des propriétaires, désireuse de maintenir la valeur foncière et l’isolement d’un Paris bourgeois face à une banlieue populaire. La Zone, très habitée, n’est évacuée que très lentement jusqu’en 1943, quand le régime de Vichy l’évacue brutalement et manu militari. Sur la Zone, que Pétain qualifiait de « ceinture lépreuse », le régime de Vichy projette son projet politique de « régénération nationale », et va construire alors des stades et écoles, dans la lignée du projet Dausset. Mais le projet de parc continu est finalement balayé par la construction du boulevard périphérique. Considérée alors comme voie « paysagère », cette autoroute urbaine viendra symboliser durablement la rupture entre Paris et sa périphérie.

La porte de la Villette. Photo : Nicolas Gzeley

C'est ensuite une histoire des logements sociaux et des municipalités communistes que vous racontez, présentées comme des “cordons prolétariens” encerclant un Paris bourgeois. En quoi la construction de logements sociaux dans la Zone a conforté l’opposition entre Paris et sa banlieue et contribué au visage actuel de la métropole  ?

La construction des habitations à bon marché, les HBM au début du XXᵉ siècle, l'ancêtre des HLM , a façonné autour de Paris une « ceinture de briques ». Ces logements, souvent sociaux, bordant les boulevards des Maréchaux, sont construits en brique, matériau alors jugé peu noble, ce qui leur confère une mauvaise réputation. Conçus sans « grands architectes » mais par la mairie de Paris dans un contexte de pénurie, ils manquent d’audace face aux idéaux modernistes de l’époque. Leur architecture répétitive crée un paysage uniforme, souvent jugé triste, elle est très décriée par l'élite architecturale et intellectuelle de l'époque. Pourtant, ces immeubles ont offert des logements familiaux confortables et abordables, toujours habités et appréciés aujourd’hui. Symboliquement, cette ceinture matérialise un anneau prolétaire entourant la capitale, une « ceinture rose », prolongement de la « ceinture rouge » des banlieues ouvrières et communistes, perçues comme une menace politique face au Paris bourgeois, centre du pouvoir et des révolutions françaises.

La ceinture d'asphalte, c’est donc le périphérique qui est, selon vous, le fruit de trois régimes et d’une idéologie : la technocratie française. Comment la planification urbaine de cette infrastructure a-t-elle été impactée par les préjugés sociaux de ces acteurs institutionnels ? Pour quelles conséquences ?

Mon approche consistait à déconstruire l’idée, très répandue, selon laquelle une infrastructure comme le périphérique serait un objet purement technique, donc apolitique. En m’appuyant sur les travaux des sciences et techniques en société, j’ai cherché à montrer que toute décision technique porte en réalité les biais, les valeurs et les rapports de pouvoir de ceux qui la conçoivent. Derrière la façade rationnelle de l’ingénierie urbaine se cachent des choix profondément humains et parfois inégalitaires. Le périphérique en est un exemple frappant : son tracé et ses aménagements traduisent des arbitrages sociaux et économiques. Des quartiers riches, comme ceux du 16ᵉ arrondissement, ont réussi à éloigner l’infrastructure de leurs habitations, tandis que d’autres zones, plus populaires, ont subi de plein fouet les nuisances.

Ma recherche montre que le périphérique n’est pas seulement un ouvrage d’ingénierie : c’est le produit d’un système technocratique, socialement situé, façonné par des élites convaincues de leur neutralité, mais porteuses de biais de classe et de culture.

De même, le refus initial d’installer des murs anti-bruit fut justifié par des arguments techniques, alors qu’il relevait en réalité de jugements esthétiques ou subjectifs des ingénieurs. Ce n’est qu’en 1977, avec l’élection du premier maire de Paris, que la décision fut imposée, révélant combien la hiérarchie politique pouvait infléchir la logique technique. Ainsi, ma recherche montre que le périphérique n’est pas seulement un ouvrage d’ingénierie : c’est le produit d’un système technocratique, socialement situé, façonné par des élites convaincues de leur neutralité, mais porteuses de biais de classe et de culture.

Pour votre dernier chapitre “Ceinture de béton-Ville blanche”, vous vous intéressez au lien intime entre l’histoire de l’espace parisien et celle du colonialisme français. Quels sont vos principaux enseignements sur ce point ?

Ce qui m’a intéressé, c’est de comprendre à quel point la fabrique urbaine de Paris et de sa périphérie est marquée par l’héritage colonial. Au XIXᵉ et au XXᵉ siècle, alors qu’on construit puis qu’on repense les fortifications, la France vit l’apogée de son impérialisme : architectes, urbanistes et ingénieurs formés dans les colonies y testent modèles et méthodes qu’ils ramèneront ensuite en métropole. Dans ces territoires marqués par la domination et la ségrégation, ils expérimentent l’idée d’un ordre spatial hiérarchisé, qu’ils appliquent ensuite à Paris. La « ceinture verte » imaginée au Maroc dans les années 1930, pour séparer les « villes européennes » des « villes indigènes », inspire directement la réflexion sur la périphérie parisienne.

Après 1945, avec l’arrivée des travailleurs immigrés, notamment algériens, cet imaginaire se rejoue. Le mot « bidonville », né dans le contexte colonial, désigne désormais ces quartiers informels en métropole. Peu à peu, les populations issues de l’immigration se retrouvent assignées aux cités de transit, puis aux grands ensembles, identifiées à une architecture jugée dégradée. La « question urbaine » est alors associée à la « question immigrée », comme si la destruction des tours pouvait résoudre les inégalités sociales. Derrière cette illusion d’un urbanisme neutre se cache en réalité la persistance d’un imaginaire colonial : une manière d’organiser la ville selon un régime de ségrégation ethno-raciale et de contrôle des populations.

Le périphérique reste un marqueur fort du paysage parisien. Photo : Nicolas Gzeley.

“L’histoire de la Zone continue” dites-vous pour conclure votre ouvrage. Comment pourrait évoluer cet espace dans les années à venir ?

Le boulevard périphérique, héritier direct de la « Zone », reste aujourd’hui un marqueur fort du paysage parisien. Même s’il tend lentement à s’apaiser, il incarne encore cette marge urbaine. Autour de lui subsistent des espaces de relégation : à la Porte de la Villette, par exemple, des personnes sans abri ou souffrant d’addictions au crack trouvent refuge sur ces franges repoussées hors du centre pour « déranger » le moins possible. Le long des Maréchaux ou des échangeurs, les tentes se succèdent, rappelant la persistance d’un Paris des marges.

La « Zone » a cessé d’être un lieu pour devenir une idée : celle d’un espace entre deux mondes, où la ville repousse ce qu’elle ne veut pas voir, mais qu’elle ne peut effacer.

Cette identité périphérique perdure donc : le périphérique n’est pas une artère comme les autres, mais un seuil, une frontière sociale et symbolique. Peut-être, dans un siècle, aura-t-il été absorbé par la ville. En attendant, comme le souligne le chercheur Jérôme Beauchez, la « Zone » a cessé d’être un lieu pour devenir une idée : celle d’un espace entre deux mondes, où la ville repousse ce qu’elle ne veut pas voir, mais qu’elle ne peut effacer.

Pour en savoir plus :

Justinien Tribillon, La Zone, une histoire alternative de Paris, Paris, éditions B42, 2025

Yoann Sportouch : « L’urbanisme du care, c’est une façon de concevoir la ville en partant de l’attention aux personnes. »

Yoann Sportouch est urbaniste et philosophe, fondateur de l'agence LDV Studio Urbain et rédacteur en chef de la revue Lumières de la ville. Il a publié Pour un urbanisme du care aux éditions de l’Aube (Juin 2024). L’ouvrage défend une approche humaniste et éthique de la fabrique urbaine qu’il considère comme essentielle pour répondre aux grands défis, sociaux, écologiques, démographiques et politiques de notre époque. Entretien.

Vous parlez d’urbanisme humaniste, d’éthique et d’urbanisme du care. C’est quoi un urbanisme du care ?

L’urbanisme du care, c’est une façon de concevoir la ville en partant de l’attention aux personnes. Il met au centre les fragilités, les liens entre nous et la responsabilité partagée de les prendre en compte. Il regroupe et prolonge des notions déjà connues comme la ville inclusive, la ville résiliente, la ville circulaire ou encore la ville à hauteur d’enfants. Autrement dit, il fait de la prise en charge des vulnérabilités un devoir collectif, partagé entre citoyens et institutions.

C’est en ce sens que je parle d’éthique pour le domaine de la fabrique de la ville. Cette éthique s’oppose à d’autres principes qui furent autrefois la norme, comme l’attractivité des territoires, le développement urbain comme moteur de croissance, la compétitivité inter-métropolitaine, ou encore la réponse à des logiques purement fonctionnelles… L’urbanisme du care n’est donc pas une nouvelle recette ou un style d’aménagement, c’est une boussole pour notre temps : une éthique systémique et appliquée qui nous invite à considérer la transformation urbaine comme une opportunité de réparer, de relier, de prendre soin, des personnes comme des lieux. Une nécessité aujourd’hui.

De quels maux les villes souffrent-elles ? En quoi ce concept permettrait-il d’y répondre ?

Nos villes sont traversées par une accumulation de crises : sociale, écologique, démocratique, politique. La fragmentation territoriale, l’isolement, l’injustice spatiale sont des symptômes visibles. L’urbanisme du care invite à considérer la ville comme un organisme vivant. Il propose de s’appuyer sur les signaux faibles, que sont les situations de vulnérabilité, pour repenser nos priorités en matière d’aménagement et de développement urbain.

"Il s’agit moins d’inventer des utopies que de soigner vraiment le réel, ici et maintenant, en reconnectant les projets urbains aux besoins humains et à ceux de la planète."

Vous êtes urbaniste mais aussi philosophe, comment la philosophie impacte et nourrit l’approche et la vision de votre métier ?

La philosophie m’a permis de poser les bonnes questions avant de chercher les réponses. Elle m’a appris à regarder au-delà des évidences, à interroger nos systèmes de valeurs, nos normes implicites. Je me suis par exemple rendu compte que notre cadre humaniste et universaliste, celui qui fonde le contrat social, ignore souvent les vulnérabilités présentes dans certaines situations concrètes. On construit des normes et des règles qu’il s'agit de respecter de manière universelle, mais il subsiste toujours des inégalités réelles, criantes, parfois inhumaines. En travaillant sur l’éthique du care, j’ai trouvé une grille de lecture puissante, qui place l’empathie, la responsabilité et l’interdépendance au centre de notre action, peu importe votre secteur d’activité. Dans le domaine de l’aménagement et de la fabrique de la ville, c’est une manière de replacer la pensée dans l’action urbaine, de donner du sens à nos façons de faire la ville.

Quels outils et méthodes utilisez-vous au sein de votre agence pour mettre en œuvre cet urbanisme du care ?

Nous utilisons notamment le diagnostic d’usages, qui consiste à s’immerger dans les pratiques quotidiennes des habitants, à comprendre leurs temporalités, leurs fragilités, leurs ressources. Nous menons aussi des programmations participatives, dès l’amont des projets, pour intégrer l’expertise d’usage des habitants et profiter du projet urbain pour régénérer notre société en trouvant des solutions ensemble. Nous développons des démarches de co-innovation locale, en accompagnant par exemple des porteurs de projets issus des territoires pour réinvestir les rez-de-chaussée commerciaux. Le faire avec et pas seulement la “concertation”, vraiment, est au cœur de notre démarche.

A Colombelles (Calvados), un diagnostic mené selon les méthodes de l'urbanisme du care

Auriez-vous un exemple emblématique d'un projet urbain qui a permis de “réparer” les populations vulnérables à qui vous souhaitez vous adresser ?

Oui, je pense à une mission menée à Colombelles, une commune populaire du Calvados, sur un projet d’aménagement au sein de la ZAC Jean-Jaurès. Notre mission consistait à imaginer les futurs usages en rez-de-chaussée d’une opération immobilière autour d’une place en devenir. Au cours de cette mission, j’ai rencontré trois éducateurs de prévention spécialisée. Cette rencontre a été fondatrice.

Ces éducateurs m’ont partagé la réalité de leur travail auprès des jeunes en décrochage, leur besoin de discrétion, la complexité du lien de confiance à bâtir avec les jeunes comme avec leur environnement familial. Et surtout, ils m’ont ouvert les yeux sur un point crucial : pour que les jeunes fréquentent un lieu, il faut qu’ils puissent le faire sans être vus. Ce qui peut sembler anodin pour un aménageur, à savoir la position d’un local, devient central lorsqu’on se met à la place de ces jeunes. Ainsi, le projet initial qui envisageait un rez-de-chaussée très visible a été réorienté vers un local plus discret, en rez-de-jardin, voire en sous-sol. Un simple changement d’implantation, mais qui répondait de manière très concrète à une vulnérabilité réelle.

Cet échange m’a profondément marqué. Il démontre à quel point l’expertise d’usage, en particulier celle des professionnels de terrain, est précieuse. En partant de leur regard, de leur quotidien, on peut ajuster les projets en fonction des réalités vécues, y compris celles auxquelles on n’accorde pas ou trop peu d’importance.

"Une ville qui sait répondre aux fragilités sait aussi mieux répondre aux défis collectifs."

C’est cela, pour moi, l’urbanisme du care : partir des signaux faibles, des vulnérabilités présentes sur un territoire, pour s’en servir comme boussole. Car une ville qui sait répondre aux fragilités sait aussi mieux répondre aux défis collectifs. Ce n’est pas une approche bienveillante ou de compassion : c’est une manière de refonder nos priorités urbaines à partir de ce qui rend la ville plus juste, plus humaine, pour toutes et tous.

Vous dites dans votre essai que la mise en œuvre de la ville durable se fait souvent au détriment de la ville inclusive et humaniste. Comment expliquez-vous cela ? Comment votre approche pourrait permettre d’éviter cet écueil ?

La ville durable est parfois réduite à ses dimensions techniques ou écologiques, avec une logique d’efficacité, de performance, de normes environnementales. C’est bien sûr indispensable, mais cela se fait souvent au détriment de l’écoute des habitants et de la complexité sociale des territoires.

Par ailleurs, dans le secteur de la fabrique urbaine, nous avons tendance à obéir aux injonctions du moment. Après la crise sanitaire, le mot d’ordre était "le logement post-Covid", aujourd’hui c’est "l’urbanisme de la santé"... Le problème de ces effets de mode, c’est qu’on mise tout sur un seul enjeu, en oubliant souvent les autres urgences sociales, économiques, culturelles, démocratiques.

"La ville durable est parfois réduite à ses dimensions techniques ou écologiques, avec une logique d’efficacité, de performance, de normes environnementales. C’est bien sûr indispensable, mais cela se fait souvent au détriment de l’écoute des habitants et de la complexité sociale des territoires."

Depuis une dizaine d’années, la ville durable s’est imposée comme un dogme. C’est une avancée importante, mais elle a parfois produit des projets déconnectés du réel. À Nanterre, par exemple, 120 000 m² de bureaux ultra-durables ont été inaugurés en octobre 2024, mais seuls 9 000 m² étaient occupés à leur ouverture. Cela, dans une ville populaire, marquée par les émeutes de 2023, et alors même que le télétravail est devenu la norme. On continue donc à produire une offre standardisée, calée sur des tendances générales, sans tenir compte des besoins réels des territoires. Et cela ne fait que renforcer les inégalités : seuls certains publics pourront accéder à ces lieux.

L’urbanisme du care vient réintroduire la dimension humaine et relationnelle. Il propose une écologie de l’attention autant qu’une écologie de la planète. Il ne s’agit pas d’opposer ces approches, mais de les relier dans une vision systémique, qui parte des besoins pour construire des réponses justes.

Comment faire que l'urbanisme du care devienne la norme de la fabrique urbaine ?

Il faut commencer par reconnaître la vulnérabilité comme une condition universelle, et non comme une exception. Ensuite, changer la manière dont on fabrique la ville : sortir des logiques descendantes, des projets standardisés, de ce que l’on définit par l’urbanisme de l’offre, pour aller vers des démarches situées, contextuelles, co-construites, en clair un urbanisme des besoins. Cela implique de transformer les modes de commande, de former les professionnels à de nouvelles postures, de faire dialoguer les mondes, urbanisme, santé, social, culture, éducation etc. C’est un chemin politique autant que pratique, qui suppose de remettre du sens dans chaque geste urbain.

Crédit photo : Benjamin Boccas

« Nous réinstaurons de la nature dans les lieux les plus contre-nature qui soient » : entretien avec Nadia Herbreteau, présidente de l'agence de paysage Ilex

D’architecte, comment devient-on paysagiste ? Et comment le paysage, son temps long, son caractère imprévisible, sa qualité d’espace innerve-t-il en retour la pratique architecturale ? Telles sont les premières questions posées à Nadia Herbreteau, architecte et urbaniste, présidente de l’agence de paysage et d’urbanisme Ilex.

Formée à l’architecture et à la maîtrise d’œuvre urbaine dans le contexte de Saint-Nazaire, ville en mutation après le déclin de ses chantiers navals, puis dans une agence particulièrement active dans les quartiers prioritaires transformés par l’ANRU, c’est par goût pour l’espace public, la réappropriation par les habitants de leur cadre de vie et de ses usages qu’elle a rejoint, d’évidence, une agence de paysagistes, Ilex, il y a plus de vingt ans.

Après un tel début de parcours, pourquoi des paysagistes ?

Parce que ce sont eux qui ont la main sur les questions d’espace public. Je suis attachée à la notion de communs, qui forment le préalable à la structure sociale, foncière et architecturale d’un projet. À une époque, il y a vingt ans, où les projets urbains étaient davantage pensés par le plein que par le vide, le travail des paysagistes m’a inspirée.

Ilex est aujourd’hui une agence lyonnaise de trente personnes. Comment choisissez-vous les projets auxquels vous répondez ?

Ce ne sont désormais plus que des projets d’espace public au sein desquels le végétal est central. Et pour neuf projets sur dix, de la réhabilitation, le plus souvent d’anciens espaces dévolus à la voiture qu’il faut reconquérir. Car la marge de manœuvre aujourd’hui de l’espace public, c’est la place accordée à la voiture. Mais ce qui était un vrai combat il y a encore quelques années – moins de voitures, plus de nature en ville, une meilleure gestion de l’eau, moins d’infrastructures routières et des commandes moins technocratiques – devient aujourd’hui la nécessité, rattrapés que nous sommes par le dérèglement climatique et la demande sociale. Il est plus facile désormais de proposer ces projets, souvent portés par des exécutifs socialo-écologistes. Ça nous permet d’aller plus loin. Par exemple, de défendre une vision non académique et non dessinée de l’espace urbain, davantage fait de motifs juxtaposés que de grandes compositions. En tant que Lyonnais, nous pratiquons la ville. Nous ne sommes pas déconnectés comme certains architectes qui construisent ailleurs, là où ils ne vivront jamais. Pour chaque projet, nous nous demandons si nous souhaiterions vivre et nous projeter dans l’endroit que nous fabriquons.

"La marge de manœuvre aujourd’hui de l’espace public, c’est la place accordée à la voiture. Mais ce qui était un vrai combat il y a encore quelques années (...) devient aujourd’hui la nécessité."

Pour investir davantage l’espace public en végétation, en paysages, en parcs, dans des projets où la valeur foncière est une pression, notre premier combat est de démontrer que la commande initiale ne repose pas sur une bonne équation économique. Souvent la commande est mal posée : le périmètre n’est pas adapté, très sectorisé, faisant fi de l’existant autour ; elle s’appuie sur des études qui ont parfois vingt ans et ont donc imaginé des espaces publics aujourd’hui caducs. Tout le monde revendique une expertise sur l’espace public. Parfois, nous avons 40 pages de remarques pour un projet, toutes contradictoires. Il faudrait donc trouver un compromis qui satisfasse tout le monde. Mais aujourd’hui, plutôt que de faire un projet qui satisfasse une somme d’intérêts particuliers, je préfère porter un projet sans compromis et qui relève de l’intérêt général. Paradoxalement, le manque d’argent public nous aide. Végétaliser revient moins cher que goudronner ; il est moins coûteux d’utiliser l’existant que de faire une grande composition ; plus facile de faire avec les contraintes que de s’imposer à elles.

Un projet illustre bien ces propos : celui du Delta vert à Nanterre. Au sein de ce projet paysager d’une dizaine d’hectares se trouve le Champ de la Garde, une friche de quatre hectares sur le toit de l’autoroute A14, aux franges de l’Université Paris-Nanterre, dernier espace non construit sur les terrasses qui courent de la Défense à la Seine. Depuis 2008, l’équipe de la Ferme du bonheur – installée depuis trente ans à proximité du terrain – prend soin, nettoie, cultive et aménage cet impensé de l’urbanisme en y menant une grande variété d’actions écologiques, culturelles et sociales. Comment s’insérer dans un projet aux démarches agro-écologiques et collaboratives affirmées ?

Le projet du Delta vert illustre bien la réalité actuelle : nous réinstaurons de la nature sur les lieux les plus contre-nature qui soient. On nous a filé les pires morceaux, ceux dont personne n’a voulu parce qu’ils n’ont pas de valeur foncière. À Nanterre, le Champ de la Garde est un délaissé pollué, toiture d’une autoroute, encastré entre une voie de chemin de fer et des barres de logements. Sa valeur foncière est nulle, voire négative, et notre rôle est de lui redonner une valeur autre, écologique, paysagère. Depuis quinze ans, la Ferme du bonheur a redonné vie à ce sol et à cet espace, comme un paysan qui redonne un substrat fertile à un mauvais sol. Les pratiques vernaculaires mises en place sur ce terrain, c’est ce que nous aimerions faire dans les espaces que nous aménageons. Cette façon de ménager l’espace avec le temps, le déjà-là, de jour en jour, en bricolant de manière paysanne, confère à ce lieu une âme alors qu’il semble, au milieu des infrastructures voisines, contre-nature.

"Le contexte de disette actuelle nous permet de faire mieux en faisant moins."

La première étape a été de retourner la commande de Paris La Défense. L’aménageur du terrain souhaitait poursuivre ici son travail entamé sur les terrasses qui partent de la Grande Arche, à savoir construire sur cette zone de pleine terre et créer des parcs sur des zones déjà imperméabilisées. Nous avons passé du temps à reformuler la commande, à l’expertiser sous l’angle du bon sens et du moins coûteux. Aménager coûte cher, donc là encore le contexte de disette actuelle nous permet de faire mieux en faisant moins. La clé sera à l’avenir dans le financement des paysagistes et des architectes [rémunérés aujourd’hui au prorata du montant total des travaux engagés, ce qui incite évidemment à construire, ndlr]. À partir de là, nous essayons de faire parc, de faire jardin.

La corniche des forts à Romainville - Crédit : Karolina Samborska

Un autre de vos projets emblématiques est le parc de la corniche des forts à Romainville, une forêt à travers laquelle le promeneur chemine en hauteur sur une passerelle…

Là encore, la longueur des procédures a rendu la commande de ce projet caduque puisqu’il s’agissait, au départ, de construire une plaine de loisirs. Or, le terrain en gypse est fragile et troué comme du gruyère. Il ne pouvait pas soutenir de gros équipements. Nous avons donc simplifié les choses au maximum en laissant cet espace dans son jus, en le renaturalisant de fait et en y donnant un accès visuel. La passerelle est hors-sol mais bien fondée à plusieurs mètres. De telle sorte que le promeneur n’a accès qu’à 10% de l’espace mais peut l’appréhender visuellement dans son entier. C’est un retournement : auparavant, les parcs requéraient un accès total à travers de grandes pelouses. Il y a toujours une tension dans le paysage entre sacraliser des espaces rendus inaccessibles et y donner accès.

"Il y a toujours une tension dans le paysage entre sacraliser des espaces rendus inaccessibles et y donner accès."

À Romainville, en Seine-Saint-Denis, la pression d’usage était forte puisque la population manque d’espaces verts. Il fallait éviter de la frustrer. Nous avons donc trouvé cette alternative de la passerelle : mettre en réserve l’espace sans donner l’impression de le clôturer. Pareil pour le site de Nanterre, dont une partie sera peut-être dévolue à la culture, donc inaccessible pour beaucoup de promeneurs, tout en leur donnant le sentiment qu’il leur appartient. Au fond, il s’agit d’appliquer au paysage la démarche déjà en vigueur pour les grands sites de France, comme la pointe du Raz ou le Mont-Saint-Michel. Il y a vingt ans, on pouvait se garer devant et avoir accès à tous les espaces. Aujourd’hui, le parking a reculé, les cheminements qui permettent de rejoindre les sites sont pensés pour que la flore reprenne sa place et cet accès par une marche rallongée renforce l’expérience de ces lieux, dont la fréquentation ne diminue pas, bien au contraire.