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La ruche qui dit oui ! : anatomie d'un circuit court

D’un côté, un exploitant agricole de petite taille et soucieux de qualité ; de l’autre, des consommateurs en quête d’éthique et de bons produits. Entre les deux, un site Internet qui permet d’organiser la distribution des produits en réseau. Dernier né de la nébuleuse des circuits courts de distribution, La Ruche qui dit oui ! marie habilement innovation sociale et technologie du web…

 

Le temps a beau s’être excessivement rafraîchi, il y a tout de même pas mal de monde sur le parvis de la Gaîté lyrique. Sous l’auvent dressé en prévision d’une averse qui n’arrivera finalement pas, un maraîcher, un apiculteur, un éleveur de canards, un boulanger bio et (cerise sur le gâteau) un producteur de champagne, font déguster magret, pains aux olives ou pains d’épices à une clientèle où dominent les trentenaires, femmes surtout. Un homme, trentenaire également, passe de l’une à l’autre, explique, montre la marche à suivre en bon pédagogue. Il faut dire qu’il ne s’agit pas d’un marché ordinaire. Rien ne s’y vend spontanément, et les produits avec lesquels repartent les clients été commandés et prépayés sur Internet. Pour autant, il ne s’agit pas non plus d’une AMAP (voir notre article sur le sujet) : le consommateur y a choisi librement les victuailles (bio ou pas) qu’il souhaitait acquérir, n’est lié avec le producteur par aucun contrat de 6 mois ou 1 an et n’est pas non plus tenu de participer bénévolement la distribution. Il s’agit en somme d’un modèle inédit, ce qui ne l’empêche pas d’être en plein essor depuis sa création fin 2010 : celui de la Ruche qui dit oui ! Soit un genre de « start-up » (même si ses fondateurs récusent ce terme) où s’amalgament commerce direct et logique de réseau.

Comment fonctionne une ruche ?

Chaque ruche est une entité autonome, créée à l’initiative d’un particulier qui sélectionne un ou plusieurs producteurs et offre à raison d’une fois par semaine ou d’une fois tous les 15 jours un espace d’accueil où seront distribués leurs produits. Collaboratif, le bon fonctionnement d’une ruche nécessite qu’une masse critique de consommateurs s’associent pour acquérir au prix de gros un stock de fruits, légumes, viande, etc. qu’un agriculteur aura mis en vente sur le site de la Ruche et viendra leur livrer. Faute d’atteindre ce nombre critique, la transaction capote. Si elle a lieu, La ruche qui dit oui ! prélève 10% du chiffre d’affaires généré. 10% supplémentaires reviennent à l’organisateur de la ruche.

Chaque ruche est une entité autonome, créée à l’initiative d’un particulier qui sélectionne un ou plusieurs producteurs et offre à raison d’une fois par semaine ou d’une fois tous les 15 jours un espace d’accueil où seront distribués leurs produits.

Souple et éthiquement satisfaisante pour les consommateurs, avantageuse pour les petits producteurs qui voient ainsi gonfler leurs marges, la formule rencontre un certain succès : depuis la mise en ligne du site en décembre 210, 523 ruches se sont créées ou se construisent en France.Soit environ 60 000 personnes.

Entre agir local et idéologie du libre

Pour Guilhem Chéron, son fondateur, ce système de vente directe « cristallise plein de choses ». « Sa nouveauté, explique-t-il, tient à un modèle organisationnel qui articule innovation sociale et technologie de l’Internet. On marie le web avec l’agriculture, et ça, personne ne l’avait jamais fait. »

De fait, comme dans de nombreuses initiatives dites de consommation collaborative, Internet est au cœur du dispositif : c’est l’outil qui permet aux producteurs et consommateurs de raccourcir le circuit de distribution. C’est pourquoi sur les 12 salariés de la Ruche, 6 sont des développeurs. Mais le réseau des réseaux n’est pas seulement un moyen, un simple média. Il fournit aussi à la Ruche son cadre philosophique et organisationnel. Davantage façonné par l’ « idéologie du libre » que par l’écologie ou les utopies communautaires, Guilhem Chéron prône ainsi un système distribué, collaboratif et autonome : « On ne peut pas faire du local avec une intelligence nationale, explique-t-il. Le local s’invente lui-même et trouve ses propres solutions. C’est pourquoi nous intervenons le moins possible dans le fonctionnement des ruches. Chacune d’entre elles a une mélodie différente, et nous contentons de faire en sorte qu’il n’y ait pas de problèmes d’hygiène ni d’abus. C’est pour ça que ça marche ! »

"On marie le web avec l’agriculture, et ça, personne ne l’avait jamais fait." Guilhem Chéron, fondateur de La Ruche qui dit oui !

Une formule pas si bon marché

Chez les militants des circuits courts rompus à la formule des AMAP et des food coop, ce nouveau modèle de distribution fait pourtant grincer quelques dents. Ce qu’on reproche à la Ruche qui dit oui ? D’être une société commerciale (elle a la forme juridique d’une SAS), de ne pas imposer l’agriculture bio ni même l’agriculture locale (mais la forme du circuit court attire de fait les exploitations locales et de petite taille), de tourner le dos au bénévolat. Sur ce dernier point, Guilhem Chéron se défend : « les organisateurs de ruches travaillent, c’est donc normal qu’ils soient payés. Il faut donner aux gens les moyens de développer des projets, de gagner leur vie. »

Comme toutes les initiatives visant à rapprocher le producteur du consommateur et à favoriser les échanges locaux, la Ruche se voit aussi taxer de truc-de-bobos-qui-ont-les-moyens. Guilhem Chéron concède que les produits proposés ne sont pas spécialement bon marché et que les motivations des « abeilles » sont surtout d’ordre éthique. Mais « entre la PAC et la vente à perte, la perception qu'ont les consommateurs du prix des aliments est totalement distordue, rappelle-t-il. Notre marge est minimale, et les agriculteurs avec lesquels nous travaillons se contentent d’un SMIC. Dans ces conditions, les tarifs pratiqués dans les ruches sont les prix justes. »

2012-09-20
Écrit par
Pierre Monsegur
Hugues Sibille, l'innovateur social
« Mon parcours professionnel se définit par la volonté d’être un professionnel engagé, un acteur de changement ».

Avec pas moins de 30 années en tant qu’acteur de l’économie sociale et solidaire, Hugues Sibille s’est affirmé comme un fervent promoteur de ce secteur, une figure incontournable qui croit volontiers à « l’humanisme économique ». Après s’être vu attribuer une place de choix à la Caisse des dépôts, il devient vice-président du Crédit Coopératif. Fin 2011, il a coécrit un livre d’entretiens édité par Rue de l’échiquier. L’occasion de présenter cet acteur de la finance alternative.

La création d’emplois, fil conducteur de sa carrière

Pépinières d’entreprises, emplois-jeunes, dispositifs locaux d’accompagnement, microcrédit personnel… : le parcours professionnel d’Hugues Sibille est jalonné par un investissement fort dans l’Economie Sociale et Solidaire (ESS). Sa définition de ce secteur mal connu, qui représente aujourd’hui moins de 10% du PIB ? « L’innovation sociale transforme les modes d’organisation, de production, de distribution en faisant de la coproduction, de l’ancrage territorial ». Sorti de Sciences Po en 1975, il n’a cessé de s’engager pour l’emploi pendant sa carrière. Après être passé par le cabinet « Syndex », structure d’expertise économique et comptable de la CFDT par « choix », il se rapproche Claude Neuschwander au sein du cabinet de management Ten, et développe une activité de consultance et d’ingénierie de développement local. Grâce à cette expérience, il pose les jalons de son approche de la création d’emplois via le développement local. Ses premiers pas en politique font évoluer sa carrière. Il collabore avec Martine Aubry en 1997 avec comme principale mission de créer 350.000 emplois pour les jeunes dans les associations et 350.000 emplois dans le privé.

C’est ensuite un poste de délégué interministériel à l’innovation sociale et à l’économie sociale de juin 1988 à octobre 2001 qui conforte son assisse dans ce secteur. L’une des autres actions significatives «dont [il] est le plus fier » : la charte d’engagements réciproques, entre l’Etat et les associations signée en 2001. C’est à cette période qu’il a rejoint la Caisse des Dépôts et Consignations puisqu’il est nommé « directeur des petites entreprises et de l’économie sociale » avec comme objectif principal la création d’emplois. Il part ensuite dans le secteur bancaire en devenant Directeur général délégué du Crédit Coopératif en 2005, et en devient Vice-Président en 2010. Il préside également l’Avise, Agence de valorisation des initiatives socio-économiques, qu’il a créée. Son rôle : accroitre le nombre et la performance des entreprises d’ESS, créatrices d’emplois et d’activités nouvelles.

Les combats d’Hugues Sibille pour l’ESS

Le Dispositif Local d’Accompagnement (DLA) ou l’Avise sont autant d’outils créés par Hugues Sibille pour favoriser l’émergence d’un entrepreneuriat social et ainsi encourager la « biodiversité économique ». « L’économie sociale n’a pas gagné la bataille des idées. Les économistes ne la prennent pas au sérieux. Ses think thank sont faibles ou inexistants », déplore Hugues Sibille dans son livre d’entretiens. « Il faut […] montrer qu’il doit exister une biodiversité entrepreneuriale et financière incluant une forte dose d’économie sociale ». Et d’ajouter : « L’économie de marché ne me pose pas de problème mais je considère qu’il faut en limiter la sphère ».

Ainsi, une gouvernance plus participative est l’un des défis majeurs de l’ESS. Selon la définition de l’Avise : « Les entreprises sociales partagent une même ambition : mettre leur projet entrepreneurial au service de l’Homme. Elles combinent ainsi leur projet économique avec une finalité sociale et/ou une gouvernance participative.» Promoteur du « une personne, une voix », l’homme opte pour une vision participative et citoyenne de l’économie : «L’économie sociale doit se donner pour objet d’inventer les gouvernances les plus participatives, les plus ouvertes et démocratiques, les plus transparentes. Je souhaite mettre la démocratie coopérative sous tension via « un activisme des sociétaires ».

Autre enjeu : l’internationalisation. Selon lui, l’ESS doit « contribuer à un déploiement de nouveaux modèles de développement à une échelle européenne ». Et le militant de déclarer : « Face à la crise, il appartient à l’économie sociale et solidaire de témoigner que d’autres voies sont possibles, que certaines utopies deviennent réalistes ».

2012-06-18
L'économie de l'usage, un nouveau paradigme pour le développement durable ?

L’économie de fonctionnalité signera-t-elle la fin de l'obsolescence programmée des objets ? Son développement remettra-t-il en question les valeurs de propriété si fortement ancrées dans nos sociétés ? Autant de questions cruciales à l’heure où le concept s’invite dans les débats autour du développement durable et se propage via Internet et les sites collaboratifs.Le point sur cette nouvelle économie de l'usage.

 

Des pionniers devenus cas d'école

Économie de fonctionnalité, économie de l'usage, derrière ces appellations encore peu connues se dessine une nouvelle logique économique qui émerge en marge des réflexions liées au développement durable. C’est Michelin qui ne vend plus des pneus mais le kilomètre parcouru, c’est Xerox qui facture ses photocopies à l’unité et non plus la vente de l’appareil, c'est Renaud-Nissan qui loue la batterie de son modèle de voiture électrique Leaf. C’est, enfin, le succès des vélos en libre-service et le développement de l'autopartage.

Le pouvoir de l'usage

Pour Eric Froment, conseiller auprès des entreprises au sein du cabinet Periculum Minimum, l’économie de fonctionnalité a pour elle de nombreux atouts : « La force du modèle ? C'est le pouvoir de l'usage. Par définition, la vente de l'usage du bien est moins chère que l'achat du bien lui-même : ça ouvre des potentialités pour des chefs d'entreprises pris en tenaille entre baisse du pouvoir d'achat de leurs clients et coûts de production élevés. Michelin illustre parfaitement cette logique : grâce à l’économie de fonctionnalité, le fabricant de pneus a très sensiblement augmenté sa marge. Pourtant, le client a vu ses coûts baisser de 36%, ses frais de gestion interne disparaître puisque pris en charge par Michelin, et ses coûts de carburant baisser de 11%. » L'exemple de la voiture est également probant. Quand le coût annuel moyen d’un véhicule personnel est estimé à 5000 euros par an en moyenne, il devient intéressant de se rapprocher de modes de transport alternatifs, au premier rang desquels l'autopartage et le covoiturage. Dans un contexte de crise économique, l'argument prix s'affiche en effet comme un véritable levier d'incitation : « C’est le prix qui guide au départ la démarche, confie Eric Fromant. Les entreprises sont séduites par l'idée de stimuler les potentialités et d'envisager un nouveau modèle de croissance. On a constaté un intérêt grandissant pour ce modèle depuis septembre 2011. La crise de l'été dernier n'y est sans doute pas étrangère. »

Le bénéfice écolo

De même, ne pas disposer de véhicules permet d’encourager les modes transports doux (vélo, bus, ect.) et ainsi limiter les émissions de gaz à effet de serre. Dans l'ouvrage La troisième révolution industrielle, le penseur Jeremy Rifkin rapporte ces chiffres : « Une étude réalisée en Europe a constaté que l'autopartage permettrait des baisses d'émissions de CO2 allant jusqu’à 50% ». Pour Eric Fromant, la mise en place de ce type de logique dans une entreprise peut entraîner une réduction de 30 à 50 % de la consommation énergétique et de matières premières tout en réduisant le volume des déchets. Et pour cause : dans ce système, le propriétaire du bien a tout intérêt à offrir une durée de vie maximale à son produit pour retarder son remplacement. Et c’est là, une des principales révolutions permises par l'économie de fonctionnalité : la recherche par l’entreprise d’une plus grande durabilité, et ce pour des raisons de coût.

Repenser un système complet

En pratique, l'économie de fonctionnalité est aujourd'hui plutôt confidentielle au regard des quelques pratiques mises en place et concerne, pour les entreprises qui l'ont expérimentée, un seul produit ou un seul service. On est encore loin d'une véritable généralisation. « La principale difficulté pour la mise en place de ce système réside dans le fait qu'il ne s'agit en aucun cas d'un modèle « clé en main » que l'on pourrait reproduire dans toutes les situations », explique Gérald Gaglio, co-auteur de L'économie de la fonctionnalité, une voie vers le développement durable ? et membre fondateur depuis 2007 du Club de l'économie de fonctionnalité. «C'est une nouvelle logique qui va à l'encontre des procédés classiques et qui implique de sortir de plusieurs décennies de croissance fondée sur l'obsolescence. Avec cette approche, la création de valeur n'est plus adossée à la nouveauté mais à la durabilité. »  

La cession des droits de propriété

Pour favoriser l'économie de fonctionnalité, Internet a un double rôle à jouer. Tout d'abord, en tant qu'outil. Il est en effet une prise intéressante pour l'encourager. De nombreux sites de partage (comme ziloc.com ou monjoujou.com) se développent et mettent en exergue cette économie collaborative permise par Internet. Surtout, les valeurs portées par Internet sont en plein accord avec les fondamentaux de l’économie de fonctionnalité. Pour Jeremy Rifkin, Internet est l'un des piliers qui permettrait de connaître une troisième révolution industrielle – soit une économie post-carbone, distribuée et collaborative. Dans son ouvrage, il met en évidence le fait que le développement d'Internet modifie le rapport à la propriété. Les réseaux sociaux et les sites collaboratifs favorisent des valeurs basées sur la convivialité, l'échange de contenus, d’informations et de services. La génération Internet est en quête d’esprit de « communauté » et qui valorise l'Open source. Pour le sociologue Gérald Gaglio, le développement des sites collaboratifs « démontre que l'attrait pour la possession passe au second plan par rapport à l'usage et l'accessibilité à un bien. Cela bouleverse aussi le rôle que les biens ont traditionnellement joué dans l'image de soi. » Et si, à terme, posséder une belle voiture était moins un signe extérieur de réussite que d’avoir son abonnement Autolib ?

 

Sources

« L'économie de la fonctionnalité : une nouvelle voie vers un développement durable ? » Gérarld Gaglio, Jacques Lauriol et Christian du Tertre. Octarès Éditions, 2011.

« La troisième révolution industrielle. Comment le pouvoir latéral va transformer l'énergie, l'économie et le monde », Jeremy Rifkin, Les Liens qui Libèrent, 2011.

2012-03-22
Mon tracteur, je l'ai fabriqué moi-même !

C’est l’histoire d’un jeune ingénieur en chimie qui voulait retourner à la terre pour donner du sens à sa vie.

Mais une fois acquis sa ferme et son (coûteux) matériel agricole, Marcin Jakubowski a vite déchanté : saigné à blanc par l’achat d’un tracteur, il a découvert non seulement l’endettement, mais la piètre qualité des machines vendues sur le marché à un public captif. Alors, quand son tracteur est tombé en panne pour la énième fois, plutôt que d’emprunter toujours plus et de grever davantage encore la rentabilité de son exploitation, cet Américain trentenaire a misé sur le système-D : il a construit en 6 jours, et pour un budget plus que raisonnable, son propre tracteur.

La force du réseau

Et parce qu’il était fier d’avoir accompli une telle prouesse, il a souhaité la partager, et mis en ligne des tutoriaux permettant à tout un chacun de faire aussi bien que lui. Puis, il y a deux ans, Marcin Jakubowski a fondé Open Source ecology, réseau de fermiers, d’ingénieurs et de bricoleurs, plus une plateforme dédiée à la fabrication de machines agricoles low-cost et open source : le Global village construction set. Depuis, le réseau planche sur 40 prototypes (trayeuses, bulldozers, fours à pain…), et a déjà publié les schémas de fabrication et devis estimatifs de 8 d’entre eux. Selon les membres du collectif, construire une machine agricole open source est à peu près aussi simple que d’assembler des legos, et coûte 8 fois moins cher que du matériel classique...

Le principe du DIY ? Ensemble, tout devient moins cher

Marcin Jakubowski illustre bien les perspectives ouvertes à la société par le DIY (do-it-yourself). De fait, il se pourrait qu’une révolution industrielle soit en cours. Conduite par une poignée de bidouilleurs, elle est née dans le sillage d’Internet et du numérique. Sous le nom un peu compliqué d’open source hardware), elle mise sur l’innovation, l’intelligence collective, la collaboration et la diffusion libre via le web de chaque avancée technique. Dans leurs hacklabs, ou même leurs garages, ses zélateurs fabriquent à moindre coût des objets d’une complexité croissante : imprimantes 3D, systèmes d’arrosage « intelligents », et même voitures et avions. Leur modus operandi (ouvert, collaboratif) pourrait bien changer notre relation aux technologies, mais aussi nos usages des objets qui nous environnent. Jusqu’à présent, la technologie dressait dans l’esprit du tout venant l’image d’une firme industrielle déclinant en série sur des chaînes de montage des objets bardés de brevets. L’open source hardware propose de faire voler en éclat cette image : contre la spécialisation et l’obsolescence programmée des artefacts industriels, il imagine des objets aux coûts de fabrication allégés, à la diffusion la plus large possible, et que chacun peut fabriquer soi-même.

Une révolution par si récente

Cette « révolution DIY » (Do-it-yourself), au fond, n’est que le dernier volet d’une vieille bataille : celle qui n’en finit pas de se jouer entre industriels et tenants du « libre ». Dans les années 1980 et 1990, la ligne de front se situait autour du software (ie : le programme informatique). Pour schématiser, on avait d’un côté Microsoft, de l’autre les partisans du logiciel libre et de Linux. Quand les premiers fondaient leur empire sur la propriété intellectuelle et le copyright, les seconds n’ont cessé de défendre les 4 libertés de l’utilisateur de programmes (1. la liberté d'exécuter le programme 2. la liberté d'étudier le fonctionnement du programme et de l'adapter 3. la liberté de redistribuer des copies du programme 4. la liberté d'améliorer le programme et de distribuer ces améliorations au public, pour en faire profiter toute la communauté). On connaît l’issue de la bataille : Richard Stallman est peut-être le gourou des geeks, mais Bill Gates est milliardaire. Pour autant, dire que le logiciel propriétaire a gagné la guerre serait un peu simplificateur. La culture du libre a semé dans les esprits une graine qui n’en finit pas de germer : le développement des wikis et des Creative commons, le succès de Firefox, l’âpre bataille menée autour du téléchargement sont ses rejetons les plus fameux.Surtout, depuis une petite dizaine d’années, la ligne de front s’est déplacée du software vers le hardware – le matériel, l’objet technologique. L’enjeu est aussi simple que lourd de conséquences : il s’agit rien moins que de s’approprier les moyens de production. Encore faut-il que l’open source hardware déborde le cadre étroit des initiés. C’est tout l’enjeu de cette petite révolution...

2011-05-04
La pollution de l'air intérieur, un enjeu sanitaire

Le débat sur l'habitat de demain ne peut s'envisager sans prise en compte de la pollution de l'air intérieur. En effet, alors même que nous passons 80 % de notre temps dans des espaces clos, les moisissures, l'humidité et les émanations de produits chimiques sont présentes dans l’immense majorité des bâtiments. Le point sur cet enjeu écologique et de santé publique.

 

Selon certaines études, l'air intérieur serait plus nocif que la pollution extérieure. Peintures, solvants, cloisons, revêtements des sols, produits d'entretien, de bricolage… : les émanations toxiques proviennent aussi bien des matériaux de constructions, des meubles que de toutes sortes de produits utilisés pour les entretenir. De plus en plus, la question de la pollution intérieure s'installe dans le débat public. Au banc des accusés, ont trouve d’abord les COV (composés organiques volatiles), molécules chimiques issues de la famille des pétroles qui se présentent sous toutes les formes, vapeurs ou gaz parmi lesquels le méthane, le benzène, les dioxines, reconnaissables à leur odeur de neuf sur tous types d'objets et particulièrement mauvaises pour la santé. On pointe aussi du doigt l’humidité et les moisissures, dont la présence dans un logement augmenterait de 52% le risque de développer une maladie respiratoire. Autre conséquence de la pollution intérieure sur la santé : les allergies.

Une priorité affichée du Grenelle de l'Environnement

Parmi les sources de pollution intérieure, on trouve bien sûr les matériaux de construction. C'est à ce titre que la Fédération Française des Tuiles et des Briques (FFTB) a remis un livre blanc le 17 février dernier à l’Assemblée Nationale, afin d’alerter les pouvoirs publics sur les enjeux de la qualité de l’air intérieur. Comme l'a souligné Françoise Bas, de l'UNAF (Union Nationale des Associations familiales) dans ce même rapport : « les lois Grenelle 1 et 2 ont permis de mettre en œuvre bon nombre de mesures dans une volonté affichée de rupture, mais des marges de progrès demeurent, au regard particulièrement du volet social qui reste à renforcer. La prise en compte notamment des liens entre santé-environnement et habitat a été insuffisante ».

Pour autant, la lutte contre la pollution intérieure figure dans le Grenelle de l’environnement. Le 2e Plan national santé environnement (PNSE2) 2010-2014 en a fait l’une de ses priorités. Il prévoit un ensemble de mesures destinées à mieux connaître les sources de pollution à l’intérieur des bâtiments et à les limiter. À cet effet, l’Inéris (Institut national de l’environnement industriel et des risques) et le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) ont signé une convention de collaboration. Parmi les 12 mesures phares, la mise en place à partir de 2012 d’un étiquetage obligatoire des produits de construction et de décoration, la réduction de l’exposition aux substances préoccupantes dans les bâtiments accueillant des enfants, l’intervention de conseillers « habitat santé », etc. En 2011, une campagne de suivie de 20 000 enfants pour comprendre l'impact de l'environnement sur la santé et le développement devrait ainsi être lancée.

Évaluer la qualité de l'air : le nouvel enjeu

Des mesures somme tout tardives dans un contexte où « depuis les années 70, la politique d'économie d'énergie mise en œuvre a entraîné un confinement des bâtiments », selon les propos de Bertrand Delcambre , président du Centre scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) dans le livre blanc. Cette « bunkerisation » de l'habitat est toujours de mise, à en juger les projets actuels qui priorisent la réduction de la consommation énergétique et le renforcement de l'isolation. Toutefois, l'ambition de développement durable dans l'habitat se doit de dépasser les seuls critères énergétiques pour relever le défi de la santé. Autre enjeu : la mise en place d'un cadre d'évaluation pour mesurer concrètement les résultats. Comme le souligne Anne-Sophie Perrissin-Fabert, présidente de l'association HQE, «  la loi sur l'étiquetage ne dit rien du résultat. Il faut aller plus loin. Certes le Grenelle 2 prévoit d'effectuer des contrôles dans les établissements publics dès 2012 mais il faut globaliser cette démarche. C'est pourquoi nous réalisons actuellement une proposition de mesures pour les bâtiments neufs (label HQE Performance) pour cette même échéance. Deux problèmes toutefois : l'absence d'une filière d'évaluation de la qualité de l'air intérieur et le coût de cette montée en compétences. On est au tout début du processus ».

2011-04-06
Etat des lieux de la mode éthique

Derrière le terme d'éthique s’amasse pléthore de notions : commerce équitable, utilisation de coton biologique, recyclage des matières premières, fabrication éco-responsable. Une valse d'appellations qui peut brouiller le message pour les consommateurs...

Au travers de ces concepts, l'idée est de mettre à l'honneur savoir-faire traditionnel, éditions limitées et proximité avec des producteurs locaux. De plus en plus de griffes utilisent l'argument éthique, des labels apparaissent, des salons s'organisent mais ce nouveau marché réussit-il à s'imposer alors que près de 80% des vêtements sont confectionnés en Asie ? Le point sur la mode éthique.

Qu'est ce que la mode éthique ?

Dans sa boutique parisienne, Tamara Tung, créatrice de By Mutation réalise des collections de mode féminine en série limitée à partir des surplus de productions des griffes de luxe comme Agnès B ou Vuitton qu'elle récupère, dans un esprit très « Upcycling ». Aussi, elle fait confectionner ses vêtements à Paris, l'atelier de fabrication étant à quelques minutes de sa boutique. Du recyclage, une empreinte carbone quasi nulle... Sa démarche s'affiche résolument « écologique »: « Je ne voulais pas fabriquer plus en sachant qu'on peut valoriser des tissus de grande qualité destinés à être perdus. Personnellement, je n'aime pas le terme de mode éthique qui regroupe des notions assez différentes, entre l'utilisation de coton bio ou le fait de respecter les règles du commerce équitable. On s'y perd. Ma marque se positionne comme une griffe engagée, qui défend le Made in France», explique Tamara.

Alors, existe-il une définition claire de la mode éthique ? Si l'on en croit les critères mis en place pour sélectionner les créateurs lors de l'Ethical Fashion Show, premier salon international de la mode éthique, les pièces se doivent d'être produites dans des conditions respectueuses de l'homme (Respect des conditions des travailleurs conformément aux conventions de l'Organisation Internationale du Travail, ect), de minimiser l'impact environnemental des filières de fabrication et enfin de pérenniser les savoir-faire locaux. Depuis quelques années, les marques de mode éthique se multiplient : Baskets Veja, robes Les fées du Bengale ou Ekyog. Et le phénomène semble prendre de l'ampleur : l'Ehical Fashion show rassemblait 20 marques à ses débuts en 2004 pour arriver à près de 90 en 2010.  

Un secteur qui pâtit de plusieurs préjugés

Cependant, même si le nombre de créateurs mettant en place des critères sociaux et environnementaux augmente, les habitudes de consommation semblent avoir la dent dure en matière de mode. En effet, selon une étude de l'Institut Français de la Mode, seuls 28% des français déclarent avoir déjà acheté un vêtement bio ou équitable (soit 7% de plus qu'en 2007) et 37% la connaissant mais ne l'achètent pas (Source étude IFM 2009 « Mode et consommation responsable, regards des consommateurs»).

Pour Isabelle Quéhé, fondatrice du salon de la mode éthique, cela s'explique notamment par le réseau de distribution : « Même s'ils se développent, les points de vente sont encore parfois difficiles à trouver et ne sont pas toujours très “tendance”. La mode éthique pâtit encore trop de cette image “babacool” qui lui a été collée dans les années 1980. » Pourtant, de nombreux créateurs essaient d 'offrir des lignes plus en vogue à l'instar de Tamara, créatrice de By Mutation : « Je ne me reconnaissais pas dans les lignes de la mode éthique qu'on trouvait à l'époque, un peu limitée au niveau des coupes, des coloris et des imprimés ».

Autre frein : les tarifs. Pour autant, le prix d'une jupe chez Ekyog se situe dans la même fourchette que chez Sandro ou Le Comptoir des Cotonniers.

L'empreinte carbone, un coup de main pour le secteur?

L'arrivée de l’empreinte carbone des produits de grande consommation sur les étiquettes pourrait-elle modifier le comportement des consommateurs en matière de mode ? Dans le cadre du Grenelle 2, l’article 228 de la Loi indique qu’à partir du 1er juillet 2011, une expérimentation sera menée, pour une durée minimale d'une année, « afin d'informer progressivement le consommateur par tout procédé approprié du contenu en équivalent carbone des produits et de leur emballage, ainsi que de la consommation de ressources naturelles ou de l'impact sur les milieux naturels ».

Avec 18 entreprises pour le secteur textile et quelques dizaines de produits, ce geste pourrai faire figure de goutte d'eau dans l'océan. Le CLCV ( Consommation, Logement, Cadre de Vie), association de consommateurs a par ailleurs souligné «  le recul des députés qui ont repoussé au 1er juillet 20 11 le début de l’affichage du « contenu carbone » des produits de grande consommation et de leur impact sur les milieux naturels, et seulement à titre expérimental sur un nombre limité de produits. ». De plus, ne sont évoqués ici que les seuls aspects environnementaux. Comme le souligne la fondatrice de l'Ethical Fashion Show : « une fois de plus, on parle “environnement ». Le côté humain n’est pas mis en avant. Un produit peut avoir une empreinte carbone relativement basse, mais qu’en sera-t-il des conditions de travail sur la chaîne de fabrication? C’est bien sûr un aspect difficile à “étiqueter”, et pourtant, c’est tout aussi important. »

Du chemin reste donc à parcourir pour que les critères de la mode éthique deviennent les standards de la mode dans ce secteur. La mode durable est-elle une oxymore au regard du rythme des collections et des tendances qui s'enchainent?

2011-03-28
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