La ville à l’heure du changement.
A Venise, la biennale d'architecture mise sur l'adaptation

En sondant la manière dont diverses formes d’“intelligences” peuvent venir au chevet du climat, Carlo Ratti, commissaire général de la 19e Biennale d’architecture de Venise, signe une édition spectaculaire, mais pleine d’ambivalences…

Une Biennale d’architecture placée sous le signe de l’intelligence ? Vu la trajectoire de son commissaire Carlo Ratti, il n’y a là rien qui doive surprendre. L’ingénieur et architecte italien est en effet à la tête du MIT Senseable City Lab, dont le crédo est de développer et mettre en œuvre divers outils et applications numériques permettant aux citadins de mieux interagir avec leur environnement. 

Le thème de la 19e édition de la Biennale de Venise ne se réduit pas pour autant à mesurer l’apport de l’intelligence artificielle dans le pilotage et la gestion des villes. En accordant le terme au pluriel, il s’agit plus largement de voir comment trois approches différentes - la première fondée sur la nature, la deuxième sur les technologies, la troisième sur l’humain et le collectif - peuvent se conjuguer pour répondre à un défi majeur : le dérèglement climatique. 

Des solutions de toutes natures

Dans la Corderie de l'Arsenal qui accueille pour cette édition l’exposition principale, l’enjeu est posé dès l’entrée. Plongés dans le noir, une série de climatiseurs y saturent l’air d’une chaleur étouffante. Il faut passer dans la salle suivante pour renouer avec la fraîcheur du bâtiment et découvrir un ensemble de “solutions” fondées sur la “nature” : végétaux, minéraux, mais aussi culture de micro-organismes…

Dans le pavillon du Canada, le projet Picoplanktonics mise sur la culture de plancton pour créer une architecture durable et résiliente


La salle suivante tranche avec la douceur de cette première section, où les matériaux les plus vernaculaires (briques, pierre, chaume, corde…) composent une série d’abris spectaculaires (arches, tentes, etc.) : on y aborde l’apport des nouvelles technologies au pilotage des villes via un ensemble de projets comme celui de Sidewalk Labs, chantre de la smart city imaginé pour la ville de Toronto, et abandonné.

Am I a strange loop ? de Takashi Ikegami et Luc Steels dans la section "Artificial" de l'exposition à l'Arsenal

Il y est aussi possible d’y converser avec un robot humanoïde conçu par Takashi Ikegami et Luc Steels  (Am I a strange loop ?), qui semble à l’opposé de l’idée développée dans la salle suivante, selon laquelle c’est la discussion, le débat, l’agir politique qui sauveront le monde. Dans cette section, domine l’impressionnante agora en bois (le speaker’s corner) conçue par Christopher Hawthorne, Johnson Marklee et Florencia Rodriguez. S’y dégage l’idée générale que l’architecture et l’aménagement sont une forme de ménagement, une culture du soin et de l’attention. 

A la corderie de l'Arsenal, une installation faite de climatiseurs plonge l'entrée de l'exposition dans une chaleur étouffante

S’adapter ou trouver une planète B ? 

Fruit d’une consultation mondiale, “space for ideas”, qui a permis d’ouvrir la Biennale à environ 750 participants et de souligner la diversité des approches de l’architecture, cette 19e édition pose question pour plusieurs raisons. A parcourir les divers pavillons situés dans les Giardini, on comprend que le discours global en matière de dérèglement climatique a définitivement tourné une page : celle de l’atténuation. Malgré la gravité des constats opérés ici et là, dont le pavillon du Chili, qui souligne de manière spectaculaire l’impact des data centers, il s’agit désormais de s’adapter. C’est notamment le discours à l'œuvre dans l'espace d’exposition aménagé par l’agence Jacob & McFarlane devant le pavillon français, fermé pour rénovation : intitulée “vivre avec”, leur proposition tourne au catalogue de projets séduisants, mais dont on devine d’emblée l’insuffisance. 

Le pavillon français conçu par l'agence Jacob & McFarlane invite à "Vivre avec"


Carlo Ratti semble lui-même douter de la capacité de l’architecture à faire face à l'immense défi de l’adaptation. C’est en tous cas ce que suggère la dernière salle de l’exposition dont il signe le commissariat à l’Arsenal. Il n’y est plus question d’intelligence naturelle, artificielle ou collective, mais bien de survie en milieu hostile. Dans l’obscurité, diverses tentes, combinaisons, dispositifs émergent, et dévoilent autant d’outils et de moyens de s’implanter dans l’espace. Façon de suggérer que si, il y a bien une planète B ? Ou plutôt de pointer l’urgence d’agir pour éviter la fuite dans l’espace ?  Quoi qu’il en soit, l’ensemble fait froid dans le dos, et tempère sérieusement l’optimisme et la séduction des projets présentés par ailleurs.

Dans la dernière salle de l’Arsenal, un abri pour survivre dans l’espace
SPACESUITS US: A CASE FOR ULTRA THIN ADJUSTMENTS d’Emily Ezquerro, Jerónimo Ezquerro, Charles Kim, Stephanie Rae Lloyd, Emma Sheffer et Sam Sheffer

Infos pratiques

19e biennale d'architecture de Venise - du 10 mai au 23 novembre 2025

L’exposition se déroule dans deux lieux différents (à 10 minutes à pied l’un de l’autre). Les horaires d’ouverture sont valables pour les deux lieux de visite.

Giardini : Viale Trento 1260 und Sant’Elena (Viale IV Novembre)

Arsenal : Campo della Tana 2169/F et Ponte dei Pensieri (Salizada Streta)

Horaires : 11h-19h

2025-06-05
Nouveau label « ÉcoQuartier » : vers des modèles de quartiers clé en main ?

Le terme « écoquartier » est apparu en France avec le Grenelle de l’environnement. Rapidement, de nombreux quartiers  sont sortis de terre en affichant fièrement leurs consommations énergétiques faibles et leur approche d’un mode de vie durable – avec parfois des écarts significatifs entre la performance visée et les chiffres. Suite au lancement fin 2012 par le gouvernement du label français « ÉcoQuartier », midi:onze fait le point.

En décembre dernier, Cécile Duflot, ministre de l’Egalité des Territoires et du Logement annonçait officiellement le lancement du label national ÉcoQuartier avec l’ambition affichée de « permettre d’encourager, d’accompagner et de valoriser les projets d’aménagement et d’urbanisme durables. » Parmi les objectifs mis en avant : construire 500 000 logements par an, en proposant une offre variée et adaptée aux besoins.

Ce nouveau label s’inscrit dans une recherche d’exemplarité d’urbanisme durable initiée en 2008 dans le cadre du Grenelle de l’environnement et à la suite de deux appels à projets en 2009 (160 dossiers) et 2011 (394 dossiers). « Les deux appels à projets ont permis de rassembler la matière sur les projets existants et de faire la promotion des premières initiatives des collectivités qui travaillaient sur la ville durable mais il n’y avait pas de définition commune ni de projet commun » souligne Bruno Bessis, adjoint du chef de l’aménagement opérationnel durable, du cabinet du Ministère de l’Ecologie.

« Les deux appels à projets ont permis de rassembler la matière sur les projets existants et de faire la promotion des premières initiatives des collectivités qui travaillaient sur la ville durable mais il n’y avait pas de définition commune ni de projet commun » souligne Bruno Bessis, adjoint du chef de l’aménagement opérationnel durable, du cabinet du Ministère de l’Ecologie." Bruno Bessis, adjoint du chef de l’aménagement opérationnel durable, du cabinet du Ministère de l’Ecologie

500 collectivités ont rejoint le Club national ÉcoQuartier

Aujourd’hui, une définition se dégage : « il s’agit d’une opération qui propose de construire une ville mixte, en association avec les différentes parties prenantes et les habitants, dans un cadre de vie de qualité, tout en limitant son empreinte écologique », peut-on lire dans le dossier de presse. Les projets présentés en 2011 concernent plus de 200 000 logements. Aujourd’hui, les ÉcoQuartiers représentent 186 projets en phase opérationnelle, pour plus de 133 000 logements. Près de 66 000 de ces logements sont sociaux, soit 31 % du total. Dès 2009, un Club national ÉcoQuartier a été créé afin d’impulser une dynamique et de mettre en place un réseau pour favoriser les retours d’expérience.

Aujourd’hui, les ÉcoQuartiers représentent 186 projets en phase opérationnelle, pour plus de 133 000 logements. Près de 66 000 de ces logements sont sociaux, soit 31 % du total.

Ce sont actuellement 500 collectivités qui ont rejoint le Club national ÉcoQuartier. Mais Bruno Bessis veut aller plus loin : « pour atteindre les objectifs du Protocole de Nagoya (un Plan Biodiversité 2010-2020) et le « 3 x 20 » européen ( atteindre 20 % de production d’énergie à partir de ressources renouvelables, une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) et 20 % d’économies d’énergie en 2020), l’ambition doit aller au-delà des 500 collectivités et mettre en place un système de déploiement des enjeux de la ville durable au niveau national. »

Une labellisation en trois étapes

Pour être labellisée ÉcoQuartier, la collectivité s’engage par la signature d’une charte qui formalise 20 engagements répartis en quatre catégories : mettre en œuvre un urbanisme autour d’un projet, améliorer le quotidien des habitants, dynamiser le territoire et répondre à l’urgence climatique et environnementale. Il faut par exemple lutter contre l’étalement urbain,  mettre en œuvre les conditions de la mixité sociale et intergénérationnelle, valoriser le patrimoine local, développer les filières locales et les circuits courts,  privilégier les mobilités douces et viser la sobriété énergétique… Ensuite, le projet est évalué via des objectifs qualitatifs pour lesquels la collectivité est invitée à justifier sa démarche et la façon dont ses objectifs s’intègrent à une politique territoriale globale. « Il n’y a pas forcément d’objectifs chiffrés, explique-t-on au cabinet du Ministère. Les indicateurs chiffrés demandés sont un système de cotations avec des étoiles. On a conscience que c’est loin d’être parfait mais c’est un premier pas pour pouvoir mesure la pertinence des écoquartiers ». Le projet rentre ensuite dans une phase opérationnel. Pour pouvoir être labélisé, le projet d’écoquartier doit avoir livré environ 30% des logements et 50% des espaces publics. Cette labellisation en fin de parcours permet à L’Etat de valider la pertinence des projets – une mesure « indispensable pour attirer les investisseurs et communiquer auprès des citoyens ».

Des écoquartiers clé en main ?

Dès le discours officiel de Cécile Duflot lors du lancement du label le 14 décembre 2012, le danger inhérent à une labellisation est soulevé : celui d’un modèle urbain normatif et reproductible sans contextualisation. « La loi doit être une boîte à outils opérationnelle pour les collectivités, a ainsi affirmé la ministre. Il ne peut en aucun cas imposer une ville générique. » L’urbanisation n’est aujourd’hui plus aux « modèles urbains », et le gouvernement l’a bien compris et tente d’éviter cet écueil. De l’avis du Ministère, « le fondement du label est à l’inverse d’une norme, à aucun moment on ne dit comment créer un écoquartier. Ce qu’on dit, c’est que les 20 engagements permettent de se poser un certain nombre de questions et que les collectivités vont proposer des réponses en fonction de leur contexte. La labellisation doit apporter des garanties de qualité sur un socle d’exigences fondamentales».

"Comme toute démarche de normalisation, il existe un revers à la médaille : celui d'un certain nivellement des approches en laissant au final peu de place aux innovations et aspérités pourtant essentielles à la "biodiversité" des formes urbaines de la ville durable." Jean-Marc Gancille, directeur du développement durable chez Evolution

Cependant, comme le souligne Jean-Marc Gancille, directeur du développement durable chez Evolution à l’origine du projet Darwin-Ecosystème et qui a participé à ce titre au Club écoquartiers du Ministère : « Comme toute démarche de normalisation, il existe un revers à la médaille : celui d'un certain nivellement des approches en laissant au final peu de place aux innovations et aspérités pourtant essentielles à la "biodiversité" des formes urbaines de la ville durable ». Il  rappelle aussi l’autre danger qui guette la labellisation, à savoir l’effet « marketing » : « l'obtention "à tout prix" du label EcoQuartier pourrait focaliser sur sa promotion des moyens qui auraient sans doute été plus utiles, voire essentiels, à l'un des parents pauvres de ces démarches : l'implication des habitants et l'accompagnement aux usages que suppose la promesse de performance environnementale. »

Pour le moment, aucun objectif minimal quant au nombre de projets labellisés n’est à l’ordre du jour. Les premiers labélisés feront partie des lauréats des deux appels à projets de 2009 et 2011 et bénéficieront d’un dispositif de labellisation accélérée. Une soixantaine de projets sont concernés. « Aujourd’hui, le service en charge du label n’est pas encore structuré pour lancer des centaines de projets labellisables, estime Bruno Bessis. La difficulté aujourd’hui, ce sont les moyens pour accompagner les collectivités. Car ce n’est pas en faisant dix écoquartiers par an que l’on réalisera la ville durable »

Manque de moyens pour accompagner la mesure, risque de surfer sur un « effet d’annonce » pour les collectivités et manque d’implication des habitants : cette labellisation très ambitieuse n’est donc pas exempte d’obstacles pour parvenir aux objectifs fixés et devenir un réel outil légitimant la pertinence des écoquartiers en France. Gageons que les premiers mois de sa mise en place lui permettront un rodage nécessaire.

2013-03-12
La filière bois poursuit son essor dans la construction

Depuis le début des années 2000, l’utilisation du bois dans le bâtiment connaît un regain d’intérêt grâce à l’évolution de la législation et diverses avancées techniques. Comment la filière se développe-t-elle ? Midi :onze fait le point.

Autrefois réservées aux zones forestières ou montagnardes (en région Rhône-Alpes par exemple), les constructions en bois connaissent un véritable boom sur tout le territoire français, au point qu’aujourd’hui plus d’une maison sur 10 construite en France est en bois. Ce renouveau semble faire écho à un besoin d’authenticité et une approche plus naturelle de l’habitat : « Il y a des modifications culturelles avec une prise en compte de plus en plus importante de la qualité et provenance des matériaux, observe Delphine Anton, responsable ressources du Comité National pour le Développement du Bois. Les gens aiment leurs forêts, aiment toucher du bois, c’est un matériau très affectif ».

A performance égale, le bois nécessite 2 fois moins d’énergie que le béton et 4 fois moins que l’acier pour sa production et sa transformation.

Cette tendance témoigne aussi d’une sensibilité accrue au développement durable : à performance égale, le bois nécessite 2 fois moins d’énergie que le béton et 4 fois moins que l’acier pour sa production et sa transformation. Si les maisons en bois ont longtemps représenté autours de 4% des constructions, leur part a atteint 6% en 2006 pour atteindre aujourd’hui plus de 11% ! Cette explosion sur les 10 dernières années, alors que l’Hexagone est la troisième superficie forestière d'Europe a bien évidemment amené les industriels à s’intéresser de près à ce matériau qui se révèle aussi attrayant sur le plan écologique qu’économique.

Une filière bois à prendre en compte

«  On trouve maintenant énormément d’entreprises et d’usines françaises qui fabriquent sur mesure les modules préfabriqués, explique l’architecte landais Jonathan Cazaentre. Une diversification de l’offre doublée d’une volonté de séduire les clients, explique Tina Wik, architecte et professeur suédois spécialisée dans le bois : « les différentes périodes de crise immobilière, comme celle de 99, ont changé l’attitude des constructeurs. Ils ont dû apprendre à attirer les clients en s’adaptant à leurs requêtes ».

"Il y a une offre de plus en plus développée qui s’adapte à des budgets différents, s’enthousiaste Delphine Anton, on observe maintenant des projets de toutes les tailles, ce n’est plus un marché de niche." Delphine Anton, responsable ressources du Comité National pour le Développement du Bois

Avec 2 466 entreprises présentes sur le marché de la construction bois en France, employant 31 940 salariés, ce secteur a réalisé en 2011 un chiffre d’affaires total de 3,9 milliards d’euros. « Il y a une offre de plus en plus développée qui s’adapte à des budgets différents, s’enthousiaste Delphine Anton, on observe maintenant des projets de toutes les tailles, ce n’est plus un marché de niche. C’est moins exclusif que ça ne l’était il y a une vingtaine d’années ». L’architecture en bois est devenue un réel enjeu pour les investisseurs en matière d’immobilier.

Le soutien gouvernemental à la filière bois

Cette démocratisation du bois, autant dans les mentalités que dans les entreprises, a également été portée par les gouvernements européens. À commencer par la nouvelle loi Duflot, qui instaure les conditions de performance énergétique d’un bien locatif neuf et risque bien de porter plus encore les bâtiments en bois, réputés pour leur qualité d’isolation thermique. « Les contraintes règlementaires ont évolué, explique Delphine Anton, on commence à voir des logements collectifs en bois et les premiers immeubles français vont bientôt sortir de terre ». Les évolutions techniques permettent l’apparition de bâtiments utilisant des matériaux nouveaux. Comme les panneaux en bois massifs qui n’existent que depuis une dizaine d’années et permettent un type d’architecture très contemporaine, sortant un peu de l’imagerie des chalets.

"Les contraintes règlementaires ont évolué, explique Delphine Anton, on commence à voir des logements collectifs en bois et les premiers immeubles français vont bientôt sortir de terre." Delphine Anton

L’arrivée des buildings en bois

Fini le temps où la législation anti-incendie interdisait de construire des bâtiments en bois de plus de deux étages. Les nouvelles règlementations, mises à jour régulièrement au fur et à mesure des avancées techniques, ont levé certains freins qui ont permis de lancer de nouveaux projets en hauteur. Comme ce bâtiment de 8 étages, pionnier du genre, créé en Allemagne en 2009 à base de panneaux en bois massifs. Côté français la finalisation de 30 logements sociaux en bois construits par l’agence KOZ en plein 18ème arrondissement de Paris au mois de janvier, ou encore l’extension en bois du Centre Pompidou à Metz en 2010, sont la preuve que le bois a désormais sa place dans les projets d’envergure. Matériau léger par excellence, le bois est également la meilleure solution envisageable pour les surélévations sur des bâtiments pas forcément aptes à accueillir un surplus d’étages en béton.Et l’isolation acoustique ? Longtemps restée le parent pauvre de la construction bois, elle a connu récemment des progrès notables grâce au couplage avec d’autres matériaux. « On observe l’apparition des premiers bâtiments en mixité bois et béton, affirme Delphine Anton. Le béton étant un excellent isolant acoustique et le bois un excellent thermique, l’association de ces deux matériaux permet de créer des bâtiments avec un très bon confort en optimisant la qualité des uns et des autres».

Dans ces conditions, il n’y aurait pas lieu de craindre que la progression de cette filière émergente soit freinée par le lobby du béton : les architectes s’accordent à dire que ces deux matériaux ne sont pas utilisés de la même manière et sont donc rarement en concurrence sur les mêmes projets. «  Même s’il y a des lobby très importants dans le bâtiment, comme celui du béton, conclut Tina Wik, c’est surtout la mentalité des gens et les habitudes de consommation qui sont déterminantes. »

2013-03-07
Plan de déplacements, quand les entreprises s’intéressent à la mobilité douce

Visant à optimiser les déplacements liés aux activités professionnelles en favorisant l'usage des modes de transport alternatifs à la voiture individuelle, certaines entreprises mettent en place des PDE (plans de déplacement entreprises) et des PDIE (plans de déplacements interentreprises). Alors que plus de la moitié des déplacements domicile-travail sont réalisés en voiture, l’enjeu est de taille.

Incitation au covoiturage, promotion du vélo (mise en place d'un stationnement et mise à disposition d'un local vélo proposant quelques outils et services…), encouragement à l'utilisation des transports publics (incitations financières) ou encore aménagements des horaires de travail… : pas moins de 80 mesures existent pour se lancer dans un PDE. « Il n’y a pas de définition précise pour un PDE, c’est plus une boîte à outils dans laquelle les responsables de programme en mobilité vont piocher », estime Ludovic Bu, conseiller en mobilité. L’ambition des PDE est claire : reléguer au second plan l’utilisation de la voiture individuelle qui ne cesse d’augmenter. En 2010, la France comptait 33,6 millions de voitures particulières, soit 46% de plus qu'en 1990. Près de 72% de ces voitures sont utilisées tous les jours ou presque et près de 54% utilisées pour les trajets domicile-travail (chiffres : Ademe).

En 2010, la France comptait 33,6 millions de voitures particulières, soit 46% de plus qu'en 1990. Près de 72% de ces voitures sont utilisées tous les jours ou presque et près de 54% utilisées pour les trajets domicile-travail.

Des PDIE pour peser sur les décisions

A Toulouse, entre étalement urbain et trafic saturé, une centaine d’entreprises ont entamé une démarche PDE/PDIE. Située dans une zone d’activité, la ZA « Baluffet », l’entreprise du Groupe Sanofi, Mérial, forte de ses 380 salariés, s’est rapprochée d’une dizaine de structures voisines, comptabilisant ainsi près de 3000 salariés, pour mettre en place des actions. « L’enjeu de créer un PDIE est de pouvoir avoir plus de poids auprès des différents acteurs de la région et réussir ainsi à peser sur les décisions mais aussi de mutualiser les moyens et de toucher une plus grande zone géographique pour le covoiturage», explique Dominique Garnier, Responsable Santé et Environnement de l’entreprise spécialisée dans les médicaments pour animaux et membre du comité de pilotage du PDIE qui a vu le jour en 2010.

Communication au sommet

Au sein de ce PDIE, un « Guide de la mobilité » a été lancé et des actions de sensibilisation sont menées, à l’image de l’événement "Allons-y à vélo" organisé pour « faire changer la culture du déplacement et inciter aux modes doux » explique Dominique Garnier. Avec près de 10% des salariés de l’entreprise qui utilisent les transports en commun, le vélo ou le covoiturage, l’objectif est d’atteindre 30 à 40 % de voyageurs « doux » d’ici 4 ans à l’échelle du PDIE.

"Le PDE ne marche que s’il s’inscrit dans une démarche de conduite du changement. Ces plans souffrent de la difficulté à faire changer les habitudes et les usages ainsi que d’une méconnaissance des réalités." Ludovic Bu, conseiller en mobilité

Principal écueil : faire changer les mentalités. « Le PDE ne marche que s’il s’inscrit dans une démarche de conduite du changement. Ces plans souffrent de la difficulté à faire changer les habitudes et les usages ainsi que d’une méconnaissance des réalités. C’est pour cela que l’information est fondamentale, ajoute Ludovic Bu. Il y a de nombreux a priori comme le vélo qui est dangereux en ville alors que les chiffres prouvent l’inverse : il y a moins d’accidents en ville qu’à la campagne ».

Le PDU, un cadre général pour les PDE

De même, une offre de déplacements en commun conséquente et adaptée aux besoins est nécessaire à la réussite d’un PDE. Chez Mérial, Christelle Gain, assistante de direction le dit : « Passer aux transports en commun multiplierait mon temps de déplacement domicile-travail par deux, c’est trop contraignant ». Les collectivités locales, élus et aménageurs ont de fait un rôle indispensable et sont par ailleurs tenus par un cadre réglementaire. Avec 34 % des émissions de gaz à effet de serre, les transports sont un secteur clé pour que la France tienne ses engagements européens de réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020.

Une réglementation nationale, la LAURE (loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie) de 1996 renforcée par la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) fait des PDE l’un des six volets des PDU (plan de déplacements urbains). Autres mesures incitatives : les plans de protection de l’atmosphère (PPA) qui définissent les objectifs permettant de ramener, entre autres pour les agglomérations de plus de 250 000 habitants les niveaux de concentrations en polluants dans l’atmosphère à un niveau inférieur aux valeurs limites.

"La question de l’environnement c’est la cerise sur la gâteau, elle permet de sensibiliser mais le véritable moteur de la mise en place d’un PDE, c’est la question économique ou la contrainte, quand l’entreprise ne peut plus faire autrement." Ludovic Bu

Reste que les moyens financiers des différents acteurs locaux ne sont pas toujours à la hauteur des attentes. A Toulouse, le PDIE de Baluffet attend une hausse des fréquences du bus qui dessert le site et l’installation d’une station-vélo, demande rejetée pour le moment car la fréquentation actuelle ne justifie pas sa mise en place.

Quid des motivations ?

L’objectif affiché par le PDIE « Baluffet » à Toulouse ? « Offrir une mobilité plus sûre, plus solidaire, économique et écologique ». Mais au-delà de la volonté d’inscrire l’entreprise dans une démarche environnementale forte, les retours d’expérience au niveau national révèlent le plus souvent une contrainte forte en préambule d’un plan : difficultés croissantes de circulation, manque de places de parkings, site congestionné par les véhicules, fin de la gratuité des parkings… Et comme le souligne Ludovic Bu : "La question de l’environnement c’est la cerise sur la gâteau, elle permet de sensibiliser mais le véritable moteur de la mise en place d’un PDE, c’est la question économique ou la contrainte, quand l’entreprise ne peut plus faire autrement."

2013-02-26
Totnes, ville en transition : entretien avec Rob Hopkins

Rob Hokpins, professeur de permaculture et pionnier de Transition Town Totnes (TTT) présente cette initiative née il y a six ans, et explique comment une petite ville anglaise du Sud Devon a décidé de miser sur les ressources locales pour faire face aux défis conjugués du pic pétrolier, du changement climatique et de la crise économique.

2013-02-21
Automobile : vers de nouveaux usages

Alors que l’industrie automobile française semble engagée dans une crise profonde, se développent dans les zones urbaines de nouveaux usages de la voiture, où la notion de service se substitue à celle de bien. Petit tour d’horizon.

2013 sera-t-elle l’annus horribilis de l’industrie automobile française ? De fait, l’année commence mal : à Aulnay, la grève longue et difficile dans laquelle se sont engagés les ouvriers de l’usine PSA n’est que l’un des volets du plan de restructuration initié par le constructeur automobile, et qui devrait se solder par la suppression de 8000 emplois. Rien de plus reluisant chez Renault, qui annonçait le mois dernier vouloir supprimer 7500 postes. Il faut dire que les ventes de voitures s’effondrent en Europe, et particulièrement en France : en 2012, le nombre d’immatriculations de véhicules neufs a baissé de près de 14%, et rien ne laisse penser que l’année 2013 sera plus florissante.

Une crise conjoncturelle ?

Chez les constructeurs automobiles, on évoque une crise conjoncturelle, liée à la crise tout court. Et si le mal était plus profond ? Et si l’industrie automobile était en train de vivre une mutation dont les principaux effets sont encore à venir ? Le secteur semble en effet s'affronter à une crise structurelle, dont les causes sont multiples. La première d’entre elles tient à la nature même d’un bien dont la longévité conduit à la surproduction. Par ailleurs, la hausse continue du prix du pétrole pèse de plus en plus lourd sur le budget transport des ménages, et rend moins désirable la possession d’un bien de plus en plus perçu comme une contrainte. Si la situation plaide en faveur de la voiture électrique, celle-ci  reste chère et les infrastructures nécessaires à son usage sont encore peu développées, freinant son adoption.

Après des décennies de consommation ostentatoire, la voiture apparaît de moins en moins comme objet de distinction sociale et comme signe extérieur de richesse.

Enfin, et c’est peut-être là la cause principale de la crise du secteur automobile, l’avènement d’Internet et l’apparition sur la scène médiatique du changement climatique concourent à faire évoluer les mentalités. Après des décennies de consommation ostentatoire, la voiture apparaît de moins en moins comme objet de distinction sociale et comme signe extérieur de richesse. Désormais, on mesure surtout son intérêt aux services qu’elle rend. Une enquête du CREDOC publiée en 2012 sur la seconde vie des objets montre que chez les 18-24 ans, le taux de détention d’une automobile a baissé de 15% en 30 ans, alors qu’il augmentait de 30% chez les plus de 70 ans.

De la possession d’une voiture à l’utilisation d’un service de transport

Si le consommateur moyen de quatre roues à moteur vieillit, c’est d’abord parce que les plus jeunes préfèrent vivre dans les centres urbains denses, où l’offre de transports en commun est abondante. Surtout, les villes voient se développer rapidement une offre inédite de transports publics individuels (TPI), dont Autolib est le parangon. Grâce à l’essor des technologies mobiles et des smart phones, elles accueillent aussi des services de mobilité de plus en plus performants et diversifiés. Aux sociétés d’autopartage « classiques » (dont le nombre a été multiplié par 4 entre 2005 et 2012 , selon une étude de Xerfi), viennent désormais s’ajouter celles qui proposent des solutions « peer to peer », de pair à pair. Zilok (qui vient de lever 1,5 millions d’euros pour développer son offre de location de voitures), Buzzcar ou Drivy (ex Voiturelib) facilitent ainsi la location de véhicules entre particuliers, sur le modèle de l’Américain Zipcar, pionnier du genre. Dans le même temps, se développe l’offre de taxis collectifs, notamment chez G7, qui a lancé Wecab en 2012 pour faciliter les courses vers les aéroports parisiens. Le covoiturage (3 millions d’utilisateurs en France selon l’ADEME) est lui aussi en passe de vivre sa mutation 2.0. De planifié, il devient dynamique ou « en temps réel », grâce à des sites comme Covivo.

Stratégies d’adaptation de l’industrie automobile

On le voit : de plus en plus, la possession (contraignante et coûteuse) d’une voiture se voit substituer l’utilisation de services de transport. Si cette transition vers une économie dite fonctionnalité ne touche pas seulement le domaine de la mobilité, elle y est particulièrement marquée en raison de la nature du bien (il est plus facile de partager sa voiture que son frigo) mais aussi d’une conjoncture moins favorable à la possession d’un véhicule individuel.Jusqu’à présent, les constructeurs automobiles semblaient ignorer cette nouvelle donne, dont tout porte à croire qu’il s’agit d’une évolution de fond.

De plus en plus, la possession (contraignante et coûteuse) d’une voiture se voit substituer l’utilisation de services de transport.

Mais à la faveur de la crise, le secteur semble de plus en plus enclin à développer des stratégies d’adaptation. Ainsi, en mars 2010, PSA lançait Mu by Peugeot, service de location de voitures, mais aussi scooters, vélos électriques, véhicules utilitaires et accessoires. Autrement dit, une offre multimodale, centrée sur l’utilisateur, qui peut désormais réserver et payer son véhicule en quelques clics. Dans la même veine, Renault lançait en 2011 l’incubateur « mobilités connectées » avec Paris incubateurs pour « participer au développement d’un écosystème autour des services connectés et des TIC pour la mobilité ». L’intérêt du constructeur pour les TIC se traduit aussi par le lancement de R-Link, tablette intégrée et connectée.Ces mesures seront suffisantes pour endiguer la crise du secteur ? Il est encore trop tôt pour le dire. Elles témoignent en tout cas d’une prise de conscience que l’ère du tout-voiture est sans doute révolue…

2013-02-08
Écrit par
Pierre Monsegur
Reconquérir les rues avec Nicolas Soulier - chapitre 3

Nicolas Soulier est l'auteur aux éditions ULMER de Reconquérir les rues, ouvrage indispensable pour refertiliser les espaces publics. Troisième et dernier volet de notre entretien vidéo avec l'urbaniste.

Pour en savoir plus :

Nicolas Soulier, Reconquérir les rues. Exemples à travers le monde, éditions ULMER, 2012, 288 pages.

2013-01-30
A la Maison rouge, regards croisés de chercheurs et d’artistes sur les mobilités périurbaines

Les 24 et 25 janvier prochains à la Maison rouge (Paris), un colloque doublé de deux expositions interroge les mobilités dans l’espace périurbain. L’occasion de bousculer quelques idées reçues…

La fréquence et la virulence des attaques dont il est la cible ne laisse aucun doute : le périurbain est en crise. Dans une époque qui multiplie les appels à la densité et à la mixité sociale, urbanistes et sociologues font de cet entre-deux géographique la cristallisation des maux auxquels s’affronte la ville contemporaine : « Il est fustigé au titre du gaspillage du sol, de la consommation d’énergie, de l’entre soi sécuritaire, mais aussi des valeurs qu’il est censé véhiculer, explique Vincent Kaufmann, sociologue et président du comité d’orientation du Forum vies mobiles, « transinstitut » créé en 2011 par la SNCF. Le périurbain est perçu comme un rêve de petit bourgeois, et souvent associé à un projet familial. C’est aussi cela qu’on attaque, non sans mépris. »Les 25 et 26 janvier prochains, un colloque et deux expositions à la Maison rouge entendent justement bousculer cette unanimité d’experts. Organisé par le Forum Vies mobiles, l’événement questionne les représentations du périurbain à l’aune de la mobilité, confronte mythes et pratiques et s’interroge sur les conditions de possibilité d’une « transition mobilitaire » durable. Si le thème du colloque a été déjà largement traité, sa perspective est assez neuve, comme le souligne Vincent Kaufmann : « conformément à l’ambition du forum, qui est d’hybrider les savoirs, nous cherchons à confronter artistes et chercheurs. Nous avons en effet constaté que nombre d’artistes s’étaient saisis de la question et proposaient sur le phénomène un regard décalé. Nous avons voulu verser leur point de vue au dossier. »

Ainsi, la 2e édition des rencontres internationales du Forum s’assortit d’une double exposition montée sous la houlette d’Irene Aristizabal, commissaire d’exposition d’origine colombienne et espagnole. La première, « Vertiges et mythes du périurbain », croise photographies réalisées par Solmaz Shahbazi dans les gated communities du Caire, compositions sonores de Justin Bennett ou encore dessins tout droit sortis de l’AVL Ville fondée par l’Atelier Van Lieshout à Rotterdam. D’un côté l’entre-soi pavillonnaire, de l’autre l’invention foutraque d’une autre manière de vivre dans les marges. Dans une seconde exposition, les travaux de Ferjeux van der Stigghel (voir photo) autour des « travellers, campements et bords de ville » questionnent les mutations de l’espace social dans une Europe en crise. Autant de propositions qui suggèrent que c’est peut-être là, dans ces espaces désignés sous les appellations diverses de grande banlieue ou de faubourg que se joue l’avenir des mobilités.C’est d’ailleurs tout l’enjeu la 2e édition des rencontres internationales du Forum  que d’envisager la manière dont l’espace périurbain pourrait se muer en « territoire d’avenir ». Ainsi, le colloque réunit une vingtaine de chercheurs, parmi lesquels Jacques Levy, Eric Charmes ou Jean-Michel Roux, autour de cette question cruciale : « des mobilités durables dans le périurbain, est-ce possible ? » Selon Vincent Kaufmann, l’adaptation à la crise énergétique et climatique est en effet l’un des défis auxquels doit s’affronter la ville du vingt-et-unième siècle : « La transition mobilitaire est inévitable, explique-t-il. Il faut s’y préparer. L’enjeu est de transformer les mobilités périurbaines sans jeter le bébé avec l’eau du bain. »

Infos pratiques :

"Le périurbain dans tous ses états" - Des artistes et des chercheurs explorent le périurbain

2 expositions - "Vertiges et mythes du périurbain" - "Travellers, campements et bords de ville"1 colloque international - "Des mobilités durables dans le périurbain, est-ce possible ?"

Les jeudi 24 et vendredi 25 janvier à la Maison Rouge - 10 boulevard de la Bastille 75012 Paris

2013-01-22
Écrit par
midi:onze