
Comme je l’ai déjà expliqué, j’ai épousé en 1961 une psychologue qui m’a posé cette question : «pourquoi vous, les architectes, ne vous intéressez pas à l’humain ? » J’ai aussi rencontré un client qui voulait construire une zone résidentielle qui serait « bonne pour les gens » et je me suis rendu compte que je ne connaissais rien d’un tel sujet à l’époque, en 1962. Ces événements ont aiguillé mes recherches vers l’interaction des formes architecturales et des hommes.
En 1965, j’ai eu une bourse pour passer un an en Italie à étudier la façon dont les gens utilisaient l’espace public. Plus tard, en 1966, j’ai obtenu un poste de chercheur pour étudier toutes ces questions à l’Ecole d’architecture de Copenhague. C’est durant ces travaux de recherche que j’ai été amené à lire Jacobs pour la première fois, mais j’étais plongé dans le sujet depuis longtemps.
Le modernisme a fait table rase de toutes les traditions et de toutes les expériences antérieures concernant l’habitat humain. L’urbanisme était une nouveauté, la planification et l’architecture aussi. L’environnement construit était sensé fonctionner comme une « machine à habiter ». Les gens et la vie publique étaient complètement négligés.Les Modernistes n’avaient aucune idée de leur impact radical sur la qualité de vie. Dans l’un de mes livres, Life between buildings, j’écris : « si on avait demandé à groupe de professionnels de construire un environnement qui annule toute vie entre les immeubles, ils n’auraient pu le faire aussi efficacement que les Modernistes. »
Le nombre de voitures, leur vitesse et le gigantisme des infrastructures routières ont fait perdre aux gens toute notion d’échelle humaine. L’architecture à 60 km/h est devenue dominante, alors que les villes avaient été façonnées jusque là par une architecture à 5km/h.
Encore une fois, j’insiste sur l’idée que les villes doivent être regardées et planifiées à hauteur d’œil, et non depuis des avions. Les villes anciennes étaient toujours planifiées dans cet ordre : habitants, espace, constructions. Les Modernistes, eux, ont commencé par les constructions, puis l’espace, puis (éventuellement) la vie. Cette méthode de planification étouffe la vie urbaine.
Votre approche est fondée sur l’observation de villes anciennes, comme Venise. Est-il possible d’appréhender l’échelle humaine sans verser dans la nostalgie. En d’autres termes, peut-on être moderne sans être moderniste ?
Absolument. Il y en a beaucoup de très bons exemples contemporains, parmi lesquels les projets d’habitat de Ralph Erskine ou, plus récemment, BO01 à Malmo, en Suède.
Avec mon équipe, nous venons juste de terminer un nouveau livre : How to study Public Life (littéralement : comment étudier la vie publique). Nous y décrivons 50 ans de d’avancées dans l’art d’étudier la relation des hommes à l’espace et montrons comment ces recherches peuvent servir de base à la création de nouveaux quartiers ou à l’amélioration de l’existant. Aujourd’hui nous savons beaucoup de choses quant à l’influence du bâti sur les comportements et modes de vie. Quand Jane Jacobs protestait contre le Modernisme et le Motorisme en 1961, on ignorait tout de tels sujets. La connaissance que nous avons des villes à vivre a été acquise au gré de 50 ans de recherches, le plus souvent grâce à des observations systématiques. Notre prochain livre raconte tout cela.
Planifier la ville en fonction des usagers devrait être la stratégie principale pour créer des villes animées, attentives à la qualité de vie, à la sécurité, la durabilité et la santé. On aborde ces cinq thématiques si l’on s’occupe en toute priorité des habitants.
Comme je l’ai déjà mentionné dans Pour des villes à échelle humaine, les groupements humains étaient modelés traditionnellement sur le corps humain, sur nos mouvements et nos sens.
"Avec le Modernisme et le Motorisme, les planificateurs ont entièrement cessé de prendre en compte l’échelle humaine." Jan Gehl, urbaniste
Avec le Modernisme et le Motorisme, les planificateurs ont entièrement cessé de prendre en compte l’échelle humaine. La confusion des échelles a eu cours pendant de nombreuses années – tout est désormais plus grand et plus rapide, mais la taille de l’homme n’a pas changé pour autant. Quand nous partons en vacances, nous cherchons systématiquement des lieux accordés à l’échelle humaine.
Les villes agréables pour les piétons, où les gens vivent dans les rues et se voient face à face sont une très bonne stratégie. Jane Jacobs a écrit sur “les yeux sur la rue”. Selon moi, c’est toujours de cette manière qu’il faut procéder, autant que possible.
Dans toutes ces villes – et dans bien d’autres – nous avons utilisé les mêmes méthodes : un espace public – une approche de la vie publique. D’abord en étudiant les espaces en eux-mêmes, puis en déterminant quels usages les gens font de ces espaces et enfin, en faisant des recommandations pour améliorer ces espaces et encourager la vie urbaine. En ce moment, je suis en train de travailler avec la ville de Moscou en appliquant les mêmes méthodes, bien que les problèmes de circulation y soient particulièrement compliqués.
Dans Pour des villes à échelle humaine, je montre que depuis pendant 50 ans nous n’avons été régis que par deux modèles de planification : le modernisme et l’invasion routière (motorisme). De toute évidence, nous avons désormais un nouveau paradigme : la volonté de créer des villes agréables à vivre, animées, sûres, durables et saines.
"Densifier sans verser dans la grande hauteur demande plus de travail aux architectes, mais produit de meilleures villes. Pour moi, les tours sont une réponse architecturale paresseuse à la densité." Jan Gehl
Un changement qui va dans le sens d’un plus grand respect des citadins et de la biologie humaine est absolument nécessaire.
Il est tout à fait possible de créer une plus grande densité (et nous avons besoin d’une densité supérieure à celle de la plupart des zones récemment loties) sans pour autant construire des forêts de tours. Barcelone est plus dense que Manhattan. Densifier sans verser dans la grande hauteur demande plus de travail aux architectes, mais produit de meilleures villes. Pour moi, les tours sont une réponse architecturale paresseuse à la densité.
Jean Haëntjens, La ville frugale, un modèle pour préparer l'après-pétrole, éditions FYP, 144 pages.
Jean Haëntjens, La ville frugale, un modèle pour préparer l'après-pétrole, éditions FYP, 144 pages.
En décembre dernier, Cécile Duflot, ministre de l’Egalité des Territoires et du Logement annonçait officiellement le lancement du label national ÉcoQuartier avec l’ambition affichée de « permettre d’encourager, d’accompagner et de valoriser les projets d’aménagement et d’urbanisme durables. » Parmi les objectifs mis en avant : construire 500 000 logements par an, en proposant une offre variée et adaptée aux besoins.
Ce nouveau label s’inscrit dans une recherche d’exemplarité d’urbanisme durable initiée en 2008 dans le cadre du Grenelle de l’environnement et à la suite de deux appels à projets en 2009 (160 dossiers) et 2011 (394 dossiers). « Les deux appels à projets ont permis de rassembler la matière sur les projets existants et de faire la promotion des premières initiatives des collectivités qui travaillaient sur la ville durable mais il n’y avait pas de définition commune ni de projet commun » souligne Bruno Bessis, adjoint du chef de l’aménagement opérationnel durable, du cabinet du Ministère de l’Ecologie.
« Les deux appels à projets ont permis de rassembler la matière sur les projets existants et de faire la promotion des premières initiatives des collectivités qui travaillaient sur la ville durable mais il n’y avait pas de définition commune ni de projet commun » souligne Bruno Bessis, adjoint du chef de l’aménagement opérationnel durable, du cabinet du Ministère de l’Ecologie." Bruno Bessis, adjoint du chef de l’aménagement opérationnel durable, du cabinet du Ministère de l’Ecologie
Aujourd’hui, une définition se dégage : « il s’agit d’une opération qui propose de construire une ville mixte, en association avec les différentes parties prenantes et les habitants, dans un cadre de vie de qualité, tout en limitant son empreinte écologique », peut-on lire dans le dossier de presse. Les projets présentés en 2011 concernent plus de 200 000 logements. Aujourd’hui, les ÉcoQuartiers représentent 186 projets en phase opérationnelle, pour plus de 133 000 logements. Près de 66 000 de ces logements sont sociaux, soit 31 % du total. Dès 2009, un Club national ÉcoQuartier a été créé afin d’impulser une dynamique et de mettre en place un réseau pour favoriser les retours d’expérience.
Aujourd’hui, les ÉcoQuartiers représentent 186 projets en phase opérationnelle, pour plus de 133 000 logements. Près de 66 000 de ces logements sont sociaux, soit 31 % du total.
Ce sont actuellement 500 collectivités qui ont rejoint le Club national ÉcoQuartier. Mais Bruno Bessis veut aller plus loin : « pour atteindre les objectifs du Protocole de Nagoya (un Plan Biodiversité 2010-2020) et le « 3 x 20 » européen ( atteindre 20 % de production d’énergie à partir de ressources renouvelables, une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) et 20 % d’économies d’énergie en 2020), l’ambition doit aller au-delà des 500 collectivités et mettre en place un système de déploiement des enjeux de la ville durable au niveau national. »
Pour être labellisée ÉcoQuartier, la collectivité s’engage par la signature d’une charte qui formalise 20 engagements répartis en quatre catégories : mettre en œuvre un urbanisme autour d’un projet, améliorer le quotidien des habitants, dynamiser le territoire et répondre à l’urgence climatique et environnementale. Il faut par exemple lutter contre l’étalement urbain, mettre en œuvre les conditions de la mixité sociale et intergénérationnelle, valoriser le patrimoine local, développer les filières locales et les circuits courts, privilégier les mobilités douces et viser la sobriété énergétique… Ensuite, le projet est évalué via des objectifs qualitatifs pour lesquels la collectivité est invitée à justifier sa démarche et la façon dont ses objectifs s’intègrent à une politique territoriale globale. « Il n’y a pas forcément d’objectifs chiffrés, explique-t-on au cabinet du Ministère. Les indicateurs chiffrés demandés sont un système de cotations avec des étoiles. On a conscience que c’est loin d’être parfait mais c’est un premier pas pour pouvoir mesure la pertinence des écoquartiers ». Le projet rentre ensuite dans une phase opérationnel. Pour pouvoir être labélisé, le projet d’écoquartier doit avoir livré environ 30% des logements et 50% des espaces publics. Cette labellisation en fin de parcours permet à L’Etat de valider la pertinence des projets – une mesure « indispensable pour attirer les investisseurs et communiquer auprès des citoyens ».
Dès le discours officiel de Cécile Duflot lors du lancement du label le 14 décembre 2012, le danger inhérent à une labellisation est soulevé : celui d’un modèle urbain normatif et reproductible sans contextualisation. « La loi doit être une boîte à outils opérationnelle pour les collectivités, a ainsi affirmé la ministre. Il ne peut en aucun cas imposer une ville générique. » L’urbanisation n’est aujourd’hui plus aux « modèles urbains », et le gouvernement l’a bien compris et tente d’éviter cet écueil. De l’avis du Ministère, « le fondement du label est à l’inverse d’une norme, à aucun moment on ne dit comment créer un écoquartier. Ce qu’on dit, c’est que les 20 engagements permettent de se poser un certain nombre de questions et que les collectivités vont proposer des réponses en fonction de leur contexte. La labellisation doit apporter des garanties de qualité sur un socle d’exigences fondamentales».
"Comme toute démarche de normalisation, il existe un revers à la médaille : celui d'un certain nivellement des approches en laissant au final peu de place aux innovations et aspérités pourtant essentielles à la "biodiversité" des formes urbaines de la ville durable." Jean-Marc Gancille, directeur du développement durable chez Evolution
Cependant, comme le souligne Jean-Marc Gancille, directeur du développement durable chez Evolution à l’origine du projet Darwin-Ecosystème et qui a participé à ce titre au Club écoquartiers du Ministère : « Comme toute démarche de normalisation, il existe un revers à la médaille : celui d'un certain nivellement des approches en laissant au final peu de place aux innovations et aspérités pourtant essentielles à la "biodiversité" des formes urbaines de la ville durable ». Il rappelle aussi l’autre danger qui guette la labellisation, à savoir l’effet « marketing » : « l'obtention "à tout prix" du label EcoQuartier pourrait focaliser sur sa promotion des moyens qui auraient sans doute été plus utiles, voire essentiels, à l'un des parents pauvres de ces démarches : l'implication des habitants et l'accompagnement aux usages que suppose la promesse de performance environnementale. »
Pour le moment, aucun objectif minimal quant au nombre de projets labellisés n’est à l’ordre du jour. Les premiers labélisés feront partie des lauréats des deux appels à projets de 2009 et 2011 et bénéficieront d’un dispositif de labellisation accélérée. Une soixantaine de projets sont concernés. « Aujourd’hui, le service en charge du label n’est pas encore structuré pour lancer des centaines de projets labellisables, estime Bruno Bessis. La difficulté aujourd’hui, ce sont les moyens pour accompagner les collectivités. Car ce n’est pas en faisant dix écoquartiers par an que l’on réalisera la ville durable »
Manque de moyens pour accompagner la mesure, risque de surfer sur un « effet d’annonce » pour les collectivités et manque d’implication des habitants : cette labellisation très ambitieuse n’est donc pas exempte d’obstacles pour parvenir aux objectifs fixés et devenir un réel outil légitimant la pertinence des écoquartiers en France. Gageons que les premiers mois de sa mise en place lui permettront un rodage nécessaire.
Autrefois réservées aux zones forestières ou montagnardes (en région Rhône-Alpes par exemple), les constructions en bois connaissent un véritable boom sur tout le territoire français, au point qu’aujourd’hui plus d’une maison sur 10 construite en France est en bois. Ce renouveau semble faire écho à un besoin d’authenticité et une approche plus naturelle de l’habitat : « Il y a des modifications culturelles avec une prise en compte de plus en plus importante de la qualité et provenance des matériaux, observe Delphine Anton, responsable ressources du Comité National pour le Développement du Bois. Les gens aiment leurs forêts, aiment toucher du bois, c’est un matériau très affectif ».
A performance égale, le bois nécessite 2 fois moins d’énergie que le béton et 4 fois moins que l’acier pour sa production et sa transformation.
Cette tendance témoigne aussi d’une sensibilité accrue au développement durable : à performance égale, le bois nécessite 2 fois moins d’énergie que le béton et 4 fois moins que l’acier pour sa production et sa transformation. Si les maisons en bois ont longtemps représenté autours de 4% des constructions, leur part a atteint 6% en 2006 pour atteindre aujourd’hui plus de 11% ! Cette explosion sur les 10 dernières années, alors que l’Hexagone est la troisième superficie forestière d'Europe a bien évidemment amené les industriels à s’intéresser de près à ce matériau qui se révèle aussi attrayant sur le plan écologique qu’économique.
« On trouve maintenant énormément d’entreprises et d’usines françaises qui fabriquent sur mesure les modules préfabriqués, explique l’architecte landais Jonathan Cazaentre. Une diversification de l’offre doublée d’une volonté de séduire les clients, explique Tina Wik, architecte et professeur suédois spécialisée dans le bois : « les différentes périodes de crise immobilière, comme celle de 99, ont changé l’attitude des constructeurs. Ils ont dû apprendre à attirer les clients en s’adaptant à leurs requêtes ».
"Il y a une offre de plus en plus développée qui s’adapte à des budgets différents, s’enthousiaste Delphine Anton, on observe maintenant des projets de toutes les tailles, ce n’est plus un marché de niche." Delphine Anton, responsable ressources du Comité National pour le Développement du Bois
Avec 2 466 entreprises présentes sur le marché de la construction bois en France, employant 31 940 salariés, ce secteur a réalisé en 2011 un chiffre d’affaires total de 3,9 milliards d’euros. « Il y a une offre de plus en plus développée qui s’adapte à des budgets différents, s’enthousiaste Delphine Anton, on observe maintenant des projets de toutes les tailles, ce n’est plus un marché de niche. C’est moins exclusif que ça ne l’était il y a une vingtaine d’années ». L’architecture en bois est devenue un réel enjeu pour les investisseurs en matière d’immobilier.
Cette démocratisation du bois, autant dans les mentalités que dans les entreprises, a également été portée par les gouvernements européens. À commencer par la nouvelle loi Duflot, qui instaure les conditions de performance énergétique d’un bien locatif neuf et risque bien de porter plus encore les bâtiments en bois, réputés pour leur qualité d’isolation thermique. « Les contraintes règlementaires ont évolué, explique Delphine Anton, on commence à voir des logements collectifs en bois et les premiers immeubles français vont bientôt sortir de terre ». Les évolutions techniques permettent l’apparition de bâtiments utilisant des matériaux nouveaux. Comme les panneaux en bois massifs qui n’existent que depuis une dizaine d’années et permettent un type d’architecture très contemporaine, sortant un peu de l’imagerie des chalets.
"Les contraintes règlementaires ont évolué, explique Delphine Anton, on commence à voir des logements collectifs en bois et les premiers immeubles français vont bientôt sortir de terre." Delphine Anton
Fini le temps où la législation anti-incendie interdisait de construire des bâtiments en bois de plus de deux étages. Les nouvelles règlementations, mises à jour régulièrement au fur et à mesure des avancées techniques, ont levé certains freins qui ont permis de lancer de nouveaux projets en hauteur. Comme ce bâtiment de 8 étages, pionnier du genre, créé en Allemagne en 2009 à base de panneaux en bois massifs. Côté français la finalisation de 30 logements sociaux en bois construits par l’agence KOZ en plein 18ème arrondissement de Paris au mois de janvier, ou encore l’extension en bois du Centre Pompidou à Metz en 2010, sont la preuve que le bois a désormais sa place dans les projets d’envergure. Matériau léger par excellence, le bois est également la meilleure solution envisageable pour les surélévations sur des bâtiments pas forcément aptes à accueillir un surplus d’étages en béton.Et l’isolation acoustique ? Longtemps restée le parent pauvre de la construction bois, elle a connu récemment des progrès notables grâce au couplage avec d’autres matériaux. « On observe l’apparition des premiers bâtiments en mixité bois et béton, affirme Delphine Anton. Le béton étant un excellent isolant acoustique et le bois un excellent thermique, l’association de ces deux matériaux permet de créer des bâtiments avec un très bon confort en optimisant la qualité des uns et des autres».
Dans ces conditions, il n’y aurait pas lieu de craindre que la progression de cette filière émergente soit freinée par le lobby du béton : les architectes s’accordent à dire que ces deux matériaux ne sont pas utilisés de la même manière et sont donc rarement en concurrence sur les mêmes projets. « Même s’il y a des lobby très importants dans le bâtiment, comme celui du béton, conclut Tina Wik, c’est surtout la mentalité des gens et les habitudes de consommation qui sont déterminantes. »
Incitation au covoiturage, promotion du vélo (mise en place d'un stationnement et mise à disposition d'un local vélo proposant quelques outils et services…), encouragement à l'utilisation des transports publics (incitations financières) ou encore aménagements des horaires de travail… : pas moins de 80 mesures existent pour se lancer dans un PDE. « Il n’y a pas de définition précise pour un PDE, c’est plus une boîte à outils dans laquelle les responsables de programme en mobilité vont piocher », estime Ludovic Bu, conseiller en mobilité. L’ambition des PDE est claire : reléguer au second plan l’utilisation de la voiture individuelle qui ne cesse d’augmenter. En 2010, la France comptait 33,6 millions de voitures particulières, soit 46% de plus qu'en 1990. Près de 72% de ces voitures sont utilisées tous les jours ou presque et près de 54% utilisées pour les trajets domicile-travail (chiffres : Ademe).
En 2010, la France comptait 33,6 millions de voitures particulières, soit 46% de plus qu'en 1990. Près de 72% de ces voitures sont utilisées tous les jours ou presque et près de 54% utilisées pour les trajets domicile-travail.
A Toulouse, entre étalement urbain et trafic saturé, une centaine d’entreprises ont entamé une démarche PDE/PDIE. Située dans une zone d’activité, la ZA « Baluffet », l’entreprise du Groupe Sanofi, Mérial, forte de ses 380 salariés, s’est rapprochée d’une dizaine de structures voisines, comptabilisant ainsi près de 3000 salariés, pour mettre en place des actions. « L’enjeu de créer un PDIE est de pouvoir avoir plus de poids auprès des différents acteurs de la région et réussir ainsi à peser sur les décisions mais aussi de mutualiser les moyens et de toucher une plus grande zone géographique pour le covoiturage», explique Dominique Garnier, Responsable Santé et Environnement de l’entreprise spécialisée dans les médicaments pour animaux et membre du comité de pilotage du PDIE qui a vu le jour en 2010.
Au sein de ce PDIE, un « Guide de la mobilité » a été lancé et des actions de sensibilisation sont menées, à l’image de l’événement "Allons-y à vélo" organisé pour « faire changer la culture du déplacement et inciter aux modes doux » explique Dominique Garnier. Avec près de 10% des salariés de l’entreprise qui utilisent les transports en commun, le vélo ou le covoiturage, l’objectif est d’atteindre 30 à 40 % de voyageurs « doux » d’ici 4 ans à l’échelle du PDIE.
"Le PDE ne marche que s’il s’inscrit dans une démarche de conduite du changement. Ces plans souffrent de la difficulté à faire changer les habitudes et les usages ainsi que d’une méconnaissance des réalités." Ludovic Bu, conseiller en mobilité
Principal écueil : faire changer les mentalités. « Le PDE ne marche que s’il s’inscrit dans une démarche de conduite du changement. Ces plans souffrent de la difficulté à faire changer les habitudes et les usages ainsi que d’une méconnaissance des réalités. C’est pour cela que l’information est fondamentale, ajoute Ludovic Bu. Il y a de nombreux a priori comme le vélo qui est dangereux en ville alors que les chiffres prouvent l’inverse : il y a moins d’accidents en ville qu’à la campagne ».
De même, une offre de déplacements en commun conséquente et adaptée aux besoins est nécessaire à la réussite d’un PDE. Chez Mérial, Christelle Gain, assistante de direction le dit : « Passer aux transports en commun multiplierait mon temps de déplacement domicile-travail par deux, c’est trop contraignant ». Les collectivités locales, élus et aménageurs ont de fait un rôle indispensable et sont par ailleurs tenus par un cadre réglementaire. Avec 34 % des émissions de gaz à effet de serre, les transports sont un secteur clé pour que la France tienne ses engagements européens de réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020.
Une réglementation nationale, la LAURE (loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie) de 1996 renforcée par la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) fait des PDE l’un des six volets des PDU (plan de déplacements urbains). Autres mesures incitatives : les plans de protection de l’atmosphère (PPA) qui définissent les objectifs permettant de ramener, entre autres pour les agglomérations de plus de 250 000 habitants les niveaux de concentrations en polluants dans l’atmosphère à un niveau inférieur aux valeurs limites.
"La question de l’environnement c’est la cerise sur la gâteau, elle permet de sensibiliser mais le véritable moteur de la mise en place d’un PDE, c’est la question économique ou la contrainte, quand l’entreprise ne peut plus faire autrement." Ludovic Bu
Reste que les moyens financiers des différents acteurs locaux ne sont pas toujours à la hauteur des attentes. A Toulouse, le PDIE de Baluffet attend une hausse des fréquences du bus qui dessert le site et l’installation d’une station-vélo, demande rejetée pour le moment car la fréquentation actuelle ne justifie pas sa mise en place.
L’objectif affiché par le PDIE « Baluffet » à Toulouse ? « Offrir une mobilité plus sûre, plus solidaire, économique et écologique ». Mais au-delà de la volonté d’inscrire l’entreprise dans une démarche environnementale forte, les retours d’expérience au niveau national révèlent le plus souvent une contrainte forte en préambule d’un plan : difficultés croissantes de circulation, manque de places de parkings, site congestionné par les véhicules, fin de la gratuité des parkings… Et comme le souligne Ludovic Bu : "La question de l’environnement c’est la cerise sur la gâteau, elle permet de sensibiliser mais le véritable moteur de la mise en place d’un PDE, c’est la question économique ou la contrainte, quand l’entreprise ne peut plus faire autrement."