
L'habitat inclusif, un nouvel idéal pour les seniors ?Dans un contexte de post-crise sanitaire qui a révélé le besoin de prendre soin des populations les plus fragilisées et à la faveur de l’aspiration des Français à vieillir chez eux, on constate ces dernières années l’essor de l’habitat dit inclusif ou partagé. Les récents scandales concernant les Ehpad, notamment après la sortie du livre Les fossoyeurs (Fayard, 2022) du journaliste Victor Castanet révélant des situations de maltraitance de personnes âgées, ont par ailleurs conforté le désir de pouvoir vieillir chez soi, quand les conditions sont réunies.
Ce désir est d’autant plus grand que le sentiment de solitude et d'isolement chez les personnes âgées est un enjeu social fort. Le «Baromètre 2025 solitude et isolement, quand on a plus de 60 ans en France» de l’association Les Petits Frères des pauvres publié le 30 septembre dernier le confirme : 2 millions de personnes âgées sont isolées, 750 000 vivent en situation dite de « mort sociale » (désigne une situation d’isolement extrême : des personnes âgées qui ne rencontrent quasiment jamais, ou très rarement, d’autres personnes), soit 4% des plus de 60 ans et 4,2 millions de personnes âgées éprouvent un sentiment de solitude.
Selon l’association Les Petits Frères des pauvres, 2 millions de personnes âgées en France sont isolées, 750 000 vivent en situation dite de « mort sociale ».
Ces chiffres alarmants sont à mettre en regard d'une autre donnée : la courbe démographique française. Avec 15 millions de personnes âgées de 60 ans et plus aujourd’hui, un Français sur quatre aura 65 ans ou plus à l’horizon 2040 (chiffres INSEE). 44 % des + de 75 ans vivent aujourd’hui à domicile. Quelles sont les alternatives quand arrivent les questions d’accès aux soins et de dépendance ou d’isolement sans passer par la case Ephad ?
Entre la question de la perte d’autonomie, de l’accès aux soins, du sentiment d’isolement très fort chez ces populations et le coût des logements, les enjeux autour de l’habitat des seniors sont multiples. À cet égard, le développement de nouvelles formes d’habitat porte une promesse forte : offrir au 3e et 4e âge un véritable chez soi et une vie sociale faite de moments partagés.
L’aspiration des seniors au « vivre-ensemble » a connu différentes déclinaisons. Parmi elles, le projet de résidence pour femmes âgées située à Montreuil en Seine-Saint-Denis, la maison des Babayagas, inaugurée en 2013 et réservée aux femmes de plus de 60 ans décidées à vieillir ensemble de façon autonome et solidaire ou encore les colocations intergénérationnelles entre jeunes à la recherche d’un logement et seniors désireux de compagnie et/ou d’un complément de revenu.
Le principe du logement inclusif ? Être chez soi dans son propre logement tout en partageant des espaces communs et un projet de vie sociale.
Pour répondre à la demande grandissante de vivre dans un environnement qui favorise le lien social et l’accompagnement, différentes formes d’habitat inclusif dans le parc privé ou social ont aussi émergé depuis quelques années. Elles sont portées par une multitude d’acteurs : des associations du secteur social ou médico-social, des mutuelles, des collectivités locales, des foncières solidaires, des bailleurs sociaux ou les habitants eux-mêmes. Le principe ? Être chez soi dans son propre logement tout en partageant des espaces communs et un projet de vie sociale. Pas de critères requis pour y habiter et la possibilité de bénéficier d’un accompagnement social ou d’une offre de services sanitaire, sociale ou médico-sociale individualisée pour l’aide et la surveillance en fonction de leurs choix et besoins.
Signe de son succès : en 2018, l’habitat inclusif s’est doté d’un encadrement législatif et juridique avec la promulgation d’une loi qui lui a donné une définition et la mise en place d’une nouvelle aide individuelle, l’aide à la vie partagée (AVP).
Créer de nouvelles solutions pour accompagner les seniors tout au long de leur parcours de vie, c’est aussi l’ambition des lieux de vie partagés portés par l'association Groupe SOS Seniors. « L’objectif est de co-construire, avec les seniors accompagnés, une vie collective avec une programmation de 3 à 5 activités par semaine. Cela va de la pratique de sport adapté à des cours d’anglais en passant par des sorties culturelles en lien avec des partenaires », explique Julie Chicaud, directrice des lieux de vie partagés au sein de l’association. Sur ce modèle, l’association Groupe SOS Seniors a déjà ouvert 5 lieux de vie dans des logements sociaux à Paris, Louveciennes, Valence et Epinal, souvent en pied d'immeuble, dans des locaux mis à disposition par des bailleurs sociaux. Son ambition : doubler ce chiffre d’ici quelques années pour répondre aux besoins.

Ce service entièrement gratuit, financé principalement avec l’AVP octroyée pour une durée de 7 ans, offre également aux bénéficiaires un accompagnement individuel, principalement pour un appui aux démarches administratives et une aide à l'usage du numérique. En moyenne, entre quinze et trente personnes fréquentent régulièrement ces espaces. “Au 5/5 dans le 13e arrondissement de Paris, nous sommes une petite dizaine à venir régulièrement. C’est un lieu vivant et chaleureux où les activités sont stimulantes. On ne se retrouve pas pour jouer aux cartes ! La semaine prochaine on démarre la réalisation d’un film avec un vrai metteur en scène”, s’amuse Reine, 76 ans qui fréquente chaque jour le lieu “surtout pour le lien social. Avant de venir ici, je passais des journées entières sans entendre le son de ma voix, j’étais un peu déprimée. Cela permet vraiment de sortir de l'isolement.”
« L’enjeu est de pouvoir répondre aux différentes trajectoires de l’habitat des seniors à l’échelle d’un territoire face au virage démographique actuel et à venir tout en conservant la proximité humaine indispensable à la réussite des projets. On le voit sur le terrain, l’isolement des personnes âgées est criant, et pas seulement dans le grand âge. » Julie Chicaud, directrice des lieux de vie partagés au sein de l’association Groupe SOS seniors
Il s’agit également pour l’association d’articuler les différentes solutions d’habitat en proximité pour construire de véritables parcours résidentiels, en faisant notamment des lieux de vie partagés des solutions complémentaires aux résidences autonomie, notamment en Ile-de-France où l’association gère 67 établissements. « L’enjeu est de pouvoir répondre aux différentes trajectoires de l’habitat des seniors à l’échelle d’un territoire face au virage démographique actuel et à venir tout en conservant la proximité humaine indispensable à la réussite des projets, analyse Julie Chicaud. On le voit sur le terrain, l’isolement des personnes âgées est criant, et pas seulement dans le grand âge. »
L’habitat inclusif vient s’inscrire dans le champ dit de l’habitat intermédiaire qui rassemble une grande diversité de solutions. « Situé entre le domicile traditionnel et les établissements pour personnes âgées ou en situation de handicap, l’habitat intermédiaire recouvre des solutions diverses telles que les résidences autonomie, les résidences services seniors, les habitats inclusifs, les habitats intergénérationnels ou l’accueil familial. Ces formes d’habitat combinent espaces privés, vie sociale et services, parfois tout ou partie mutualisés (services à domicile, prévention, animation), adaptés aux besoins de maintien de l’autonomie et à la lutte contre l’isolement », selon la définition de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Avec une gamme de tarifs variable en fonction du type de structure et du positionnement commercial : à partir de 500 euros environ pour un T1 en Résidences autonomie et entre 1000 et 1700 € pour les Résilience seniors. Pour l’habitat inclusif, les montants moyens des loyers sont de 470€ par habitant et par mois en 2024, toujours selon la CNSA. À cela s’ajoute le montant de l’aide dont ils sont bénéficiaires pour la mise en œuvre de leur projet de vie sociale et partagée, qui représente près de 6 200€ par an et par habitant.

D'après le Conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie qui émet des orientations stratégiques, 280 000 personnes bénéficient aujourd’hui de ce type d’habitat. Mais, au regard du vieillissement de la population et des aspirations des personnes en situation de handicap, le besoin est estimé à 500 000 logements en habitat intermédiaire d’ici 2050. « Le succès de ce déploiement réside notamment dans l’articulation avec les services médico-sociaux et d’aide à la personne présents et à venir sur le territoire et dans le bon maillage entre les différentes solutions d’habitat en réponse à un diagnostic territorial », souligne Karine Rollot, cheffe de projet Habitat intermédiaire à la CNSA.
280 000 personnes vivent aujourd’hui dans un logement intermédiaire pour personnes âgées.
Cette question territoriale se pose notamment dans les territoires ruraux et les petites villes. Dès 2021, la démarche « Bien vieillir dans les Petites villes de demain » a été lancée par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) avec l’objectif de soutenir les stratégies de revitalisation des centres-villes et des centre-bourgs de façon adaptée aux besoins et aux aspirations actuels et futurs des personnes en situation de handicap et/ou âgées. Depuis le lancement de l’Appel à manifestation d’intérêt doté de 1,5 m€ en octobre 2022, 116 projets localisés dans 65 départements ont été sélectionnés pour bénéficier d’un accompagnement.
Selon l’économiste Frédéric Bizard, président de l’Institut Santé dans un rapport publié le 18 septembre 2025, la « réalisation du virage domiciliaire - qui suppose de passer d’un ratio volume domicile/établissement 60/40 en 2024 à un ratio 75/25 en 2050 - générerait 12 milliards € d’économies d’ici à 2050. » A ce titre, améliorer la visibilité des différentes structures semble aujourd’hui un enjeu de taille pour accompagner au mieux les personnes âgées.
L’avis rendu par le Conseil d’Etat sur l’habitat partagé : Avis relatif aux questions juridiques soulevées par les différentes catégories d’habitats « partagés » - Conseil d'État
Véritable enjeu économique, écologique, social mais aussi éthique, le gaspillage alimentaire n’a pas aujourd’hui de définition officielle et peut englober des approches assez variables en fonction des organismes. Le plus généralement, les « pertes et gaspillages alimentaires » renvoient à la quantité de nourriture qui aurait pu être mangée par l’homme et qui est finalement jetée. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : en France, le gaspillage alimentaire représente un coût de 400 euros pour une famille de quatre personnes et un volume annuel, par habitant, de 20 à 30 kg de nourriture jetée. La FAO (Food and agriculture organisation) donne aussi quelques chiffres : selon elle, un tiers de la production alimentaire mondiale est perdu ou jeté, soit l’équivalent de 1, 3 milliards de tonnes chaque année, alors même qu’un milliard de personnes sont considérées comme mal nourries au niveau mondial.
Selon la FAO, un tiers de la production alimentaire mondiale est perdu ou jeté, soit l’équivalent de 1, 3 milliards de tonnes chaque année, alors même qu’un milliard de personnes sont considérées comme mal nourries au niveau mondial.
« La France ne fait pas figure d’exception : ses commerces alimentaires regorgent de 180 % de la quantité de nourriture dont sa population a vraiment besoin. On pourrait économiser 33% des aliments produits dans le monde, soit assez pour répondre aux besoins nutritionnels de 3 milliards d’humains supplémentaires », annonce Tristran Stuart, leader d’opinion anglais engagé dans le gaspillage alimentaire et qui signe la préface du livre de Bruno Lhoste La grande (sur-)bouffe. Pour en finir avec le gaspillage alimentaire, publié en 2012 aux éditions Rue de l’Echiquier. Dans son livre, l’auteur met en avant les pertes et gaspillages qui se déroulent à tous les stades de la chaine alimentaire : production, transport, stockage, transformation, distribution et consommation. « Le rôle de la grande distribution se déroule en amont et aval : elle a un impact très fort en tant qu’acheteur (en reportant les surplux sur les fournisseurs) et en tant que prescripteur à travers la publicité et les offres promotionnelles qui permettent de liquider les surstocks… sans parler des critères esthétiques pour les fruits et les légumes qui éliminent une grande partie de la production », explique Bruno Lhoste. Et la suppression en 2009 de normes européennes pour mettre fin au calibrage des fruits et des légumes n’a pas vraiment changé la donne.
Chapeautée par l’ADEME, la Semaine Européenne de la Réduction des Déchets (SERD) organise cette année 2 888 actions partout en France. L’ambition affichée de cet événement est de sensibiliser le plus grand nombre à « la nécessité de réduire la quantité de déchets produite en France et de donner des clés pour agir au quotidien ». Au programme : collectes, animations, mises à disposition de bac à compost, stands d’informations et de documentations au niveau des collectivités, entreprises, écoles…L’Europe commence également à s’impliquer. Le Parlement européen a adopté une résolution le 19 janvier 2012 afin de réduire de moitié le gaspillage alimentaire d’ici 2025 et 2014 sera « l’Année Européenne de la lutte contre le gaspillage alimentaire. »
"Le rôle de la grande distribution se déroule en amont et aval : elle a un impact très fort en tant qu’acheteur (en reportant les surplux sur les fournisseurs) et en tant que prescripteur à travers la publicité et les offres promotionnelles qui permettent de liquider les surstocks… sans parler des critères esthétiques pour les fruits et les légumes qui éliminent une grande partie de la production." Bruno Hhoste, auteur de La grande (sur-)bouffe (éditions Rue de l'échiquier)
En France, le Grenelle de l’Environnement a abouti à une mesure réglementaire en vigueur depuis le 1er janvier 2012 (l'article 204 de la loi Grenelle II). Désormais les "gros producteurs" (Industries agro-alimentaires, commerce et grande distribution, restauration, marchés,…) de biodéchets sont tenus de les faire traiter en vue de permettre la valorisation de la matière de manière à limiter les émissions de gaz à effet de serre et à favoriser le retour au sol.Pour participer à l’objectif de réduire de moitié le volume des déchets alimentaires d’ici à 2025, le ministère de l'Agriculture a relancé le sujet à travers « un pacte national contre le gaspillage » d'ici à juin 2013. En pratique, le programme annoncé se traduit par deux mesures principales : collecter les invendus au profit des plus démunis en généralisant aux 22 marchés d’intérêt national (Min) d’ici 2013 les premiers accords avec des associations caritatives et lancer cinq opérations pilotes en janvier (dans des collèges en Dordogne et un restaurant d’entreprises en Mayenne) pour réduire la part des déchets dans la restauration collective. Le ministre dédié à l’agroalimentaire Guillaume Garot souhaite également favoriser la vente à l’unité dans les rayons de la grande distribution. « Il s’agit pour le moment d’un effet d’annonce, on attend le plan. L’heure n’est plus à l’expérimentation et à quelques sites pilotes. L’enjeu est tel qu’il nécessite un véritable changement d’échelle. Il manque une politique territoriale alimentaire en France », estime pour sa part l’auteur de La grande (sur)bouffe.Reste que le gâchis alimentaire ne pourra jamais être réduit à zéro. Tristran Stuart estime qu’il est acceptable de prévoir 130% de surplus dans la production pour éviter les impondérables (mauvaises récoltes, problèmes d’approvisionnements). De plus, une part inévitable de déchets est produite, de l’ordre de 50% selon une étude réalisée par la FNE : il s’agit ici des déchets non comestibles comme les carcasses ou les coquilles… Toutefois, un potentiel de réduction existe. Il passe notamment par ces trois leviers : un objectif central de « réduction » des déchets, de «réutilisation » notamment à travers des banques alimentaires et de « recyclage » avec entre autres l’alimentation animale, le compost, la méthanisation (méthode qui permet également de produire du gaz) pour tout ce qui ne peut pas être consommé…
" Il y a eu une perte du fil de l’origine de la nourriture. On a oublié que ce n’était pas n’importe quel produit manufacturé, et ce, surtout en milieu urbain." Bruno Lhoste
A travers les 6 R (Réduire, redistribuer, recycler mais aussi reconnaître, reconnecter et Réapprendre), Bruno Lhoste propose une lecture plus large du problème et dégage une explication davantage culturelle : « Il y a eu une perte du fil de l’origine de la nourriture. On a oublié que ce n’était pas n’importe quel produit manufacturé, et ce, surtout en milieu urbain. De plus, il n’y a plus le savoir-faire traditionnel que l’on apprenait auparavant dans la famille ou le milieu scolaire de la cuisine des restes. Il y a une composante culturelle énorme dans le gaspillage alimentaire ». Les Amap, l’engouement croissant pour les circuits courts qui mettent directement en lien le producteur et le consommateur (comme la Ruche qui dit Oui !) ouvrent la voie vers une relocalisation de l’économie et offrent la possibilité de reprendre contact avec un système de production alimentaire plus « durable » et moins standardisé. En toile de fond se dessine une problématique plus globale à l’échelle du territoire : Alors même que 75% de la population mondiale vivra en ville en 2050, la question de l’autonomie alimentaire et de l’approvisionnement des denrées devient cruciale et devrait inciter les différents acteurs à donner à la question alimentaire une dimension plus humaine.
La Corévolution désigne l'ensemble des pratiques collaboratives qui émergent à tous les niveaux de la société aujourd'hui. Dans un contexte de crises économique et écologique, les dynamiques de partage sont réinventées, portées par l'essor des technologies numériques et par le besoin de tisser du lien social. Ce phénomène est global et montre à quel point il est possible de "faire autrement" aujourd'hui. Face à ma morosité ambiante, la CoRévolution porte une multitude d'alternatives qui ouvrent de nouveaux possibles, pour peu qu'on veuille bien les voir.
Bien sûr, c'est la partie émergée de l'iceberg, une façon de partager, donner, troquer qui est facilitée par la diffusion d'une "mentalité 2.0" (en référence au Web 2.0 et aux échanges transversaux rendus possibles avec l'essor des blogs et des réseaux sociaux, etc.). Les logiques à l'œuvre dans la consommation collaborative sont très anciennes mais totalement renouvelées par le numérique et les échanges pair-à-pair (peer to peer). Désormais, un besoin donné (se déplacer) peut être satisfait par une multitude de possibilités, ce qui réinvente l'abondance et permet différents modes de consommation.
"Désormais, un besoin donné (se déplacer) peut être satisfait par une multitude de possibilités, ce qui réinvente l'abondance et permet différents modes de consommation." Anne-Sophie Novel, co-autrice de Vive la co-révolution
Nous avons identifié quatre piliers : la crise économique qui nous oblige à avoir plus fréquemment recours au "système D", la crise écologique qui fait que nous sommes "tous concernés", les révolutions arabes, érables et le mouvement des indignés qui font que nous sommes "tous mobilisés" et enfin le web qui nous permet d'être "tous connectés", en permanence reliés.
Les deux sont fortement liées : l'économie de fonctionnalité travaille les services là où la consommation collaborative favorise l'usage et l'accès sur la propriété. A terme, les entreprises verront leurs modèles modifiés par ces nouvelles façons d'aborder la consommation, les constructeurs automobiles feront probablement plus de location que de vente, ou seront en tout cas obligés de revoir leur conception de véhicules pour un usage plus partagé et fréquent qu'aujourd'hui (une voiture est à l'arrêt 92% du temps).
La force de ce mouvement est qu'il vient de la base, qu'il se construit sur une logique ascendante, par et pour les usagers. Cela est véritablement révolutionnaire. Nous sommes peut-être dans une "bulle" du collaboratif, de la co-création, de la co-construction et de l'économie du "co", mais une chose est sûre: les tendances actuelles sont pour certaines parties pour durer.
"La force de ce mouvement est qu'il vient de la base, qu'il se construit sur une logique ascendante, par et pour les usagers." Anne-Sophie Novel
Des fonds d'investissements misent sur les start-up de la consommation collaborative, la finance participative vient de se doter d'une association pour être mieux représentée en France, Ashoka vient de créer un lieu dédié à la co-construction, des forums tels convergences2015 réunissent de plus en plus de monde...
Certains services de consommation collaborative sont sympathiques mais n'ont pas les moyens d'assurer un modèle économique digne de ce nom. Certains acteurs voient d'un mauvais œil ces nouveaux services et font pression pour une réglementation juridique. Les logiques de co-construction demandent beaucoup de temps aussi, et chaque acteur doit aussi travailler sa propre posture pour être apte à véritablement collaborer.
Le pouvoir que reprennent les consommateurs sur leur consommation, le fait de sortir de l'hyperconsommation et de générer plus d'autonomie et de solidarité. Dans nos sociétés développées, ce retour de nouvelles dynamiques de partage fait du bien ! Après, cela est peut être "contraint" par la crise, mais ça reste enthousiasmant.
La consommation collaborative permet concrètement de mutualiser les usages, d'éviter que chacun possède des objets "dans son coin" alors qu'ils ne servent qu'occasionnellement. Partager ou louer ces objets permet de rendre service à d'autres pour la durée de leur usage. Le fait d'échanger des compétences ou des services permet aussi de (re)tisser des liens sociaux que nous avons souvent oubliés.
"La consommation collaborative permet concrètement de mutualiser les usages, d'éviter que chacun possède des objets "dans son coin" alors qu'ils ne servent qu'occasionnellement." Anne-Sophie Novel
Plutôt que de jeter des choses qui nous sont devenues inutiles, on dispose de possibilités plus nombreuses pour les donner ou les réutiliser différemment. En réalité, on entre ici dans le développement durable par les portes économiques et sociales. L'avantage est que cela sert de fait des aspects plus environnementaux, et ce alors qu'il reste encore beaucoup à faire en matière de sensibilisation au DD. La consommation collaborative est un coup de pouce formidable pour le DD. Pour la CoRévolution en général, les logiques de co-contruction ou de co-création ONG-Entreprises, ainsi que les modifications profondes du management sont autant d'éléments qui réinventent les façons de faire en portant des valeurs plus solidaires, plus conviviales, véritablement au service du vivre-ensemble.
Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot, Vive la corévolution. Pour une société collaborative, éditions Alternatives, collection Manifestô, 2012, 208 pages.
Pendant longtemps, la vision de la performance était dominée par les critères de performances financière pour l’actionnaire. Depuis 15-20 ans, cette dimension de la performance a connu une forte montée en puissance, avec par exemple comme conséquence les débats sur l'alignement des rémunérations des dirigeants sur l'intérêt des actionnaires. Par la suite, les performances financières ont été mises en lien avec des critères extra-financiers, ou E.S.G (Environnemental, social, de gouvernance). De nombreuses études ont été publiées sur les liens entre performances financières et ESG, mais les conclusions sont encore très ouvertes. En effet, création de valeur pour l'actionnaire et performances ESG ne vont pas forcément de pair. Cela est d'autant plus sensible en période de crise, alors que de nombreux dirigeants d’entreprise se demandent si les éléments E.S.G vont réellement permettre à leurs entreprises de se consolider.
"En période de crise, de nombreux dirigeants d’entreprise se demandent si les éléments E.S.G vont réellement permettre à leurs entreprises de se consolider." Nicolas Mottis, économiste
Il y a quatre cas assez simples. Le premier cas concerne la majorité des entreprises. Faire des économies d’énergie, adapter des attitudes éco-responsables permet de faire des économies : isolation du bâtiment, plan de mobilité, économie de papier, de matières premières…Ici, on fait des gains sur les deux tableaux.
Le deuxième cas concerne des entreprises qui sont concernées par une réglementation en place ou à venir. Le fait d’anticiper offre alors un avantage concurrentiel pour ses structures que ce soit auprès des clients pour un appel d’offre ou auprès des autorités…
Le troisième cas évoque les entreprises qui sont dans une situation contradictoire. Elles décident de faire des efforts mais savent déjà que cela va leur coûter de l’argent. Cette décision s’inscrit dans une approche, une vision à moyen terme. En période de crise, les critères E.S.G ne sont alors plus privilégiés.
Enfin, le quatrième cas met en avant des entreprises qui décident de travailler sur la RSE pour redéfinir leur façon de faire du business, elles choisissent la voie de l’innovation pour proposer de nouvelles façons de faire, de nouveaux usages, de repenser leur modèle. Cela concerne notamment les entreprises de l’économie de fonctionnalité (on ne vend plus un bien mais l’usage de ce bien). Ce quatrième cas n’est pas le plus répandu même si de grands groupes et des PME s’y intéressent depuis environ 5 ans, il se situe davantage dans sa phase de réflexion et d’exploration.
"En France comme en Europe, il y a tout d’abord un frein structurel, un frein mental à considérer que la RSE serait une sorte de lubie des dirigeants, un simple outil de communication." Nicolas Mottis
En France comme en Europe, il y a tout d’abord un frein structurel, un frein mental à considérer que la RSE serait une sorte de lubie des dirigeants, un simple outil de communication. Beaucoup estiment encore qu’elle est périphérique au métier, qu’elle est une contrainte alors qu’elle doit être au cœur de la stratégie d’une entreprise. L’autre frein est à mon sens conjecturel. Aujourd’hui, la préoccupation des entreprises c’est déjà de survivre, les dirigeants des PME sont assez stressés et voient la RSE comme quelque chose de secondaire.
Il y a beaucoup de choses intéressantes sur la question de l’efficacité énergétique pour différents acteurs (énergéticiens, distributeurs d’énergie, industries) avec notamment l’intégration de nouvelles sources d’énergies, l’optimisation des process, l’intégration dans les réseaux et le rôle des systèmes d’informations…
"L’urgence, c’est de redonner confiance aux entrepreneurs et dirigeants qui sont à l’heure actuelle en phase de report ou même d’annulation de leurs projets." Nicolas Mottis
Je pense qu’il s’agit d’une piste comme une autre mais qu’en période de crise, l’enjeu central, l’urgence, c’est de redonner confiance aux entrepreneurs et dirigeants qui sont à l’heure actuelle en phase de report ou même d’annulation de leurs projets. Le levier de l’innovation pour créer de nouveaux projets, de nouveaux services a un rôle à jouer mais à moyen terme car cela demande un investissement temps important et pas forcément d’argent.
Je pense que le gouvernement a un rôle clé à jouer et que la politique actuelle en fait déjà beaucoup même si on voudrait toujours que les autorités en fassent plus. Le gouvernement fait notamment des choses intéressantes sur la question de la rénovation thermique et son ambition de structurer les filières. Le rôle du gouvernement, son positionnement doit surtout être de proposer une vision longue et une stabilité dans ses orientations pour soutenir l’innovation qui a besoin de constance et d’équilibre…
C’était un des engagements de la campagne électorale : à l'horizon 2025, François Hollande veut réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité de 75% à 50%. Une ambition qui suppose d’augmenter la part des énergies renouvelables à 40% (environ 15% actuellement), mais semble difficilement tenable sans penser la sobriété énergétique des logements. Ainsi, lors de la Conférence Environnementale des 14 et 15 septembre dernier, un objectif ambitieux a été annoncé en matière de réhabilitation des logements: «doter chaque année, un million de logements neufs et rénovés d’une isolation thermique de qualité. »
Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement ont confié à Philippe Pelletier, avocat et ancien président du Plan Bâtiment Grenelle, entre janvier 2009 et juillet 2012, le pilotage et la mise en œuvre du nouveau plan de performance thermique des logements. Dans la lettre de mission, les deux ministères rappellent que l’enjeu n’est pas uniquement énergétique et environnemental mais qu’il s’agit ici d’une « exigence sociale» : « En luttant contre la précarité énergétique et en contenant la hausse des charges en chauffage, ce plan contribuera à améliorer le pouvoir d’achat des ménages tout en donnant un souffle nouveau au secteur de la construction ». Les enjeux annoncés : enrayer la hausse des dépenses d’énergie, limiter les émissions de gaz à effet de serre ou encore réhabiliter les logements insalubres…
Selon une étude de l’Insee, en France métropolitaine, 3,5 millions de ménages ont déclaré avoir souffert du froid dans leur logement au cours de l’hiver 2005.
Selon une étude de l’Insee, en France métropolitaine, 3,5 millions de ménages ont déclaré avoir souffert du froid dans leur logement au cours de l’hiver 2005. Les principales raisons invoquées sont relatives à l’état du logement : une mauvaise isolation (41 % des ménages interrogés), une installation de chauffage insuffisante (33 % des situations) et une panne (ponctuelle, récurrente ou pérenne) de l’installation (18 % des cas). Par ailleurs, dans plus d’un cas sur cinq, les ménages limitent leur consommation de chauffage en raison de son coût. Selon l’Ademe, les 20 % de ménages les plus pauvres consacrent à l’énergie une part de budget 2,5 fois plus élevée que les 20 % les plus riches… Des tarifs sociaux et des aides diverses existent, dans le cadre notamment du service public de l'électricité et du gaz, mais les chiffres de cette précarité suscitent l’interrogation sur leur performance. Jugée insuffisante pour beaucoup d’acteurs, la tarification progressive du gaz, de l'eau et de l'électricité devrait bientôt voir le jour (le texte sera présenté au Parlement d'ici fin octobre ou début novembre). Une nouvelle mesure attendue alors même que l’augmentation du prix de l’électricité a été annoncée en juillet dernier dans un rapport du Sénat se basant sur projections de la Commission de régulation de l'énergie (CRE): la facture moyenne d'électricité d'un ménage français va s'alourdir de 50 % d'ici à 2020 compte tenu des investissements élevés du renouvelable et ceux du nucléaire.
En juillet 2012, l’Observatoire Permanent de l’amélioration Energétique du logement (OPEN), financé par l’ADEME, a publié les résultats de son étude annuelle sur la rénovation thermique dans l’habitat portant sur l’année 2010. Si le marché de l’entretien-amélioration des logements est en baisse en 2010, les travaux portant sur l’amélioration de la performance énergétique sont les seuls à progresser. Les ménages deviennent de plus en plus vigilants sur le plan de la qualité et choisissent des solutions techniques toujours plus performantes.
Le marché de la rénovation du logement se structure autour de 3 axes : l’amélioration du chauffage, l’isolation des ouvertures et l’isolation des parois opaques (toitures, façades).
Les chantiers portent en priorité sur l’isolation des ouvertures et des parois, ainsi que sur l’amélioration du chauffage. En 2010, 300 000 logements au total ont été rénovés au niveau thermique, ce qui représente plus d’un point de plus qu’en 2008. Le marché de la rénovation du logement se structure autour de 3 axes : l’amélioration du chauffage, l’isolation des ouvertures et l’isolation des parois opaques (toitures, façades).
Toutefois, ces chiffres ne nous renseignent pas sur le niveau de vie des habitants effectuant des travaux de rénovation. Les foyers les plus modestes ont-ils accès aux aides ? Le précédent gouvernement avait déjà lancé une mission sur la précarité énergétique orchestrée par Philippe Pelletier. Le rapport, rendu en janvier 2010 soulignait « une accessibilité différenciée des ménages en situation de précarité énergétique aux dispositifs de droit commun : L’éco-PTZ est en pratique peu accessible aux plus modestes du fait de la faiblesse de leur revenu, d’un profil emprunteur peu « sécurisant » pour les prêteurs, le Crédit d'impôt développement durable, s’il est accessible aux ménages non imposables, oblige à avancer les fonds pendant environ 18 mois, ce qui le rend en pratique inaccessible aux ménages les plus modestes qui n’ont pas la trésorerie nécessaire ou encore l'écosubvention de l'Anah, subvention accordée sous condition de ressources , permet de cibler des ménages modestes sans toutefois privilégier les ménages en situation de précarité énergétique »…
"La nécessaire transition énergétique ne peut réussir si elle exclut 15 à 20 % de la population !" Extrait d'un communiqué du CLER, réseau pour la transition énergétique
Un bref bilan ? L’inscription de la précarité énergétique dans la loi a été effectuée mais rien quant au « bouclier énergétique » dont il fut question… Dans un communiqué datant du 13 septembre dernier, le CLER, réseau pour la transition énergétique a déclaré : « La nécessaire transition énergétique ne peut réussir si elle exclut 15 à 20 % de la population ! Il est urgent de passer à la vitesse supérieure, non seulement en intervenant massivement sur le parc de logements pour le rendre plus performant, mais aussi en soutenant financièrement et en accompagnant les ménages modestes touchés de plein fouet par cette nouvelle expression de la précarité. »Ce nouveau plan de route sera-t-il plus abouti ? Philippe Pelletier devra poursuivre son travail amorcé dans le cadre du Plan Bâtiment Grenelle, avec comme consigne d’intégrer davantage de personnalités issues du mouvement associatif et des syndicats professionnels. Le pilotage de cette ambition devra être décentralisé avec un rôle de premier plan donné aux collectivités territoriales. L'organisation et la feuille de route du "Plan Bâtiment 2012-2017" devraient être précisées début octobre.
Le temps a beau s’être excessivement rafraîchi, il y a tout de même pas mal de monde sur le parvis de la Gaîté lyrique. Sous l’auvent dressé en prévision d’une averse qui n’arrivera finalement pas, un maraîcher, un apiculteur, un éleveur de canards, un boulanger bio et (cerise sur le gâteau) un producteur de champagne, font déguster magret, pains aux olives ou pains d’épices à une clientèle où dominent les trentenaires, femmes surtout. Un homme, trentenaire également, passe de l’une à l’autre, explique, montre la marche à suivre en bon pédagogue. Il faut dire qu’il ne s’agit pas d’un marché ordinaire. Rien ne s’y vend spontanément, et les produits avec lesquels repartent les clients été commandés et prépayés sur Internet. Pour autant, il ne s’agit pas non plus d’une AMAP (voir notre article sur le sujet) : le consommateur y a choisi librement les victuailles (bio ou pas) qu’il souhaitait acquérir, n’est lié avec le producteur par aucun contrat de 6 mois ou 1 an et n’est pas non plus tenu de participer bénévolement la distribution. Il s’agit en somme d’un modèle inédit, ce qui ne l’empêche pas d’être en plein essor depuis sa création fin 2010 : celui de la Ruche qui dit oui ! Soit un genre de « start-up » (même si ses fondateurs récusent ce terme) où s’amalgament commerce direct et logique de réseau.
Chaque ruche est une entité autonome, créée à l’initiative d’un particulier qui sélectionne un ou plusieurs producteurs et offre à raison d’une fois par semaine ou d’une fois tous les 15 jours un espace d’accueil où seront distribués leurs produits. Collaboratif, le bon fonctionnement d’une ruche nécessite qu’une masse critique de consommateurs s’associent pour acquérir au prix de gros un stock de fruits, légumes, viande, etc. qu’un agriculteur aura mis en vente sur le site de la Ruche et viendra leur livrer. Faute d’atteindre ce nombre critique, la transaction capote. Si elle a lieu, La ruche qui dit oui ! prélève 10% du chiffre d’affaires généré. 10% supplémentaires reviennent à l’organisateur de la ruche.
Chaque ruche est une entité autonome, créée à l’initiative d’un particulier qui sélectionne un ou plusieurs producteurs et offre à raison d’une fois par semaine ou d’une fois tous les 15 jours un espace d’accueil où seront distribués leurs produits.
Souple et éthiquement satisfaisante pour les consommateurs, avantageuse pour les petits producteurs qui voient ainsi gonfler leurs marges, la formule rencontre un certain succès : depuis la mise en ligne du site en décembre 210, 523 ruches se sont créées ou se construisent en France.Soit environ 60 000 personnes.
Pour Guilhem Chéron, son fondateur, ce système de vente directe « cristallise plein de choses ». « Sa nouveauté, explique-t-il, tient à un modèle organisationnel qui articule innovation sociale et technologie de l’Internet. On marie le web avec l’agriculture, et ça, personne ne l’avait jamais fait. »
De fait, comme dans de nombreuses initiatives dites de consommation collaborative, Internet est au cœur du dispositif : c’est l’outil qui permet aux producteurs et consommateurs de raccourcir le circuit de distribution. C’est pourquoi sur les 12 salariés de la Ruche, 6 sont des développeurs. Mais le réseau des réseaux n’est pas seulement un moyen, un simple média. Il fournit aussi à la Ruche son cadre philosophique et organisationnel. Davantage façonné par l’ « idéologie du libre » que par l’écologie ou les utopies communautaires, Guilhem Chéron prône ainsi un système distribué, collaboratif et autonome : « On ne peut pas faire du local avec une intelligence nationale, explique-t-il. Le local s’invente lui-même et trouve ses propres solutions. C’est pourquoi nous intervenons le moins possible dans le fonctionnement des ruches. Chacune d’entre elles a une mélodie différente, et nous contentons de faire en sorte qu’il n’y ait pas de problèmes d’hygiène ni d’abus. C’est pour ça que ça marche ! »
"On marie le web avec l’agriculture, et ça, personne ne l’avait jamais fait." Guilhem Chéron, fondateur de La Ruche qui dit oui !
Chez les militants des circuits courts rompus à la formule des AMAP et des food coop, ce nouveau modèle de distribution fait pourtant grincer quelques dents. Ce qu’on reproche à la Ruche qui dit oui ? D’être une société commerciale (elle a la forme juridique d’une SAS), de ne pas imposer l’agriculture bio ni même l’agriculture locale (mais la forme du circuit court attire de fait les exploitations locales et de petite taille), de tourner le dos au bénévolat. Sur ce dernier point, Guilhem Chéron se défend : « les organisateurs de ruches travaillent, c’est donc normal qu’ils soient payés. Il faut donner aux gens les moyens de développer des projets, de gagner leur vie. »
Comme toutes les initiatives visant à rapprocher le producteur du consommateur et à favoriser les échanges locaux, la Ruche se voit aussi taxer de truc-de-bobos-qui-ont-les-moyens. Guilhem Chéron concède que les produits proposés ne sont pas spécialement bon marché et que les motivations des « abeilles » sont surtout d’ordre éthique. Mais « entre la PAC et la vente à perte, la perception qu'ont les consommateurs du prix des aliments est totalement distordue, rappelle-t-il. Notre marge est minimale, et les agriculteurs avec lesquels nous travaillons se contentent d’un SMIC. Dans ces conditions, les tarifs pratiqués dans les ruches sont les prix justes. »
En 1997, le navigateur Charles Moore découvrait un continent de plastique de plusieurs millions de km2 au large du Pacifique. Depuis, on sait que des « Garbage patchs » se sont aussi formés sous l’effet des courants marins dans le Pacifique sud, l’Atlantique et l’Océan Indien. Spectaculaires, vertigineuses, ces poubelles flottantes ont très largement frappé l’esprit du grand public, jusqu’à devenir l’emblème d’un système de production fondé sur le gaspillage et l’obsolescence.
D’où le parti-pris du Museum für Gestaltung (musée du design) à Zürich : en faire le point de départ d’une exposition didactique (et gratuite) sur les matières plastiques. Distribuée autour d’un vaste amas de bouteilles, vieux bidons, emballages, jouets, etc., dont certains n’auront servi que quelques minutes ou quelques secondes avant d’être jetés, celle-ci aborde son sujet via l’énorme quantité de déchets absorbés chaque année par les milieux marins – soit 6,4 millions de tonnes, dont 80% provient du continent. Non biodégradables, ces déchets tapissent le fond des océans ou flottent à la surface (pour 15% d’entre eux), et se décomposent en particules de plus en plus fines. Conséquence : quand ils ne les tuent pas, ils sont ingurgités par les animaux marins et entrent dans la chaîne alimentaire…Pour mieux donner la mesure du phénomène, le parcours de l’exposition dresse une sorte d’archéologie du présent : face aux vidéos, photographies, œuvres d’art et documents montrant la manière dont le plastique affecte la vie marine, sont exposés les objets les plus familiers. Certains sont tout au plus légèrement corrodés par le sel, d’autres se trouvent réduits à l’état de micro-éléments qu’on prendrait presque pour du sable. Cette volonté de coller au quotidien est la grande force du Plastic garbage project : elle montre que ce sont nos comportements quotidiens qui font des océans une vaste décharge…[media]491[/media]
Le second volet de l’exposition souligne davantage encore la causalité entre « garbage patchs » et modes de vie contemporains. Abordant le plastique comme un matériau (après tout, nous sommes au musée du design), il en explique la composition et les différents usages dans la vie quotidienne. Est ainsi rappelé que les polymères (autre nom du plastique) sont des rejetons du pétrole, et en sont énumérés les différentes formes, du polyéthylène au polyuréthane… Derrière l’opacité des noms et des formules chimiques, c’est tout notre quotidien qui s’égrène : bouteilles, emballages, textiles, CD et DVD, biberons, outils, etc. En Europe de l’Ouest en effet, 92 kilos de plastiques per capita sont consommés chaque année.Que faire pour que ces objets n’aboutissent en fin de vie dans les océans, avec les conséquences que l’on sait ? C’est tout l’enjeu de l’exposition. En regard de chaque usage, sont évoquées des alternatives : plastiques végétaux, recyclage, upcycling, downcycling, cradle to cradle... En attendant un changement à grande échelle des modes de production, le musée propose même aux visiteurs un espace de recyclage. Et pour inciter le plus grand nombre à un changement de comportement, le Plastic garbage project sera ensuite convoyé à Hambourg et Copenhague… par voie maritime, bien sûr !
« On devrait construire les villes à la campagne car l’air y est plus pur. » La formule, attribuée à Alphonse Allais, dresse une ligne de partage claire : à la ville, la pollution et le bruit, à la campagne l’image positive d’une vie simple et saine. Sauf que : à l’heure où près de la moitié de la population mondiale vit en milieu urbain (à l’horizon 2050, ce nombre atteindra près de 75%), la ville-centre secoue cette étiquette de pollueuse source de tous les vices anti-écolos et s’affiche de plus en plus comme un terrain d’expérimentations et d’innovations en matière de développement durable. Elle a ainsi vu apparaitre sur son sol de nombreuses initiatives plus ou moins balbutiantes: le mouvement des villes en transition, les Cittaslow (villes lentes), les écoquartiers… A telle enseigne qu’aujourd’hui, l'empreinte carbone d'un habitant de New York est trois fois inférieure à celle d'un Américain moyen d'après une étude de l'Institut International pour l'Environnement et le développement. Petite comparaison sur 5 postes clés entre la ville et la campagne…
D'après une étude de l'Insee (INSEE Première n°1357, juin 2011) : « Les habitants des pôles urbains émettent deux fois moins de CO2, grâce à un usage plus fréquent des transports en commun et de la marche à pied. Mais les emplois des grandes villes sont également occupés par des périurbains ou des habitants d’autres villes qui parcourent de plus grandes distances, le plus souvent en voiture. Leurs émissions moyennes sont nettement plus élevées. » A ce titre, il est important de prêter attention aux nuances de définitions entre la ville, la campagne et le périurbain…En effet, le périurbain est considéré comme l'ensemble des communes d'une aire urbaine à l'exclusion de son pôle urbain (définition de l’Insee). Cette notion permet d’établir une distinction entre ville-centre et espace périurbain : plus la ville tend vers la campagne et plus elle devient gourmande en transports...
Les habitants des pôles urbains émettent deux fois moins de CO2, grâce à un usage plus fréquent des transports en commun et de la marche à pied.
De cette façon, les temps de transport et la mobilité diffèrent en fonction du lieu d’habitation. Selon une autre enquête de l’Insee (Insee Première N° 1129 mars 2007), « les déplacements domicile-travail sont amplifiés par la périurbanisation : Les salariés domiciliés dans l'espace périurbain quittent généralement leur commune pour aller travailler : cette proportion dépasse 90 % dans les couronnes périurbaines des aires urbaines de moins de 50 000 habitants et dans les couronnes des pôles d'emploi de l'espace à dominante rurale. […]Toutefois, en raison d'une vitesse de circulation plus réduite dans les zones urbaines que dans le périurbain ou l'espace rural, les écarts de temps de trajet, sont plus faibles que ne le sont les écarts de distance. Ainsi, en heure pleine, la durée des trajets pour les salariés domiciliés dans l'espace rural est en moyenne inférieure à celle des résidants des pôles urbains (28 minutes contre 32 minutes). » Malgré l’étalement urbain, la ville est un secteur dense et compact, où les logements et activités sont concentrés et mieux desservis par des transports en commun et où vélos et véhicules en auto-partage contribuent à reléguer la voiture individuelle au second plan. A l’inverse, le schéma classique à la campagne est un habitat individuel diffus dans lequel l’habitant ne peut se déplacer sans sa voiture individuelle et doit parcourir des distances importantes pour aller travailler ou accéder à ses activités et services.
La gabegie énergétique liée au mode de vie pavillonnaire ne tient pas seulement à la question du transport, mais aussi au type d’habitat lui-même. Professeur américain d'économie urbaine à Harvard, Edward Glaeser a publié un essai intitulé Des villes et des hommes dans lequel il dévoile les multiples qualités et avantages qu’offre la ville. Parmi celles-ci, il souligne le fait « quel les villes ne sont pas néfastes pour l’environnement, bien au contraire ». Dans son chapitre « Quoi de plus écolo que le bitume », il justifie son point de vue en mettant en exergue le facteur de la densité: « Les villes densément peuplées proposent un mode de vie où l’on utilise moins la voiture et où les maisons sont plus petites donc plus faciles à chauffer et à rafraichir ».
"Les villes densément peuplées proposent un mode de vie où l’on utilise moins la voiture et où les maisons sont plus petites donc plus faciles à chauffer et à rafraichir." Edward Glaeser, professeur d'économie urbaine
De plus, la densité permet de limiter l’étalement urbain et ainsi contenir l'imperméabilisation des sols et la place du bitume… Aussi, la ville très dense permet de fortes économies énergétiques : transports en commun, possibilité de chauffage collectif, commerces à proximité. C’est une des raisons pour lesquels le modèle des écoquartiers séduit de plus en plus : il rassemble habitations, entreprises et commerces à proximité tout en repensant la mobilité.
En ville, la nature est présente partout, et à différentes échelles : dans l’habitat sur le balcon, la terrasse, le toit et le mur végétalisé, dans le quartier avec ses squares et jardins, dans la ville avec ses coulées vertes, dans les zones périurbaines soumises au « mitage » des espaces naturels, dans la région avec ses corridors biologiques qui assurent la continuité écologiques (Rapport du Conseil économique et social, La Nature dans la ville, 2007). La ville devient même un refuge pour les abeilles qui fuient les pesticides présents dans les campagnes agricoles et qui trouvent sur les balcons et terrasses une diversité des plantations non-traitées. Une capitale comme Paris compte près de 300 ruches. En 2009, La ville de Toulouse a lancé un recensement de la biodiversité. Résultat : 1 162 espèces recensées (dont près de 8% sont protégées) et 24 réservoirs de biodiversité identifiés.
A contrario, certaines campagnes sont des « déserts agroalimentaires » comme le définit Bernard Farinelli dans son essai L’avenir est à la campagne (2009. Ed. Sang de la Terre) et composées de champs d’agriculture intensive et industrielle où le volume de pesticides fait fuir abeilles et espèces en tout genre. Pour l’écologue Nathalie Machon, professeur au MNHN (Muséum National d’Histoire Naturelle), « la mosaïque des milieux urbains favorise la variété des espèces. Certaines poussent parfois dans les endroits les plus improbables : dans une fracture de bitume, à la jointure d’un immeuble ou dans des parterres entourant les arbres. Une étude a montré qu’à Halle, en Allemagne, la zone urbaine accueille près de 20 % d’espèces supplémentaires par rapport aux zones agricoles périphériques » (La recherche N°422, Sept 2008).
Même si jardiner quelques tomates et laitues semble plus facile à la campagne, l’engouement pour les jardins partagés qui se multiplient dans les centres villes donne l’occasion aux urbains de reprendre contact avec la terre et de cuisinier leurs productions maraichères… Aussi, le développement important des Amap, Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne (1600 en France) proposant des paniers de légumes de saison venant directement des producteurs révèlent que le citadin se préoccupe de la qualité de son alimentation et peut avoir accès à des produits sains. L’agriculture urbaine connaît quelques réalisations intéressantes mais qui demeurent confidentielles : jardins potagers inspirés des community gardens nord-américains, prototypes de fermes verticales high-tech promouvant la culture hors-sol…La ville n’est pour le moment pas en mesure de nourrir les quelques 3 milliards de citadins et va devoir s’affranchir de son statut de consommatrice pour devenir lieu de production.
Même si jardiner quelques tomates et laitues semble plus facile à la campagne, l’engouement pour les jardins partagés qui se multiplient dans les centres villes donne l’occasion aux urbains de reprendre contact avec la terre et de cuisinier leurs productions maraichères…
Et la campagne, est-elle plus propice à l’agriculture locale ? L’ouvrage de Bernard Farinelli évoque le travail d’Emmanuel Bailly, ingénieur en environnement et créateur de "l'Indice de Souveraineté Alimentaire®" (ISA), un indicateur permettant d’évaluer l’état de dépendance alimentaire d’un territoire : « Le Limousin couvre ses besoins en pommes de terre à 23,5%, en poulets à 13,23%, en œufs à 24,5 %». Preuve que l’autosuffisance alimentaire a perdu du terrain sous le coup, selon l’auteur, « du changement des mentalités des consommateurs et […]de l’urbanisation qui change la donne en matière de mœurs ». Toutefois, on ne peut exclure une agriculture de subsistance dans les potagers et vergers, nombreux en milieu rural et la réaffirmation d’une consommation « locavore » à travers le développement également manifeste des paniers et des ventes directs auprès de fermiers et producteurs locaux.
Quid de l’air ? Est-il vraiment plus pur à la campagne ? Quel est l’impact sanitaire des pesticides sur les agriculteurs et les habitants des campagnes ? Des études contradictoires sont publiées sur le sujet et il est difficile de trouver des chiffres précis qui mettent directement en cause les pesticides dans le développement de maladies et de cancers. Pour la Mutuelle sociale agricole (MSA), 42 maladies professionnelles dues aux produits phytosanitaires ont été reconnues depuis 2002 même si ses chiffres sont considérés comme édulcorés par certains médecins et associations. Des chercheurs de l'Inserm ont annoncé que chez les agriculteurs, l'exposition aux pesticides double le risque de survenue de la maladie de Parkinson. Un chiffre qui pose la question du rôle d’une contamination résiduelle de la population générale... Et pour l’amiante ? Interdit depuis 1997, il est présent dans de nombreux bâtiments agricoles sous forme de plaques ou de tôles (toitures, faux-plafonds, dalles…) ou contenu dans les plaques en fibro-ciment. Selon un article paru dans le Télégramme, « les plaques de fibro-ciment [ …]équipent les toits, voire les murs, de 85% des hangars agricoles en Bretagne. »
Quant à la ville, elle concentre des émissions néfastes pour la santé et l’environnement : dioxyde de carbone, particules fines, COV (composés organiques volatiles) qui entrainent le développement de maladies respiratoires. Et les chiffres le prouvent : selon des estimations américaines, un lien de corrélation peut être effectué entre le niveau de pollution atmosphérique et l'évolution de l'espérance de vie. Le gain de vie des habitants pourrait atteindre jusqu'à 10 mois entre une ville polluée et une ville « propre ». Autre étude qui corrobore ces chiffres : selon l’étude européenne «Aphekom », l’espérance de vie diminue avec la pollution automobile, elle est donc plus faible dans les grandes agglomérations que dans les petites villes et à la campagne. L’enquête révèle notamment que vivre près de routes très fréquentées augmente considérablement le taux de mortalité attribuable à la pollution atmosphérique. Dans le même temps, l’Ile de France est la région où la mortalité est la plus basse et la région où les hommes vivent le plus longtemps (77,3 ans), devant le quart sud-ouest de l’hexagone. L’Insee souligne cependant qu’il s’agit d’une exception (liée à la forte proportion de cadres et professions intellectuelles supérieures), car dans le reste de la France, les habitants du centre-ville décèdent plus jeunes que ceux des banlieues.
"Définissons la ville positive comme une ville dont la performance écologique est telle qu'elle répare l'environnement : production de ressources renouvelables, dépollution, création de biodiversité, production nette d'énergie renouvelable, amélioration de la santé et de la qualité de vie, stockage de carbone." Rodolphe Deborre, directeur associé de BeCitizen
A rebours de bien des idées reçues, la ville s’avère donc globalement plus écolo que la campagne et un terrain fertile pour des initiatives encourageantes. Selon Rodolphe Deborre, directeur associé de BeCitizen, société de conseil stratégique en développement durable qui a définit le concept de « ville positive », l’urbanisme pourrait même réparer l’environnement : « définissons la ville positive comme une ville dont la performance écologique est telle qu'elle répare l'environnement : production de ressources renouvelables, dépollution, création de biodiversité, production nette d'énergie renouvelable, amélioration de la santé et de la qualité de vie, stockage de carbone. » Une ville « régénératrice » d’environnement, l’ambition ultime de la cité ?