
2013 sera-t-elle l’annus horribilis de l’industrie automobile française ? De fait, l’année commence mal : à Aulnay, la grève longue et difficile dans laquelle se sont engagés les ouvriers de l’usine PSA n’est que l’un des volets du plan de restructuration initié par le constructeur automobile, et qui devrait se solder par la suppression de 8000 emplois. Rien de plus reluisant chez Renault, qui annonçait le mois dernier vouloir supprimer 7500 postes. Il faut dire que les ventes de voitures s’effondrent en Europe, et particulièrement en France : en 2012, le nombre d’immatriculations de véhicules neufs a baissé de près de 14%, et rien ne laisse penser que l’année 2013 sera plus florissante.
Chez les constructeurs automobiles, on évoque une crise conjoncturelle, liée à la crise tout court. Et si le mal était plus profond ? Et si l’industrie automobile était en train de vivre une mutation dont les principaux effets sont encore à venir ? Le secteur semble en effet s'affronter à une crise structurelle, dont les causes sont multiples. La première d’entre elles tient à la nature même d’un bien dont la longévité conduit à la surproduction. Par ailleurs, la hausse continue du prix du pétrole pèse de plus en plus lourd sur le budget transport des ménages, et rend moins désirable la possession d’un bien de plus en plus perçu comme une contrainte. Si la situation plaide en faveur de la voiture électrique, celle-ci reste chère et les infrastructures nécessaires à son usage sont encore peu développées, freinant son adoption.
Après des décennies de consommation ostentatoire, la voiture apparaît de moins en moins comme objet de distinction sociale et comme signe extérieur de richesse.
Enfin, et c’est peut-être là la cause principale de la crise du secteur automobile, l’avènement d’Internet et l’apparition sur la scène médiatique du changement climatique concourent à faire évoluer les mentalités. Après des décennies de consommation ostentatoire, la voiture apparaît de moins en moins comme objet de distinction sociale et comme signe extérieur de richesse. Désormais, on mesure surtout son intérêt aux services qu’elle rend. Une enquête du CREDOC publiée en 2012 sur la seconde vie des objets montre que chez les 18-24 ans, le taux de détention d’une automobile a baissé de 15% en 30 ans, alors qu’il augmentait de 30% chez les plus de 70 ans.
Si le consommateur moyen de quatre roues à moteur vieillit, c’est d’abord parce que les plus jeunes préfèrent vivre dans les centres urbains denses, où l’offre de transports en commun est abondante. Surtout, les villes voient se développer rapidement une offre inédite de transports publics individuels (TPI), dont Autolib est le parangon. Grâce à l’essor des technologies mobiles et des smart phones, elles accueillent aussi des services de mobilité de plus en plus performants et diversifiés. Aux sociétés d’autopartage « classiques » (dont le nombre a été multiplié par 4 entre 2005 et 2012 , selon une étude de Xerfi), viennent désormais s’ajouter celles qui proposent des solutions « peer to peer », de pair à pair. Zilok (qui vient de lever 1,5 millions d’euros pour développer son offre de location de voitures), Buzzcar ou Drivy (ex Voiturelib) facilitent ainsi la location de véhicules entre particuliers, sur le modèle de l’Américain Zipcar, pionnier du genre. Dans le même temps, se développe l’offre de taxis collectifs, notamment chez G7, qui a lancé Wecab en 2012 pour faciliter les courses vers les aéroports parisiens. Le covoiturage (3 millions d’utilisateurs en France selon l’ADEME) est lui aussi en passe de vivre sa mutation 2.0. De planifié, il devient dynamique ou « en temps réel », grâce à des sites comme Covivo.
On le voit : de plus en plus, la possession (contraignante et coûteuse) d’une voiture se voit substituer l’utilisation de services de transport. Si cette transition vers une économie dite fonctionnalité ne touche pas seulement le domaine de la mobilité, elle y est particulièrement marquée en raison de la nature du bien (il est plus facile de partager sa voiture que son frigo) mais aussi d’une conjoncture moins favorable à la possession d’un véhicule individuel.Jusqu’à présent, les constructeurs automobiles semblaient ignorer cette nouvelle donne, dont tout porte à croire qu’il s’agit d’une évolution de fond.
De plus en plus, la possession (contraignante et coûteuse) d’une voiture se voit substituer l’utilisation de services de transport.
Mais à la faveur de la crise, le secteur semble de plus en plus enclin à développer des stratégies d’adaptation. Ainsi, en mars 2010, PSA lançait Mu by Peugeot, service de location de voitures, mais aussi scooters, vélos électriques, véhicules utilitaires et accessoires. Autrement dit, une offre multimodale, centrée sur l’utilisateur, qui peut désormais réserver et payer son véhicule en quelques clics. Dans la même veine, Renault lançait en 2011 l’incubateur « mobilités connectées » avec Paris incubateurs pour « participer au développement d’un écosystème autour des services connectés et des TIC pour la mobilité ». L’intérêt du constructeur pour les TIC se traduit aussi par le lancement de R-Link, tablette intégrée et connectée.Ces mesures seront suffisantes pour endiguer la crise du secteur ? Il est encore trop tôt pour le dire. Elles témoignent en tout cas d’une prise de conscience que l’ère du tout-voiture est sans doute révolue…
Nicolas Soulier, Reconquérir les rues. Exemples à travers le monde, éditions ULMER, 2012, 288 pages.
La fréquence et la virulence des attaques dont il est la cible ne laisse aucun doute : le périurbain est en crise. Dans une époque qui multiplie les appels à la densité et à la mixité sociale, urbanistes et sociologues font de cet entre-deux géographique la cristallisation des maux auxquels s’affronte la ville contemporaine : « Il est fustigé au titre du gaspillage du sol, de la consommation d’énergie, de l’entre soi sécuritaire, mais aussi des valeurs qu’il est censé véhiculer, explique Vincent Kaufmann, sociologue et président du comité d’orientation du Forum vies mobiles, « transinstitut » créé en 2011 par la SNCF. Le périurbain est perçu comme un rêve de petit bourgeois, et souvent associé à un projet familial. C’est aussi cela qu’on attaque, non sans mépris. »Les 25 et 26 janvier prochains, un colloque et deux expositions à la Maison rouge entendent justement bousculer cette unanimité d’experts. Organisé par le Forum Vies mobiles, l’événement questionne les représentations du périurbain à l’aune de la mobilité, confronte mythes et pratiques et s’interroge sur les conditions de possibilité d’une « transition mobilitaire » durable. Si le thème du colloque a été déjà largement traité, sa perspective est assez neuve, comme le souligne Vincent Kaufmann : « conformément à l’ambition du forum, qui est d’hybrider les savoirs, nous cherchons à confronter artistes et chercheurs. Nous avons en effet constaté que nombre d’artistes s’étaient saisis de la question et proposaient sur le phénomène un regard décalé. Nous avons voulu verser leur point de vue au dossier. »
Ainsi, la 2e édition des rencontres internationales du Forum s’assortit d’une double exposition montée sous la houlette d’Irene Aristizabal, commissaire d’exposition d’origine colombienne et espagnole. La première, « Vertiges et mythes du périurbain », croise photographies réalisées par Solmaz Shahbazi dans les gated communities du Caire, compositions sonores de Justin Bennett ou encore dessins tout droit sortis de l’AVL Ville fondée par l’Atelier Van Lieshout à Rotterdam. D’un côté l’entre-soi pavillonnaire, de l’autre l’invention foutraque d’une autre manière de vivre dans les marges. Dans une seconde exposition, les travaux de Ferjeux van der Stigghel (voir photo) autour des « travellers, campements et bords de ville » questionnent les mutations de l’espace social dans une Europe en crise. Autant de propositions qui suggèrent que c’est peut-être là, dans ces espaces désignés sous les appellations diverses de grande banlieue ou de faubourg que se joue l’avenir des mobilités.C’est d’ailleurs tout l’enjeu la 2e édition des rencontres internationales du Forum que d’envisager la manière dont l’espace périurbain pourrait se muer en « territoire d’avenir ». Ainsi, le colloque réunit une vingtaine de chercheurs, parmi lesquels Jacques Levy, Eric Charmes ou Jean-Michel Roux, autour de cette question cruciale : « des mobilités durables dans le périurbain, est-ce possible ? » Selon Vincent Kaufmann, l’adaptation à la crise énergétique et climatique est en effet l’un des défis auxquels doit s’affronter la ville du vingt-et-unième siècle : « La transition mobilitaire est inévitable, explique-t-il. Il faut s’y préparer. L’enjeu est de transformer les mobilités périurbaines sans jeter le bébé avec l’eau du bain. »
"Le périurbain dans tous ses états" - Des artistes et des chercheurs explorent le périurbain
2 expositions - "Vertiges et mythes du périurbain" - "Travellers, campements et bords de ville"1 colloque international - "Des mobilités durables dans le périurbain, est-ce possible ?"
Les jeudi 24 et vendredi 25 janvier à la Maison Rouge - 10 boulevard de la Bastille 75012 Paris
« Ce projet n’est pas un éco-quartier mais plutôt un éco-pâté de maison », s’amuse à dire Jean-Marc Gancille, directeur du développement durable de l’entreprise Evolution, à propos de Darwin Ecosystème. Une façon pour ce maître d’ouvrage atypique de souligner l’originalité d’une opération très attendue. En décembre dernier, les premiers locataires des « Magasins Généraux de la Caserne Niel » situés sur les berges de la Garonne à Bordeaux ont pris leurs quartiers dans les espaces tout juste réhabilités. Sur 4 000m2 de bureaux, pas moins de 34 entreprises représentant près de 200 emplois, tous venus de « l’économie verte et créative » (acteurs du web, de la communication, de l’architecture et du design…) ont ainsi inauguré les lieux avant l’arrivée des prochains arrivants.
Sur 4 000m2 de bureaux, pas moins de 34 entreprises représentant près de 200 emplois, tous venus de « l’économie verte et créative ».
Au printemps, les premiers commerces devraient ouvrir ainsi que d’autres mètres carrés dédiés au tertiaire, dont 900m2 à une pépinière d’entreprises estampillées « Développement Durable ». Suivront, fin 2013 et en 2014, un espace bien-être, une crèche et un hôtel écolo. Derrière cette multitude d’acteurs, une agence de communication, Evolution, qui a souhaité montrer que les entreprises avaient un rôle à jouer pour faire « bouger les choses ». Pour Jean-Marc Gancille « Darwin évoque la notion d’adaptation. Cela fait écho à la situation actuelle face à l’urgence écologique et au devoir et à l’exigence de s’adapter au changement actuel ».
Ainsi, le projet Darwin se pense comme un « écosystème » même si selon Jean-Marc Gancille, « le mot est un peu galvaudé. Il implique toutefois une volonté d’interdépendance entre les différents acteurs économiques ». Justement, la coopération et la mutualisation entre les différents acteurs est l’un des éléments névralgiques du projet : « le projet Darwin porte en lui trois fondamentaux, explique le directeur du DD chez Evolution, dont la coopération économique et la mutualisation de espaces qui suggèrent de nouvelles façons de travailler et de stimuler la créativité et l’innovation. » Quant à la dimension écologique du bâtiment, elle est abordée à travers plusieurs points : la sobriété énergétique avec une consommation de 69 kWhep/m2/an, la réduction des déchets, la mobilité avec la mise en place d’un plan de déplacements interentreprises, la récupération des eaux fluviales, la qualité de l’air avec une attention particulière portée aux matériaux et la question alimentaire à travers une sélection pointue des futurs commerces et la réflexion autour d‘une ferme urbaine pour alimenter le site et le quartier en fruits et légumes produits sur place.
Darwin manifeste en effet l’ambition de jouer un rôle actif dans la vie du quartier grâce à des initiatives et événements orchestrés par une association autogérée, « Les darwiniens ».
Autre point fondamental : l’ancrage territorial. Darwin manifeste en effet l’ambition de jouer un rôle actif dans la vie du quartier grâce à des initiatives et événements orchestrés par une association autogérée, « Les darwiniens ». Cette structure devrait pallier l’une des principales difficultés auxquelles doivent faire face les porteurs du projet : réussir à créer des liens et mettre en place de réelles connections entre les différentes parties prenantes et s’ouvrir sur la vie de ce quartier en devenir. En effet, alors que les travaux du futur projet d’éco-quartier de la ZAC Bastide Niel n’ont pas encore commencé, Darwin fait figure de précurseur. Et Jean-Marc Gancille de conclure : « On est la partie visible et immergée du futur projet mais à terme, nous serons une petite goutte d’eau et nous occuperons seulement 1 ha sur la 34 ha du futur quartier ».
Il y a deux types de soutien : le soutien financier dans un premier temps avec une enveloppe de 700.000 € de subventions octroyées par l’Ademe, le Conseil Régional d’Aquitaine et les fonds FEDER. Cela représente moins de 6% de la totalité de l’investissement nécessaire d’un montant de 13 millions d’euros pour ce qui concerne les 5700 m2 de tertiaire et 1700m2 de commerces (les futurs espaces bien-être et l’hôtel ne rentrant pas dans ces montants). De plus, nous avons bénéficié d’un soutien politique venant notamment d’Alain Juppé et de Vincent Feltesse, Président de la Communauté urbaine de Bordeaux, qui nous ont permis d’acquérir le site pour 1, 3 millions au lieu de 1, 9 millions mais de l’avis de tous, ce prix était le prix juste au regard de l’état de vétusté des lieux et non un « cadeau » comme certains ont pu le dire. Cette décision a été votée en Conseil de communauté, il n’y a pas de polémique sur ce sujet.
Dans un premier temps, il a fallu prouver notre crédibilité et réussir à convaincre. Certains avaient du mal à croire des entrepreneurs venus du monde de la communication épris d’écologie…De plus, on est arrivé dans un contexte politique compliqué entre une Mairie UMP et une région PS, il fallait veiller que Darwin ne soit pas pris en otage et instrumentalisé. Enfin, comme tous les autres acteurs économiques, la crise économique nous fragilise du fait de l’incertitude et du manque de visibilité. Enfin, on aurait pu aller plus loin si les mentalités avaient été prêtes…
On est arrivé avec nos anciens meubles et on fait un peu au jour le jour. On se rend compte des premières difficultés et des ajustements sont nécessaires pour la mise en route : des problèmes d’acoustique, de circulation, des difficultés liées à cette coopération voulue. On a mis en place un outil pour communiquer en interne, l’association est créée, tout le monde se montre proactif, on est maintenant prêt à démarrer. Il était nécessaire de choisir les résidents de la Caserne Niel et de s’assurer de leur degré de maturité « RSE » (ndlr : Responsabilité Sociale des Entreprises) pour le bon déroulement de ce projet aux belles promesses !