DOSSIER : face à la crise, l'immobilier de bureau se réinvente

Écrit par
Pierre Monsegur
2025-07-03

Dans un secteur de l’immobilier en berne, les bureaux sont en première ligne. Simple effet de la conjoncture ou tendance de fond ? Midionze fait le point sur l’ampleur de la crise et esquisse quelques solutions…

En décembre 2024, le Consortium des Bureaux en France (CBF), qui rassemble La Place de l’Immobilier, la Foncière de Transformation Immobilière (FTI) et Linkcity défrayait la chronique en publiant une étude d’ampleur sur l’immobilier de bureau. Fondée d’après ses commanditaires sur “une approche exhaustive de l’ensemble des surfaces de bureaux du pays immeuble par immeuble”, celle-ci venait pointer la profonde crise du secteur, chiffres à l’appui. Sur les 173 de mètres carrés de bureaux que compte l’Hexagone, plus de 9 millions seraient vides. Pire : 2 millions de m2 de bureaux de 1000 m2 et plus, dont 1,2 millions en Ile de France, seraient carrément “en friche”, c’est-à-dire vacants depuis plus de deux ans.  

Les raisons du désastre sont nombreuses. Les piètres résultats de l’immobilier de bureau viennent d’abord s’inscrire dans une crise plus globale de l’immobilier depuis l’automne 2022. En cause : la hausse rapide et significative des taux d’intérêt, qui rendait l’accès des ménages à l’emprunt bancaire beaucoup plus difficile et coûteux. 

Les taux de vacance observés dans l’immobilier de bureau seraient aussi la résultante des mutations qui touchent le monde de l’entreprise depuis l’épidémie de COVID19, à commencer par l’essor du télétravail. Plus largement, ils viendraient signaler l'essoufflement d’un modèle économique surgi dans les années 1960 : la tertiarisation, ou société des services. Cet essoufflement serait d’abord démographique : avec le vieillissement de la population, la part des actifs diminue, et avec elle les besoins en bureaux. Or, malgré cette évolution prévisible, les promoteurs ont continué à construire et aménager des surfaces tertiaires, jusqu’à la surproduction. 

Désormais, c’est donc bien la transformation de ces mètres carrés vides qui mobilise les acteurs de la fabrique urbaine. D’autant que la crise de l’immobilier tertiaire va de pair avec une crise aigue du logement dans les zones les plus tendues, dont Paris et l’Ile-de-France. “Sachant que les 25-44 ans disposent en moyenne de 34 mètres carrés par personne dans leur logement, ces 2 millions de mètres carrés de friches pourraient loger près de 53 000 habitants à horizon 5 ans s’ils étaient transformés en logements”, peut-on lire par exemple dans le communiqué de presse publié en décembre 2024 par le CBF. Dans un dossier sur le sujet, midionze s’intéresse ainsi à la transformation, en projet ou achevée, de quatre bâtiments tertiaires. Dans un entretien avec Kinda Garman, directrice générale des Bureaux du coeur, le média des Ecofaubourgs souligne aussi que la crise du bureau pourrait offrir une réponse au mal-logement, en offrant un abri à ceux qui n’en ont pas…

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DOSSIER : face à la crise, l'immobilier de bureau se réinvente

Dans un secteur de l’immobilier en berne, les bureaux sont en première ligne. Simple effet de la conjoncture ou tendance de fond ? Midionze fait le point sur l’ampleur de la crise et esquisse quelques solutions…

En décembre 2024, le Consortium des Bureaux en France (CBF), qui rassemble La Place de l’Immobilier, la Foncière de Transformation Immobilière (FTI) et Linkcity défrayait la chronique en publiant une étude d’ampleur sur l’immobilier de bureau. Fondée d’après ses commanditaires sur “une approche exhaustive de l’ensemble des surfaces de bureaux du pays immeuble par immeuble”, celle-ci venait pointer la profonde crise du secteur, chiffres à l’appui. Sur les 173 de mètres carrés de bureaux que compte l’Hexagone, plus de 9 millions seraient vides. Pire : 2 millions de m2 de bureaux de 1000 m2 et plus, dont 1,2 millions en Ile de France, seraient carrément “en friche”, c’est-à-dire vacants depuis plus de deux ans.  

Les raisons du désastre sont nombreuses. Les piètres résultats de l’immobilier de bureau viennent d’abord s’inscrire dans une crise plus globale de l’immobilier depuis l’automne 2022. En cause : la hausse rapide et significative des taux d’intérêt, qui rendait l’accès des ménages à l’emprunt bancaire beaucoup plus difficile et coûteux. 

Les taux de vacance observés dans l’immobilier de bureau seraient aussi la résultante des mutations qui touchent le monde de l’entreprise depuis l’épidémie de COVID19, à commencer par l’essor du télétravail. Plus largement, ils viendraient signaler l'essoufflement d’un modèle économique surgi dans les années 1960 : la tertiarisation, ou société des services. Cet essoufflement serait d’abord démographique : avec le vieillissement de la population, la part des actifs diminue, et avec elle les besoins en bureaux. Or, malgré cette évolution prévisible, les promoteurs ont continué à construire et aménager des surfaces tertiaires, jusqu’à la surproduction. 

Désormais, c’est donc bien la transformation de ces mètres carrés vides qui mobilise les acteurs de la fabrique urbaine. D’autant que la crise de l’immobilier tertiaire va de pair avec une crise aigue du logement dans les zones les plus tendues, dont Paris et l’Ile-de-France. “Sachant que les 25-44 ans disposent en moyenne de 34 mètres carrés par personne dans leur logement, ces 2 millions de mètres carrés de friches pourraient loger près de 53 000 habitants à horizon 5 ans s’ils étaient transformés en logements”, peut-on lire par exemple dans le communiqué de presse publié en décembre 2024 par le CBF. Dans un dossier sur le sujet, midionze s’intéresse ainsi à la transformation, en projet ou achevée, de quatre bâtiments tertiaires. Dans un entretien avec Kinda Garman, directrice générale des Bureaux du coeur, le média des Ecofaubourgs souligne aussi que la crise du bureau pourrait offrir une réponse au mal-logement, en offrant un abri à ceux qui n’en ont pas…

Recyclage urbain : une nouvelle vie pour les bureaux vacants

Comment faire face à une crise de l’immobilier de bureau qui s’annonce durable ? Que faire des locaux vacants ? Zoom sur quatre projets de transformation en projet ou déjà livrés pour donner une seconde vie aux locaux d’activité ne trouvant plus preneur… 

Il y a 5 ans, l’épidémie de Covid 19 est venue accélérer une tendance de fond : la crise de l’immobilier de bureau, du fait de l’essor du télétravail et du « flex office ». Que faire des locaux vacants ? Pourquoi ne pas les transformer en logements ? Grâce à un contexte politique et réglementaire plus favorable, la « réversibilité » des bâtiments intéresse à nouveau acteurs publics et privés. Ses atouts ? Réduire les tensions sur le marché de l’immobilier face au manque et au mal-logement notamment en Île-de-France, répondre aux enjeux de sobriété foncière en limitant l’artificialisation des sols et limiter l’empreinte environnementale du bâti. Avec une gageure : la faisabilité technique et financière des opérations de transformation. Présentation de quelques réalisations concrètes et projets à venir de ce recyclage urbain, qui s’avère un véritable laboratoire d’innovations d’usages.

Les Cèdres : des logements collectifs récompensés par un prix international

Lauréate en 2021 du deuxième édition du Prix International de la Transformation de bureaux en logements, l'agence LA SODA et la maîtrise d’ouvrage Immocades ont été récompensées pour « les qualités exceptionnelles de ce projet tant d’un point de vue architectural que technique et environnemental, la qualité de l’insertion urbaine du projet et de son équilibre économique ». Située sur les hauteurs d’Issy-les-Moulineaux, l’opération a consisté en la réhabilitation, l’extension et la surélévation de l’existant pour permettre la création d’un nouveau bâtiment de 2000 m². Y sont déployés plusieurs types de logements (maison à patio, duplex, appartement classique), un parking souterrain et un jardin collectif accessible à l’ensemble des 14 habitations présentes sur la parcelle. « Et si nous préférons mettre l’accent sur la valorisation, il est pour autant clair que le projet a dû intégrer des contraintes fortes (espaces enterrés, faibles hauteurs sous plancher, des découvertes structurelles…) et les transformer en qualités », précisent les architectes dans leur communiqué. Le prix, créé en 2018 par la Maison de l’architecture Ile-de-France et Paris-Ile de France Capitale Économique, ambitionne de valoriser « de vraies opportunités pour les tandems maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre qui partent parfois d’un bâtiment démodé, désuet pour en faire une perle architecturale, dans laquelle il fait bon vivre. »

Transformer l'ancien siège historique de l'AP-HP en premier "immeuble à mission” de Paris

Autre projet dont la livraison prévisionnelle est fixée à l’horizon 2029 : la reconversion du siège de l’AP-HP en un quartier mixte, renommé « Hospitalités Citoyennes ». Ce vaste programme est porté par BNP Paribas Real Estate, avec Apsys et RATP Solutions Ville, aux côtés des architectes Dominique Perrault Architecture, h2o, Martinez Barat Lafore et Nicolas Dorval-Bory et du paysagiste Atelier Roberta. Cette équipe a été lauréate en juin 2022 de l’appel projets de la 3e édition de « Réinventer Paris » sur le thème de la transformation de bureaux en logements. À ce jour, 9 sites ont été sélectionnés, dont le siège de l’APHP qui s’étend sur près de 27 000 m². 

Ce projet se veut innovant dans sa structure et ses usages : la moitié de l’espace sera dédiée à des espaces de bureaux, pour le reste à des logements sociaux, dont une résidence pour jeunes actifs et une maison d’accueil pour femmes en détresse. Le futur programme prévoit aussi des commerces, services et activités solidaires un cœur d’îlot ouvert et accessible depuis la rue et le parvis de l’Hôtel de Ville. Sur le volet environnemental, il a été conçu pour être compatible avec le plan local d’urbanisme bioclimatique de la Ville de Paris. Il vise la neutralité carbone et favorise le réemploi et le recyclage de matériaux. Il mise également sur 50% d’énergies renouvelables et de récupération et la création d’espaces naturels et végétalisés pour lutter contre les îlots de chaleur urbains. Enfin, une « Centrale des Mobilités » autour du vélo sera intégrée à l’ensemble pour contribuer au développement de l’usage des mobilités décarbonées. Avant le démarrage des travaux, « Hospitalités Citoyennes » devient temporairement un tiers-lieu solidaire, les « Arches Citoyennes ». 

« La Félicité » ou « l’immeuble-quartier »

Autre lauréat de l’édition de « Réinventer Paris » en 2016, le projet de transformation urbaine Morland Mixité Capitale a réhabilité l’ancien site administratif de la préfecture de Paris. Renommé « La Félicité » et inauguré en juin 2022, le site pensé et conçu par David Chipperfield Architects et CALQ Architecture, se veut un « immeuble-quartier » intégrant plus de 11 usages ouverts aux Parisiens et visiteurs  : des bureaux et des logements dont 40 % en logement social, des commerces, un hôtel 5 étoiles, un restaurant, une crèche, une galerie d’art, une auberge de jeunesse, un centre de fitness et une piscine, des terrasses végétalisées, de l’agriculture urbaine et une rue intérieure accueillant un marché alimentaire et des commerces. Au total, ce sont 5 000 personnes qui arpentent quotidiennement le lieu. Pour Jean-Philippe Le Bœuf, président de CALQ , l’enjeu était d’« amener de la vie au ras du sol, avec des commerces et un marché [...], offrir un lieu de destination avec l’hôtel et le restaurant, dans les étages supérieurs, en gardant à l'esprit le respect de l'architecture d'origine. » Pour respecter la doctrine de réhabilitation, le recyclage de l’existant a été privilégié. Des pierres ont notamment été reprises dans la carrière de Buffon, en Bourgogne, d’où provenaient les pierres d’origine. Les démolitions n’ont concerné que les rez-de-chaussée et les parties reconstruites sur les quais Henri IV. Côté impact environnemental, une « boucle énergétique » évite l’émission de 64 kg CO2 eq/m² sur 50 ans notamment grâce à un circuit d’eau relié à trois pompes à chaleur qui permet de récupérer la chaleur dégagée par les bureaux pour alimenter l’hôtel en eau chaude sanitaire. De même, 70 m² de panneaux photovoltaïques ont été installés sur les toits. Ils génèrent l’énergie nécessaire aux services généraux du site. 

Des bureaux obsolètes en hébergements « prêt-à-louer »

À Rueil en Île-de-France, un projet dont la livraison est prévue au deuxième semestre 2026 a fait le choix du modèle de l’hébergement hôtelier « Build to Rent », ou « Prêt-à-louer » pour contourner le PLU qui n’autorisait pas la construction d’hébergements « traditionnels ». Sur près de 19 000m², l’immeuble proposera des hébergements pour des durées de location de 3 à 6 mois renouvelables, destinés principalement aux cadres et travailleurs en mobilité et aux étudiants. On y trouvera également des places de parking et des espaces communs : coworking, salle de sport, salle de cinéma, salle de jeu et restaurant ouvert aux habitants du quartier. « Ce type de projet répond à deux objectifs : la vacance de nombreux bureaux et des attentes de plus en plus fortes pour un confort d’usage dans l’habitat où l’on peut vivre, se divertir et travailler à proximité », souligne Romain Ferré, directeur de Promotion de Novaxia, maître d’ouvrage délégué qui a fait appel à l’agence d’architecture Bechu + Associés pour la maîtrise d’œuvre. « Nous optons pour la déconstruction plutôt que la restructuration car le surcoût est d’environ 20 % du fait de fortes contraintes techniques », assure Romain Ferré. Pour limiter l’empreinte environnementale, près de 20 % de la surface a été conservée (les parkings en sous-sol). Les matériaux de construction (mobilier et portes intérieures, câbles électriques et matériel sanitaire ) récupérés à dessein de fournir des centres de réemploi pour de futures opérations.

“Notre credo n’est pas le logement mais la création de lien social” : entretien avec Kinda Garman, directrice générale des Bureaux du Cœur

Mais pourquoi personne n’a-t-il eu cette idée plus tôt ? C’est la question qu’entendent souvent les Bureaux du Cœur lorsqu’ils expliquent l’objet de leur activité : mettre en lien associations et entreprises au service des personnes sans domicile. Selon le dernier rapport de la Fondation pour le Logement des défavorisés (ex Fondation Abbé Pierre), 350 000 personnes étaient sans domicile en France, en hébergement ou à la rue en 2024. La même année, neuf millions de mètres carrés de bureaux étaient totalement vacants. Les autres ne sont occupés en moyenne qu’un tiers du temps, et se trouvent vides la nuit et les week-ends. Dès lors, pourquoi ne pas favoriser leur occupation par celles et ceux qui en ont le plus besoin ? C’est de cette ambition qu’est née l’association Bureaux du Cœur en 2020. Entretien avec Kinda Garman, sa directrice générale. 

Comment s’est mise en œuvre l’idée des Bureaux du Cœur ? 

Tous les membres fondateurs des Bureaux du Cœur sont issus du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD) de Nantes, un mouvement patronal créé en 1938 pour moderniser les entreprises. Lorsque le fondateur de l’association, Pierre-Yves Loaëc a eu l’idée des Bureaux du Cœur, il a ainsi pu la confronter à la réalité économique, juridique, assurantielle avec d’autres entreprises et des associations d’aide aux personnes en grande précarité. Si elles ont toutes salué l’idée, l’une d’entre elles, Saint-Benoît Labre, s’est montrée particulièrement intéressée et a souhaité rapidement tester cette nouvelle forme d’accueil d’urgence.

Les idées directrices n’ont pas varié depuis ? 

Dès le début, en effet, les fondateurs ont formalisé quelques idées directrices. D’abord, les Bureaux du Cœur sont un intermédiaire entre des associations d’aide aux personnes en situation de précarité, ces personnes qui deviennent invités et les entreprises désireuses de les accueillir. Nous ne nous substituons pas aux associations, nous n’avons pas leur expertise sociale. Les Bureaux du Cœur créent et animent cette relation tripartite. Nous avons des délégations en région portées par des bénévoles, souvent eux-mêmes entrepreneurs sur leur territoire, à qui nos trois chargés de développement au siège donnent un cadre et des outils pour qu’ils mettent en œuvre des partenariats de manière autonome dans leur région. 

Les critères de choix des invités sont tout de même stricts… 

L’invité doit en effet être majeur, seul, au moins en cours de régularisation, sans addiction avérée ni traitement médical lourd, sans animaux domestiques et engagé dans un parcours de réinsertion. Ces critères sont stricts mais ils sont rassurants pour les entreprises. En échange, et sans aucune contrepartie financière, l’entreprise hôte met à disposition de l’invité un espace dédié avec un coin nuit, une armoire fermée à clé, un coin cuisine, des sanitaires et souvent, une douche. La durée maximale de la convention est fixée à trois mois renouvelables. Nous nous assurons que les entreprises hôtes soient alignées avec nos valeurs, qu’elles proposent cet accueil par humanisme et non pour leur communication ou leur rentabilité. Nous avons parfois mis fin à des accueils parce que la posture de l’entreprise était trop paternaliste à l’égard de l’invité. 

L’invité doit en effet être majeur, seul, au moins en cours de régularisation, sans addiction avérée ni traitement médical lourd, sans animaux domestiques et engagé dans un parcours de réinsertion. Ces critères sont stricts mais ils sont rassurants pour les entreprises.

Justement, quel est le profil des 265 organisations qui, depuis 2020, ont accueilli 645 invités ? 

Ce sont principalement des TPE et des PME mais nous avons aussi de grosses entreprises (Danone, Axa, le groupe Vinci…). Les enjeux concrets ne sont alors pas les mêmes : comment créer du lien social avec mille collaborateurs répartis sur six étages ? L’accueil est parfois compliqué par la curiosité des salariés, le risque que l’invité soit vu comme une « bête de foire ». Mais ça s’est toujours bien déroulé. L’invité a finalement quelques personnes référentes avec qui il créé du lien, par exemple les employés du PC Sécurité qui sont les rares à être présents aussi la nuit et les week-ends. Nous avons aussi eu des retours du prestataire de ménage de l’entreprise qui a proposé de s’occuper de la literie de l’invité et de la cantine qui, chaque midi, lui met une barquette de côté pour le dîner et des bocaux pour le week-end. Nous avons créé une idée qui se décline différemment selon chaque entreprise. Certaines ne font qu’accueillir un invité discret. D’autres s’impliquent davantage et font ainsi naître des histoires. Si l’idée des fondateurs était bonne, elle est devenue excellente parce que chacun se l’est appropriée à sa manière.  

Quels obstacles, notamment assurantiels, avez-vous dû surmonter ? 

Nous avons négocié avec plusieurs assureurs une clause « Bureaux du Cœur » par laquelle les assurances renoncent à faire un recours. Si un invité commet un dommage, l’entreprise est couverte mais son assurance ne peut pas se retourner contre l’invité, comme il en va pour un salarié – sauf, bien sûr, en cas de vandalisme ou de violence volontaire. Mais les assurances peuvent refuser cette clause. Un autre frein concerne les bailleurs, auprès de qui les entreprises doivent demander la permission de devenir hôtes. Le bailleur peut refuser, même s’il ne prend aucun risque, parce que cet usage n’est pas inscrit dans le bail. Il serait possible de contourner cette éventualité par une logique d’incitation, fiscale ou autre, inscrite dans la loi. Mais nous souhaitons privilégier l’envie des entreprises plutôt qu’un mécanisme d’incitation trop fort. 

nous souhaitons privilégier l’envie des entreprises plutôt qu’un mécanisme d’incitation trop fort. 

Comment est financée l’association ? 

Pour un quart de notre budget, par les cotisations des entreprises hôte, selon un montant libre et conscient. Une place d’invité coûte 1500€. Si toutes les entreprises donnaient ce montant, nous serions à l’équilibre. Le reste de notre budget est abondé par des fondations privées, comme la Fondation de France ou la Fondation la France s’engage. 

Envisagez-vous d’élargir les structures d’accueil aux bureaux inoccupés ? 

Notre credo n’est pas le logement mais la création de lien social. Nous avons d’ailleurs été mal perçus à l’origine par les associations historiques d’aide au logement parce que notre politique d’accueil n’est pas inconditionnelle et qu’elles voyaient notre idée comme une ubérisation du social. Mais aujourd’hui, nous avons fait nos preuves, il n’y a pas eu de dérives, nos référents bénévoles suivent de près chaque accueil, qui est encadré par une convention. On nous a donc questionné sur cet enjeu des bureaux inoccupés mais nous ne saurions pas faire. Nous travaillons sur des espaces sous-utilisés mais pas vacants. C’est d’ailleurs la clé de la réussite : grâce à ces espaces, on offre du confort à l’invité mais surtout du lien social qui se créé avec les collaborateurs, ce qui accélère son insertion. Certains salariés lui prêtent des vêtements ou le préparent pour un entretien d’embauche, relisent son CV… Ce lien lui redonne confiance en lui et en la société pour accélérer son insertion. Ce n’est possible que si l’invité croise d’autres personnes, à son arrivée en fin d’après-midi ou à son départ le matin. Ainsi se forme un écosystème sur qui il peut compter.